Minsk vibre comme pour des JO
La 2e édition des Jeux européens s’ouvre ce vendredi. La Biélorussie n’attend qu’une chose : donner une autre image d’elle que celle d’un pays qui pratique encore la peine de mort.
- Publié le 20-06-2019 à 13h11
- Mis à jour le 20-06-2019 à 13h12
La 2e édition des Jeux européens s’ouvre ce vendredi. La Biélorussie n’attend qu’une chose : donner une autre image d’elle que celle d’un pays qui pratique encore la peine de mort. Il est déjà presque minuit quand on saute dans notre taxi en direction du centre de Minsk et de son hôtel éponyme. Le chauffeur reste silencieux quand on lui demande s’il va bien et s’il n’est pas trop fatigué vu l’heure tardive.
Il ne répond pas à une deuxième tentative, se contentant de lever les mains. Un peu plus tard, on tente de relancer la conversation sur les Jeux européens. Il se retourne et nous lance un grand "good, good".
Les rues de la capitale biélorusse sont à l’image de notre taximan : enjouées à l’idée d’accueillir les deuxièmes Jeux européens. Tous les commerçants sont touchés et même les pharmacies du centre-ville arborent de gigantesques autocollants à l’effigie de Lesik, la mascotte des Jeux.
Les affiches sont partout sur les routes, le long desquelles les parterres ont été fleuris aux couleurs du logo de Minsk 2019. Aucun détail n’est oublié pour que les locaux et les visiteurs soient dans une ambiance de ville olympique.
Des tickets à 2 euros
Pour les Biélorusses, cet événement est aussi important que l’étaient les Jeux olympiques pour les Brésiliens il y a trois ans. Jamais le pays n’a organisé une compétition d’une telle envergure, si ce n’est les championnats du monde de hockey sur glace. Un événement qui ne concerne que certains pays spécialistes de la discipline.
Minsk veut vivre les Jeux européens comme une fête populaire. L’enthousiasme est immense. Plus de 24 000 volontaires ont déposé leur candidature et l’organisation attend des stades combles.
Celle-ci a décidé de se contenter d’enceintes à taille humaine et de faire payer des prix jamais vus pour une telle compétition. Certains billets seront disponibles pour seulement 2 euros. Les plus chers tourneront autour de 20 euros.
Un membre de l’organisation nous a confié qu’un taux de remplissage de 100 % serait impossible. Plus de la moitié des tickets ont été écoulés. Certains sports sont déjà sold-out comme le judo ou le beach soccer.
"Il y a un intérêt fou du pays pour la compétition" , explique George Katulin, CEO du comité d’organisation. "Les citoyens veulent vraiment célébrer le sport. Vous n’imaginez pas ce que voir la flamme représente pour certains Biélorusses. Pour beaucoup, c’est la chance d’une vie."
Le patron des Jeux confie d’ailleurs que les villages par lesquels la flamme est passée étaient tout bonnement en délire.
Un système de déplacement spécial à l’intérieur du pays est prévu pour faire venir les fans de province vers la capitale. "Beaucoup de petites villes se sont renseignées auprès de nous pour se rendre aux Jeux, cela prouve un gros engouement, même en dehors de la capitale."
Les citoyens ne sont pas dupes. En plus de leur proposer un spectacle unique pour le pays, le comité d’organisation va permettre une modernisation de la ville via la réutilisation des infrastructures ou même des véhicules (bus et taxis).
Minsk candidat pour accueillir la finale de l’Europa League en 2023
Ils espèrent également que cette compétition en amènera d’autres. La rencontre Europe -USA en athlétisme est le deuxième grand rendez-vous de Minsk avec le sport mondial cette année.
Les deux événements doivent prouver au monde que le pays est capable d’organiser des événements de grande ampleur. Dans cette optique, le comité d’organisation des Jeux européens est principalement constitué de locaux. Une formation grandeur nature pour prendre de l’expérience et pouvoir l’utiliser par la suite.
"Bakou avait engagé 1 000 spécialistes qui avaient travaillé aux JO de Londres. Nous avons préféré travailler avec des Biélorusses en profitant d’un mélange entre notre expérience du comité d’organisation et celle des responsables des infrastructures" , dit George Katulin.
Les objectifs biélorusses sont immenses. Le pays se met à rêver des Jeux olympiques ("sans la Russie, mais peut-être avec un autre voisin") et d’autres compétitions du genre.
Une fois son nouveau stade de football construit, Minsk déposera sa candidature pour accueillir une finale de Coupe d’Europe (vraisemblablement l’Europa League) en 2023.
"Parfois, les gens ne savent même pas où se situe la Biélorussie ou ne font pas le lien entre Minsk et le pays" , dit tristement Andrei Molchan, directeur du Tourisme au ministère du Sport et du Tourisme. "Nous devons nous faire une place sur la carte car nous n’avons pas que des relations avec la Russie. Nous voulons nous ouvrir à l’Union européenne."
Objectif : plus de 30 000 touristes durant les Jeux
Ils ne tentent même pas de cacher le projet touristique sous-jacent.
"Nous avons longtemps été oubliés par l’Ouest, mais c’est en train de changer" , poursuit Molchan. Le big boss du Tourisme table sur plus de 30 000 étrangers dans les rues de Minsk.
Avec une diversité nettement plus grande qu’à l’habitude. Traditionnellement, 70 % des touristes à Minsk sont des Russes. "Nous facilitons toutefois les choses depuis des années et le tourisme a augmenté de 25 %. Les Jeux européens doivent accroître ces statistiques et avoir un réel impact sur l’image qu’ont les gens de notre pays. Nous les poussons d’ailleurs à visiter la ville durant leur séjour. Beaucoup seront agréablement surpris."
Peine de mort et dictature
La propreté, la bonne ambiance, les grandes avenues typiques de l’ex-URSS et les nombreuses statues de Lénine n’occultent pas pour autant la réalité du pays. Le touriste lambda n’aura pas la sensation d’être dans "la dernière dictature d’Europe", mais le comprendra vite en posant quelques questions sur le système politique local.
Plus encore que la puissance du Président, Lukachenko, c’est l’application de la peine de mort qui soulève le plus d’interrogations. "C’est comme ça, c’est culturel et on ne peut rien y faire" , balaie Molchan en une phrase après avoir essuyé de nombreuses questions à ce sujet.
La réputation du pays reste entachée par ces deux éléments qui en refroidiront certains malgré l’enthousiasme des locaux et les énormes efforts de l’organisation et du gouvernement pour faire de ces Jeux européens une grande fête du sport.
Les Belges à 50
Le Team Belgium a bénéficié d’une place supplémentaire pour ces Jeux européens de Minsk, qui débutent vendredi dans la capitale biélorusse. C’est ainsi qu’Amber Ryheul représentera la Belgique en – 52 kg dans le tournoi de judo qui fait office de championnat d’Europe. Amber Ryheul, 21 ans, est la 12e judoka sur les 50 athlètes de la délégation tricolore pour cette seconde édition des Jeux européens. Elle montera dès samedi sur les tatamis biélorusses, à l’instar de Charline Van Snick, en – 52kg également, Mina Libeer (–57 kg), Jorre Verstraeten (–60 kg) et Kenneth Van Gansbeke (–66 kg). 113e mondiale dans sa catégorie, Ryheul disputera ses premiers championnats d’Europe chez les seniors. Cette saison, elle s’est classée à la 3e place de l’Oberwart European Open, mi-février en Autriche.
Les Jeux européens, dont la cérémonie d’ouverture se tiendra vendredi soir au stade Dinamo de Minsk, constituent une étape importante dans la course vers les Jeux olympiques de Tokyo 2020. Pour 8 des 15 sports au programme, les épreuves rapporteront des points au ranking olympique voire même des places directement qualificatives pour le rendez-vous nippon.