Olav Spahl, nouveau directeur du Sport de Haut Niveau au COIB: "Si on donne le meilleur, on ne peut pas avoir de regret"
Rencontre avec Olav Spahl, le nouveau directeur du Sport de Haut Niveau au COIB.
- Publié le 14-11-2018 à 22h25
- Mis à jour le 15-11-2018 à 09h16
Rencontre avec Olav Spahl, le nouveau directeur du Sport de Haut Niveau au COIB. Ce mercredi, Eddy De Smedt a donné sa dernière conférence de presse à Lanzarote. Homme de l’ombre ô combien important pour le sport belge en tant que directeur du département Sport de Haut Niveau au COIB, il passe le témoin à Olav Spahl, un Allemand de 44 ans qui œuvrait depuis 2008 au sein du Comité olympique de son pays. Le nouveau membre du Comité olympique nous a accordé une longue interview.
M. Sphal, tout d’abord, que pensez-vous pouvoir apporter au Team Belgium ?
"Je veux donner de l’énergie à toute l’équipe et être attentif à ses besoins. Donner de la fierté, de la confiance, de l’ambition : ce doit être possible dans un pays comme la Belgique. On peut s’inspirer de certains exemples de réussite à l’étranger dans des pays de taille semblable qui arrivent à prester au niveau mondial. Et si, grâce à ma neutralité, je peux construire des ponts entre les communautés, des pôles qui semblent tellement forts, je veux faire cela aussi."
La Belgique vous semble-t-elle un pays complexe ?
"C’est souvent ce que j’entends. Mais savez-vous que la situation en Allemagne est encore plus compliquée ? Travailler avec un ministère fédéral et seize régions multiplie la nécessité de travailler ensemble. La situation qui prévaut en Belgique ne peut donc pas servir d’excuse à mes yeux."
Le manque de culture sportive, lui, est réel.
"Je trouve qu’il y a des raisons d’être fier, ambitieux, exigeant. Rester humble est important aussi. Dans le sport de haut niveau, je remarque qu’il y a un désir, chez les athlètes, de travailler dans la sérénité et ils commencent à développer un sentiment de fierté : c’est peut-être une des explications aux bons résultats de l’année passée..."
Comment comptez-vous vous y prendre pour augmenter le nombre de places de top 8 aux JO (NdlR : il y en a eu 19 à Rio) ?
"La première chose, c’est de donner confiance aux entraîneurs et de leur donner les moyens de bien travailler avec leurs athlètes. Ce n’est pas qu’une question de budgets. C’est aussi une collaboration à mettre en place avec des experts, lesquels détiennent des réponses importantes à leurs questions. J’espère que cela créera de la sérénité chez eux. Mon impression, c’est que beaucoup d’entraîneurs dans ce pays ont des connaissances de niveau mondial et ont l’ambition de réussir. C’est peut-être la clé pour l’avenir. La deuxième chose, c’est la promotion entre les athlètes. Il ne faut pas seulement être fier de ses performances mais aussi de celles des autres. Il y a une énergie positive qui peut se transmettre entre les sportifs. La troisième chose, au niveau de la gestion cette fois, c’est qu’il ne faut pas combattre les gens qui ont des responsabilités, sauf si on décide que c’est indispensable pour évoluer. Il est préférable d’avoir une collaboration saine et de savoir comment travailler ensemble."
Êtes-vous donc un adepte de la méthode douce ?
"Ceux qui travaillent avec moi disent que je suis très strict, mais aussi aimable. Vous savez, je ne vois pas de raison de mettre la Belgique sur la tête, de tout chambouler dans le paysage sportif belge, parce que la base est là et que les résultats sont bons. Bien sûr, on peut s’améliorer et on doit dire avec des mots très clairs où il y a des problèmes, mais on ne doit pas le faire publiquement. Cela doit rester entre les gens concernés. Il faut travailler ouvertement, prendre des décisions communes et s’en tenir au chemin tracé sans faire d’exception et sans trouver d’excuse."
Le délai avant Tokyo 2020 ne vous paraît-il pas un peu court pour lancer une nouvelle dynamique ?
"Je pense que mon influence sur le résultat individuel d’un athlète à Tokyo sera microscopique. Je devrai être jugé pour mon travail à plus long terme. Dans l’immédiat, mon but est de donner de la confiance et des moyens aux entraîneurs, d’entendre les besoins des athlètes pendant leur préparation, pendant la qualification et celle de sélection, et bien sûr pendant la préparation finale avant les Jeux."
Certains sports ont-ils besoin d’une attention urgente ?
(Il réfléchit longuement) "Je pense que ces disciplines-là sont connues de tous. Je vais faire de mon mieux s’il y a un objectif réaliste qui peut être atteint. Mais je préfère voir où est le potentiel plutôt que de dire que telle ou telle fédération travaille mal."
Attendez-vous déjà de voir se dessiner de grandes tendances pour les JO 2020 au cours de l’année 2019 ?
"Bien sûr ! Il y a déjà des compétitions qualificatives, ou des rendez-vous qui influencent les qualifications. Je pense qu’il est important d’accompagner au mieux, sur le terrain, les fédérations durant cette période. Il y aura des championnats du monde, des test-events à Tokyo déjà, dans des sports importants pour la Belgique."
À quel moment repartirez-vous satisfait de Tokyo ?
"D’abord, j’aimerais voir la population belge s’identifier à son équipe, je pense que c’est très important. Qu’on se dise : ‘Tiens, c’est quelqu’un de ma ville, de mon village ou de mon club.’ Ensuite, si tout le monde a donné le meilleur de soi-même durant la compétition, on ne peut pas avoir de regret. Et ce, peu importe la place à laquelle on termine. N’oublions pas qu’on ne peut pas influencer les résultats de la concurrence."
Le nombre de médailles vous importe-t-il ?
"Oui, bien sûr, je suis ambitieux. Je vois très bien qu’il y a des attentes élevées pour Tokyo après les six médailles décrochées à Rio. Mais la vision du COIB ne repose pas sur les médailles, mais sur les places de top 8. En obtenir davantage, c’est donc déjà faire mieux. Dès lors, plutôt que de partir dans des prédictions chiffrées hasardeuses, je dirais que l’objectif est d’obtenir plus de 19 places de top 8."
"Accentuer les échanges entre coaches"
L’Allemand découvre Lanzarote et le petit paradis des sportifs belges.
Arrivé samedi dernier, Olav Spahl découvre le Club La Santa de Lanzarote.
Quel est votre sentiment par rapport à cet endroit ?
"Je le trouve très bien ! Je connais beaucoup de lieux de stage en Europe ou aux États-Unis mais il y a une longue tradition ici pour l’équipe belge et les participants ont l’air très contents des conditions de travail. Le cadre est en effet idéal pour certains sports, mais il y a de petites choses à améliorer par-ci par-là : la salle de musculation n’est pas très grande, la piste n’est pas forcément en très bon état, mais je ne veux pas créer de problèmes où il n’y en a pas. Le Team Belgium se sent le bienvenu ici et c’est le plus important."
Ce genre de rassemblement vous semble indispensable ? C’est un plus pour l’équipe ?
"Bien sûr ! En Allemagne, on ne le fait pas parce qu’il y a trop de sportifs à réunir en un lieu. Mais ce que je vois ici est formidable : l’interaction entre les différents athlètes, les différentes disciplines... Ce que nous essayons d’accentuer encore, c’est l’échange entre les entraîneurs, le partage de connaissances et d’expériences. J’ai l’impression qu’ils sont très ouverts. Lode Grossen, de la gymnastique, a parlé de la différence entre participer et gagner, c’était très intéressant. Ce vendredi, Nick Baelus, du triathlon, va expliquer comment faire une équipe à partir d’individus. Nous avons des experts qui, dans leur domaine, peuvent donner des conseils pour la préparation pour Tokyo 2020. Et enfin, ce rassemblement facilite le travail des directeurs techniques qui peuvent plus facilement établir les plannings sur une année entière."
"Le regard sur la Belgique change"
Le nouveau membre du Comité olympique a reçu des réactions pour le moins étonnantes à sa nomination.
Si le challenge qu’Olav Spahl s’apprête à relever en Belgique lui a semblé intéressant, c’est pour plusieurs raisons.
"Si l’on veut remonter à l’origine de ma candidature, il faut savoir que c’est une amie qui a attiré mon attention sur l’annonce diffusée par le COIB, raconte-t-il.J’ai lu le descriptif, qui semblait me correspondre, et j’en ai parlé à ma compagne. Ce qui m’intéressait tout particulièrement, c’était de travailler au niveau international et plus seulement national. Travailler, aussi, en m’exprimant dans d’autres langues que ma langue maternelle. Le fait de repartir de zéro, de devoir me créer un nouveau réseau, constituait un autre élément intéressant. Enfin, passer d’un travail de bureau - je faisais essentiellement de la gestion en Allemagne - à un job de terrain, rencontrait aussi mes aspirations. Et comme rien ne s’y opposait dans ma vie privée, j’ai donc décidé de postuler."
Quelles furent les réactions à l’annonce de votre nomination en avril dernier ?
"C‘est drôle parce qu’elle a suscité des interrogations un peu ridicules de certains de mes collègues. ‘ Pourquoi vas-tu en Belgique ? C’est la 35e nation au classement des médailles à Rio. Pourquoi fais-tu ça ?’ Après la Coupe du monde de football, curieusement, leur perception avait changé, et j’ai commencé à recevoir des messages de félicitations et des encouragements. (Rires.) À Berlin, où j’assistais au podium de Koen Naert, j’ai aussi reçu un message d’un collègue présent aux Mondiaux de voile à Aarhus : ‘Tu as pris la bonne décision’ , et il m’a envoyé des images de la victoire d’Emma Plasschaert. J’ai le sentiment qu’à l’étranger on regarde de plus en plus ce qui se passe en Belgique."
Comment s’est passé votre écolage ?
"Après avoir découvert mes nouveaux collègues et cerné les habitudes de travail, Eddy De Smedt m’a ouvert toutes les portes, mais aussi son carnet d’adresses et ses réseaux. Il a été vraiment formidable. Mais je vous avoue que découvrir autant de nouveaux visages et retenir autant de noms n’a pas été évident."
Avez-vous déjà rencontré tous les acteurs du monde sportif que vous vouliez rencontrer ?
"Non, pas encore. Je veux encore me présenter à des représentants de quelques fédérations d’ici à Noël. J’ai encore des contacts à nouer sur le terrain. Et les ministres ? Le niveau politique, ce sera pour un peu plus tard. Pour l’instant, il est surtout important que le CEO, le président et moi-même collaborions idéalement."
"Le sport belge? Pour moi, avant, c'était Jean-Marie Pfaff qui l'incarnait"
Quand on lui demande qui, pour lui, incarnait le sport belge autrefois, Olav Spahl livre une réponse pour le moins étonnante. "Le premier nom qui me vient à l’esprit, c’est celui de Jean-Marie Pfaff ! dit-il dans un grand éclat de rire. Pour un Allemand de ma génération, je crois que c’est normal. C’était un footballeur tellement populaire lorsqu’il jouait au Bayern Munich, tellement drôle aussi. Mais sinon, pour citer des sportifs contemporains, je dirais Kevin De Bruyne, qui a joué en Bundesliga à Brême et à Wolfsbourg. Et en dehors du football, il y a Nafi (Thiam) bien sûr, Pieter (Timmers) , l’équipe masculine de hockey. Bizarrement, les cyclistes belges ne sont pas tellement populaires chez nous parce que souvent, avec leurs noms à consonance néerlandophone, on les prend pour des… Néerlandais !"