Kim Gevaert: "Je n’ai jamais couru derrière l’argent ou la gloire"
La championne olympique, championne du monde et d’Europe, détentrice des records de Belgique sur 60, 100 et 200 m s'est livrée sans tabou pour notre série Que sont-ils devenus ?...
- Publié le 26-06-2018 à 11h07
- Mis à jour le 26-06-2018 à 11h41
La championne olympique, championne du monde et d’Europe, détentrice des records de Belgique sur 60, 100 et 200 m s'est livrée sans tabou pour notre série Que sont-ils devenus ? ...
Ils ou elles ont été à un moment de leur vie, de leur carrière sous les feux des projecteurs, à la une des journaux, devant les objectifs des photographes... Depuis, ils ont retouvé un certain anonymat, la vie de monsieur et madame tout-le-monde. Comment vivent-ils ce transfert de la lumière à l'ombre, du terrain au banc ? Que font-ils ou elles de leur vie ? Sont-ils plus heureux, plus épanouis ?
Dix ans !
Dix ans déjà, en effet, que Kim Gevaert, perchée sur la plus haute marche du podium réservé au 100 m du Mémorial Van Damme, a officialisé son adieu définitif à la compétition.
Ce 5 septembre 2008, elle l’avoue sans honte, conserve aujourd’hui encore une place bien au chaud au fond de sa mémoire.
« La décision d’arrêter ne fut pas facile à prendre, car elle était plus liée au physique qu’à mon mental , témoigne-t-elle. Dans ma tête, en effet, ma passion pour l’athlétisme n’était pas érodée. Par contre je souffrais, à cette époque, de douleurs chroniques au niveau du talon d’achille qui, j’en étais pleinement consciente, ne diminueraient pas avec le temps. »
Elle dont le corps fut si longtemps épargné par les petits bobos que peuvent rencontrer les athlètes, plus encore quand, comme elle, ils sont concentrés sur les épreuves de sprint, préféra alors fermer les pages d’un livre rempli de records et de médailles.
« Il est vrai qu’à près de 30 ans, l’envie de fonder une famille était devenue très forte. Ce besoin d’être maman et de vivre une vraie vie de couple a, implicitement, servi de déclic pour m’aider à mettre un terme à ma carrière. »
Comment s’est opéré ce passage de témoin entre l’athlète et la maman ?
« En fait de manière assez naturelle, car très vite j’ai été enceinte. Et quand mon premier fils est né, c’est à temps plein que j’ai rempli mon rôle de maman, donc mes journées étaient bien occupées. »
Et ce besoin d’adrénaline qui alimente le quotidien d’un athlète, vous avez pu aisément vous en passer ?
« Disons qu’élever des enfants suppose aussi une part importante d’adrénaline. Elle n’est pas la même que lorsqu’on se limite à penser à soi et à sa carrière, mais elle a son poids... »
Quel fut donc l’obstacle le plus ardu à franchir pour passer ce cap de vie ?
« L’absence de véritable timing. Le quotidien d’un athlète est en effet très rythmé, articulé sur un programme précis, presque heure par heure, qui doit le mener à son pic de forme pour telle ou telle période de l’année. Pendant plus de 10 ans j’étais donc moulée dans une structure bien précise, avec des heures de sommeil à respecter, une nourriture adéquate à ingurgiter, un entraînement physique à suivre à la lettre, bref un mode de vie dont je connaissais tous les contours. Et quand toutes ces règles ne sont plus forcément présentes, il faut un temps d’adaptation pour passer à un autre quotidien. »
L’idée de revenir à la compétition après la naissance de votre premier fils a-t-elle germé en vous ?
« Au départ, non. Mais quand Kim Clijsters est revenue sur le circuit après avoir été maman et puis quand Tia Hellebaut a posé le même choix, je l’avoue, oui, alors, je me suis dit et « pourquoi pas moi ? ».
Comment faites-vous pour conserver une silhouette aussi affinée ?
« N’exagérons pas ! En dix ans mon corps s’est quand même transformé. Mais j’ai toujours eu la chance, surtout quand j’étais athlète, que la prise de poids, chez moi, n’existait quasiment pas. Et aujourd’hui encore, même si je me prive moins qu’il y a dix ans, j’arrive à gérer mon poids... »
Grâce au tennis ou à l’athlétisme ?
« Les deux. J’ai découvert la pratique du tennis au terme de ma carrière et je concède que je prends beaucoup de plaisir sur un terrain. Pour le reste, je me force à faire un peu de jogging, car je sens que j’ai besoin de courir, mais il n’est plus question de pratiquer des sprints, le risque de subir une blessure musculaire est trop important. Et puis je m’astreint, aussi, à faire des étirements. C’est un héritage du mode de vie que j’avais adopté comme athlète. »
On le constate à vos propos, l’athlétisme reste, chez vous, une véritable passion.
« Bien davantage que pour mon mari (Djeke Mambo, lui aussi ex-athlète de haut niveau), lequel a un peu décroché. Moi, à l’inverse, je reste une grande fan. Je regarde toutes les grandes compétitions à la télévision quand je ne vais pas les suivre sur place. D’ailleurs, avec Tia Hellebaut, on est partie à deux pendant deux semaines aux JO de Pékin. Et dernièrement, en famille, on a passé une semaine à Londres pour regarder les Championnats du monde et les adieux à la compétition d’Usain Bolt. Et, bien sûr, je reste fidèle au Van Damme, dont je suis devenue une véritable ambassadrice. »
La notoriété vous manque-t-elle ? On vous reconnaît encore dans la rue ?
« Beaucoup moins que par le passé. D’ailleurs, en décidant de vivre près de Waterloo, je cherchais un peu à m’éloigner de la pression médiatique et populaire que je subissais, mais sans excès, en Flandre. C’est amusant, il y a peu, alors que Tia Hellebaut et moi étions avec nos enfants dans un parc public à Waterloo, Tia m’a interpellé en me disant : « Tu as remarqué, mais ici personne ne semble nous reconnaître ! »... »
Vous étiez en recherche de gloire lorsque vous étiez athlète ?
« Pas du tout. L’athlétisme était ma passion et je cherchais à y être la meilleure, mais uniquement pour me faire plaisir à moi. Je n’ai jamais couru derrière l’argent ou la gloire ! »
Mais bien derrière les records ?
« Exact. Si, d’ailleurs, je devais exprimer un seul regret à propos de ma carrière, c’est d’avoir dû tout arrêter alors que j’étais prête à descendre sous les 11 secondes au 100 m. Ce chrono magique, c’est le seul objectif que je n’ai pas réussi à atteindre. Dommage, car je n’étais pas loin de l’atteindre ! »
De toutes vos médailles, quelle est la plus belle à vos yeux ?
« Je vais vous donner la même réponse que Michael Johnsson a formulé quand on lui a posé cette question : « mes médailles, ce sont comme mes enfants : toutes sont différentes mais je les aime de la même manière. » Idem pour moi. Je ne fais pas de différence ou de hiérarchie entre elles, car toutes m’ont procuré un immense plaisir quand je les ai remportées... »
Question plus d’actualité : quel jugement portez vous sur Nafi Thiam ?
« Elle m’épate, tout simplement. D’abord comme pure athlète. On la croirait sculptée sur mesure pour briller dans toutes les disciplines. J’ai d’ailleurs la conviction qu’au niveau de ses performances, elle est loin d’avoir atteint ses limlites. Et puis j’admire aussi la sérénité qu’elle affiche pour dompter la pression qui pèse sur elle. Les médias, le grand public, l’obligation de résultat : tout cela ne semble pas l’atteindre. C’est une forme énorme qui explique pourquoi, si jeune, elle est déjà devenue une championne d’exception. La Belgique peut être fière de posséder une telle athlète... »
Et c’est là l’avis d’une grande... experte !
Sa carte d’identité
Nationalité : Belge
Naissance : 5 août 1978 (39 ans)
Lieu : Louvain
Taille : 170 cm
Poids : 62 kg
Disciplines : 100 m, 200 m, 4 × 100 m
Période d'activité : 1999 à 2008
Palmarès
1999 : 1ere du 200 m aux Universiades
2002 : 1er du championnat d’Europe en salle sur 60 m
2e du championnat d’Europe sur 100 etr 200 m
2004 : 2e du championnat du monde en salle sur 60 m
6e des Jeux Olympiques d’Athènes sur 200 m
2005 : 1ere du championnat d’Europe en salle sur 60 m
2006 : 3e du championnat du monde en salle sur 60 m
1ere du championnat d’Europe sur 100 et 200 m
2007 : 1ere du championnat d’Europe en salle sur 60 m
3e du championnat du monde en relais 4 x 100 m
2008 : 1ere aux Jeux Olympiques de Pékin en relais 4 x 100 m
Récompenses et distinctions
2004 : Kim reçoit le Géant des Flandres. Elle s'impose devant Stefan Everts et Tom Boonen.
2004 : Élue Personnalité sportive belge de l'année.
2006 : Trophée national du Mérite sportif (individuel)
2007 : Trophée national du Mérite sportif (dans l'équipe du 4 × 100 m)
2009 : Grand-croix de l'ordre de la Couronne
Spike d'Or en : 2001, 2002, 2003, 2004, 2005 et 2007