Anne-Sophie Jura : “Je dois apprendre à gérer la douleur”
La Hennuyère de 27 ans est (vraiment...) de retour à la compétition, ce vendredi, à Tachkent, après une hernie discale.
- Publié le 19-09-2019 à 17h43
- Mis à jour le 19-09-2019 à 17h44
La Hennuyère de 27 ans est (vraiment...) de retour à la compétition, ce vendredi, à Tachkent, après une hernie discale.
Trois semaines après le Mondial, à Tokyo, où seul Matthias Casse est parvenu à monter sur le podium avec sa médaille d’argent en -81 kg, quatre Belges ont repris leur bâton de pèlerin avec un lointain déplacement à Tachkent. En quête de points dans la course à la qualification olympique, Jorre Verstraeten (-60 kg), Dirk Van Tichelt (-73 kg), Sami Chouchi (-81 kg) et… Anne-Sophie Jura (-48 kg) se sont envolés mardi midi et ont rallié la capitale de l’Ouzbékistan, via Istanbul, où ils sont arrivés mercredi matin, fatigués par le voyage. Parmi nos compatriotes, seule Jura n’était pas sur les tatamis japonais. Et pour cause… Souffrant d’une hernie discale, Anne-So n’a plus combattu en compétition depuis le 16 février, à Oberwart, où elle s’était inclinée, pour le bronze, face à la Japonaise Yoshida. Enfin presque… "J’ai combattu il y a deux semaines, à Bratislava, où j’ai d’ailleurs décroché le bronze !" précise la Hennuyère de 27 ans. "Il s’agissait pour moi d’un tournoi de reprise, lequel n’entre pas dans la comptabilité pour le ranking olympique. Mon véritable retour a donc lieu ce vendredi, à Tachkent, un rendez-vous labellisé Grand Prix..."
Anne-So, on vous sent heureuse de retrouver la compétition de haut niveau…
"Mais je le suis vraiment, croyez-moi ! Ça me manquait terriblement. Ce n’est jamais facile de devoir tirer un trait sur des rendez-vous comme l’Euro ou le Mondial. Mais je n’avais pas le choix… Je devais me montrer patiente. Attendre que mon corps me donne le feu vert ! Moralement, être coincée à la maison quand les autres partent pour le Mondial fut une épreuve délicate. Et, si j’ai suivi les prestations des Belges à Tokyo, je n’ai, en revanche, pas regardé ma catégorie. C’était trop fort pour moi."
Racontez-nous, que s’est-il passé depuis février et ce combat pour le bronze, perdu face à la Japonaise Yoshida ?
"Je me suis blessée lors du stage à Düsseldorf. En fait, j’ai reçu un coup sur mon genou droit, celui où je m’étais occasionnée une triple lésion en août 2016 avec une déchirure partielle des ligaments croisés et du ligament latéral interne ainsi qu’une contusion osseuse. Heureusement, pas d’arrachement, ce qui m’avait épargnée de l’opération, mais pas des huit mois de revalidation. En rentrant de Düsseldorf, j’ai pris deux semaines de repos pour ne rien aggraver. Mais, dès ma reprise, je me suis à nouveau blessée, au dos ! Et le médecin a diagnostiqué une hernie discale. À nouveau, j’ai préféré la patience à l’opération qui, il est vrai, n’est pas opportune..."
Comment peut-on combattre avec une hernie discale ?
"Alors là… Disons que j’ai pris le temps de me soigner. Comme pour le genou, j’ai arrêté l’entraînement et, par la même occasion, renoncé à l’Euro, en juin, et au Mondial, en août. Et j’ai revu mon kiné plusieurs fois par semaine ! J’ai repris le judo début juillet. Progressivement… Puis, début août, je suis repartie en stage à l’étranger, en Hongrie. Je sais que la douleur peut revenir à tout moment. Je dois donc apprendre à la gérer. Ne pas irriter cette hernie pour éviter qu’elle ne s’enflamme et m’empêche à nouveau de monter sur le tatami."
Tachkent marque donc votre vrai retour. Tokyo 2020, vous y croyez toujours ?
"Bien sûr ! Je sais qu’actuellement, je ne suis plus classée en ordre utile au ranking olympique (48e), mais j’ai jusqu’en mai 2020 pour me qualifier et les rendez-vous les plus importants arrivent maintenant. Pour bien comprendre, on prend les cinq meilleurs résultats sur les deux années précédant les Jeux. Mais ils ne comptent qu’à 50 %, la première année et à 100 %, la deuxième. J’ai donc encore toutes mes chances !"
Revenons un instant sur Bratislava, il y a deux semaines. Sympa, cette European Cup comme entrée en matière avant Tachkent ?
"J’en avais besoin, histoire de retrouver mes repères, ne fût-ce qu’au niveau du poids ! Ce n’est jamais évident après une longue période sans compétition de descendre sous les 48 kg, même si je veille à mon poids pendant toute l’année. Ici, ce fut donc plus facile… Pour ce qui est de la compet proprement dite, j’ai gagné deux combats, contre l’Allemande Ulrich et la Polonaise Majcher avant de m’incliner, en demi-finale, face à l’Italienne Fiorini. Mais je me suis rattrapée en décrochant le bronze aux dépens de l’Allemande Schneider. Franchement, j’étais heureuse de remonter sur un podium..."
De bon augure pour l’avenir, à court et à moyen terme, dans le chef d’Anne-Sophie Jura, qu’on attend, bien sûr, l’an prochain, à Tokyo…
Assistante sociale, étudiante et conseillère communale...
À côté des entraînements et compétitions de judo, Anne-Sophie Jura ne manque pas d’activités. Déjà titulaire d’un diplôme d’Assistante sociale, la Hennuyère de 27 ans termine actuellement un Master en Sciences de la Famille.
"Je suis, en effet, en dernière année, que j’ai étalée sur deux ans pour pouvoir continuer à pratiquer le judo au plus haut niveau. Mais je parviens à joindre l’utile à l’agréable puisque j’effectue mon stage de fin d’études à la Fédé francophone où j’aurai l’opportunité d’animer plusieurs conférences. La première se tiendra le 20 octobre. J’y évoquerai, notamment, le rôle des parents dans la vie d’un sportif de haut niveau parce que je pense qu’il n’est pas assez mis en avant alors qu’il est essentiel. La plupart du temps, les parents se sacrifient volontiers pour voir leurs enfants assouvir leur passion. Moi-même, si mes parents n’avaient pas été là pour me soutenir, me conduire aux entraînements, s’organiser pour que tout aille pour le mieux et me permettre de gérer le sport et les études, je n’en serais pas là..."
Soutenue par Philippe Godin, psychologue du Sport, Anne-So entend se servir de sa propre expérience pour mettre en lumière le rôle joué par les proches, à savoir famille, entraîneur, dirigeant, dans la carrière d’un sportif.
"Les parents, en particulier, sont souvent démunis face aux exigences du sport de haut niveau. Ils manquent d’informations… L’objectif est de leur donner quelques tuyaux afin que, de bonne foi, ils ne fassent plus mal que bien."
L’autre facette de la vie extra-sportive d’Anne-Sophie Jura est la… politique ! Devenue conseillère communale à Colfontaine en octobre 2018, elle a même failli être élue au Parlement national lors des élections de mai 2019 !
"Ceux qui me connaissent savent combien je tiens à aider mon prochain, à trouver des solutions aux problèmes des gens. Aujourd’hui, je suis devenue un relais entre les citoyens et les échevins de Colfontaine. En fait, pour moi, ça coulait de source. À l’issue du Grand Prix de Tachkent, j’ai d’ailleurs un Conseil communal, mardi soir… Combiner les deux, apporter mon expérience, me plaît. Et j’espère être efficace !"