Seppe Smits se confie avant la compétition de snowboard: "On a toujours peur de tester quelque chose de nouveau mais ça fait vingt ans que je fais ça"
Champion du monde en titre, Seppe Smits a le statut de favori, mais ne veut pas se mettre de pression inutile
- Publié le 09-02-2018 à 07h24
- Mis à jour le 09-02-2018 à 10h45
Champion du monde en titre, Seppe Smits a le statut de favori, mais ne veut pas se mettre de pression inutile. Impossible de louper Seppe Smits. Cheveux longs qui sortent à l’arrière du bonnet à l’effigie de son sponsor, l’Anversois symbolise la vision populaire d’un snowboardeur pro. Mixant néerlandais et anglicismes de snowboardeur (pow, jumps, grips, etc.), il s’est confié au moment de débuter la compétition de Slopestyle (dans la nuit de vendredi à samedi) où, sans le dire, il vise la médaille.
Comment gérez-vous les attentes à votre sujet ?
"Il y en a plus quand je suis en Belgique que quand je suis sur mon snowboard. Quand je suis à l’étranger pour m’entraîner, les médias sont plus loin et je peux juste penser à mon sport. Je dois faire pareil aux JO : ne pas penser aux résultats. Uniquement à la prestation. C’est la méthode qui me convient le mieux. J’avais abordé les championnats du monde comme cela."
Vous faites vraiment du step by step …
"Je ne peux pas tout contrôler. Il y a mes adversaires, le parcours, le climat, etc. Je dois juste penser à ce que je fais et réaliser une bonne prestation. Cela compte plus pour moi que ce qu’attendent les gens. Je vise donc d’abord la finale. Puis, on verra ce qu’il adviendra. Je donnerai tout, comme aux Mondiaux. Cela avait porté ses fruits."
Vous avez évolué depuis Sotchi en 2014?
"Je devais m’améliorer sur les rails et les jumps en Slopestyle . J’ai beaucoup travaillé cela pour être plus technique. Surtout sur les rails. Pour les jumps, j’ai développé mon propre style, un truc à part. C’est très personnel. J’espère que le jury des JO va apprécier. Ça a souvent été le cas par le passé."
Pouvez-vous décrire ce style?
"Je suis très clean dans les airs et je n’hésite pas à varier les grips (NdlR : quand il attrape sa planche) . Certains prennent toujours leur planche de la même manière. Pas moi. Le jury apprécie le fait que je n’ai pas une préférence. Ces variations prouvent aussi que je n’ai pas de difficulté lors de tricks difficiles. Puis, avec des grips différents, tu peux aussi sauver des situations mal embarquées ou compenser quand le vent souffle."
Mentalement, vous êtes plus fort?
"Je n’ai pas trop changé. J’étais déjà fort à Sotchi."
Vous arrivez à considérer les Jeux olympiques comme une compétition comme les autres?
"Je ne prends pas les Jeux différemment des X Games , d’un championnat de Belgique ou d’un championnat du monde. Je suis toujours le même et je veux toujours le maximum. La stratégie ne change pas. Après, on sait que les Jeux ont une portée plus importante dans le monde."
Vous préparez une surprise pour votre run de Slopestyle ?
"Je ne prépare rien de secret mais j’ai travaillé sur de nouveaux trucs pour les JO. Je prépare quelques ajouts mais ce n’est pas secret. Les autres m’ont vu travailler et ils savent que personne ne fait de nouveaux tricks pour la première fois en compétition. Le Slopestyle est trop technique pour ça. On a six obstacles et c’est presque impossible d’être parfait sur tous. Tout le monde commence par ce qu’il a préparé et qu’il maîtrise."
Que pensez-vous de la piste de PyeongChang?
"Les rails sont très hauts et très longs. Rien de bien méchant. J’ai déjà de bonnes idées sur ce que je vais faire sur les jumps. J’ai descendu la piste une quinzaine de fois (NdlR : avant son entraînement de jeudi) . On a découvert, maintenant, on va tester ce qu’on a prévu."
Nina Derwael dit avoir besoin de deux ans pour maîtriser totalement son exercice, vous aussi?
"Je ne prépare pas qu’un seul run . C’est impossible car on doit toujours s’adapter aux conditions, à ce qu’il est possible de faire à un moment précis. S’il fait dégoûtant avec du vent, il faut un peu bricoler sur le moment pour être le plus créatif possible sur un parcours précis. Il n’y a pas de routine. Chaque compétition est un challenge en soi. C’est aussi pour cela que je préfère le Slopestyle au Big Air. Le premier est un sport de perfectionniste. J’aime la constance, le fait de devoir enchaîner sans faire d’erreur. C’est aussi pour ça que j’ai plus de chance de résultat sur le Slopestyle ."
Sa blessure: "J’ai senti mon genou deux fois ce mercredi"
Fin novembre, une bourrasque a surpris Seppe Smits sur une compétition de Big Air en Chine. "J’ai tenté de limiter la casse, mais j’ai pris un coup sur le genou droit. J’ai travaillé là-dessus depuis. Ce n’est rien de musculaire ou d’articulaire. Je ne prenais aucun risque, mais j’avais encore un peu mal." Début janvier, il a repris le chemin des pistes et a noté une belle évolution. Il s’est toutefois fait peur dès sa première journée de travail à PyeonChang. "J’ai fait deux bêtises et j’ai senti mon genou à deux reprises. Quand je retombe normalement, je ne ressens toutefois rien."
Son coach, Jean-Valère Demard, ne ment pas. "On ne peut pas nier qu’il y a quelque chose. Pour l’instant, ça ne joue ni sur son moral, ni sur sa technique. Il faudra par contre éviter de se faire peur à l’échauffement car ça peut être un déclic négatif. Après, avant d’être champion du monde, on ne savait même pas s’il allait être capable d’être au départ."
Les risques "Non, je ne suis pas fou"
Seppe Smits est payé pour faire des figures sur un snowboard dans les airs, à plusieurs mètres de hauteur. Un sport impossible selon certains. "Mais je ne suis pas fou" , rassure-t-il. "On a toujours peur de tester quelque chose de nouveau mais ça fait vingt ans que je fais ça. J’ai atteint un certain confort." Il ne prend toutefois jamais de risque inconsidéré. Son dicton : "Si tu n’es pas prêt, ne le fais pas."
Il confie d’ailleurs avoir déjà eu peur au moment de plaquer un trick. "Mais je ne me suis pas lancé. Être sur la défensive signifie souvent se planter. Tu as vraiment besoin d’adrénaline pour réussir. On apprend à vivre avec le risque mais sans jamais aller trop loin."
Les sensations "Le temps s’allonge dans les airs"
Définir les sensations d’un snowboardeur lors d’un jump n’est pas facile. Seppe Smits y arrive pourtant assez facilement. "Dans les airs, je suis super concentré. Je me coupe du monde. Je suis dans une bulle. On ne se rend pas compte de ce qui se passe autour. C’est aussi pour ça que je ne mets pas de musique. Pour être dans ma bulle et me repérer grâce au vent. Le saut dure en général plus ou moins deux secondes, mais le laps de temps passé en l’air paraît deux fois plus long. Il faut penser à plein de trucs, s’adapter en permanence. Parfois, le temps va plus lentement et tu te rends compte que tu as encore le temps, alors tu kiffes et tu fais un grab en plus."
Les chiffres dingues de Seppe Smits
En quelques chiffres, on voit que sa vie n’est pas celle du commun des mortels
75: Quand il arrive au sommet de son tremplin, il est aux alentours des 75 km/h. "Une vitesse qui peut varier selon les jumps et qui diminue dès qu’on est dans les airs."
22: Lors d’un Big Air ou d’un des jumps du Slopestyle, il parcourt jusqu’à 22 mètres dans les airs. "Les sauts peuvent être plus longs à l’entraînement mais les pistes de compétition se veulent plus safe."
6: Entre le sol et Seppe Smits, il y a parfois jusqu’à six mètres de hauteur. "Cela paraît dingue mais franchement, on s’y habitue. C’est devenu normal. Lors des X Games , le Big Air est même encore plus impressionnant."
6: Sur sa carrière, il a connu six blessures importantes. "Mais jamais une déchirure des ligaments croisés du genou, la blessure la plus grave selon moi car une déchirure totale affaiblit ton genou. Je me suis cassé l’humérus, deux fois la clavicule et j’ai eu des soucis aux ligaments et au ménisque."
100: "Je suis incapable de compter le nombre de sauts que j’effectue par jour à l’entraînement mais c’est facilement une centaine."
256: En 2016, il a passé 256 jours à l’étranger. "Cette année je tourne davantage vers les 220 car ma blessure m’a empêché d’être en compétition. D’habitude, on débute en août en Nouvelle-Zélande ou en Australie, puis on file aux USA et en Europe, selon les compétitions."