Jolien D’hoore et Dirk Van Tichelt: "Une médaille olympique, c’est unique"
La DH a réuni Jolien D’hoore et Dirk Van Tichelt lors du stage du Team Belgium à Lanzarote. Nos deux médaillés de bronze à Rio, respectivement en cyclisme sur piste et en judo, sont tournés vers Tokyo 2020. “Et pourquoi pas une deuxième médaille ?”
- Publié le 25-11-2018 à 13h52
- Mis à jour le 26-11-2018 à 19h11
La DH a réuni Jolien D’hoore et Dirk Van Tichelt lors du stage du Team Belgium à Lanzarote. Nos deux médaillés de bronze à Rio, respectivement en cyclisme sur piste et en judo, sont tournés vers Tokyo 2020. “Et pourquoi pas une deuxième médaille ?”
Ils étaient deux. Deux médaillés (de bronze) présents à Lanzarote en cette semaine de stage olympique. À mi-chemin entre Rio 2016 et Tokyo 2020, nous avons réuni la cycliste Jolien D’hoore et le judoka Dirk Van Tichelt, respectivement âgés de 28 et 34 ans, pour évoquer leur brillant passé et se projeter vers un avenir qu’ils espèrent radieux.
Jolien, vous rappelez-vous du moment où Dirk a gagné sa médaille à Rio ?
"Etant donné que je devais encore entrer en lice moi-même, je n’ai pas pu suivre parfaitement toutes les disciplines mais j’ai bien sûr appris que Dirk avait remporté le bronze, qu’il était super content et toute la délégation avec lui ! C’est motivant de savoir que d’autres sportifs belges sont montés sur le podium. Greg (Van Avermaet) m’avait mis sa médaille d’or dans les mains, c’était impressionnant ! Et ça stimule énormément. Je me suis dit : ‘pourquoi pas moi ? Je dois en être capable aussi’ . Ça donne confiance en ses moyens."
Et vous, Dirk, conservez-vous un souvenir de la médaille de Jolien ?
"J’étais déjà rentré en Belgique et oui, j’ai suivi un maximum d’épreuves, dont la sienne. Ce que je ne voulais pas faire avant ma propre compétition parce que cela vous prend beaucoup d’influx nerveux. Mais une fois à la maison, j’ai continué à vivre pour l’équipe. On était en train de cartonner par rapport à Pékin et à Londres, et ce furent, au final, des Jeux mémorables."
Que représente cette médaille olympique dans le contexte global de votre carrière ?
Jolien : "C’est, à mes yeux, ce que je peux avoir de plus haut dans ma carrière de sportive de haut niveau. J’ai vraiment travaillé quatre ans pour arriver sur ce podium, je n’avais d’ailleurs pas expliqué à grand-monde à quel point j’étais investie dans ce projet. Je venais de loin, de la 12e place, et je me suis améliorée progressivement pour arriver finalement à me dire qu’aux Jeux de Rio, si tout se mettait bien en place, je pouvais décrocher une médaille. Il faut dire aussi qu’en 2012, quand j’ai fini cinquième, j’ai accumulé bon nombre d’enseignements qui ont généré du calme et de la confiance. Mentalement j’étais prête à aller chercher cette médaille à laquelle peu de gens croyaient. Mais je suis restée concentrée, j’ai continué à travailler et cela a fonctionné."
Dirk : "Pour moi, c’était la cerise sur le gâteau ! J’ai presque tout gagné, j’ai des médailles dans les championnats, dans les grands tournois. Avant Rio, il ne me manquait donc plus qu’une médaille olympique. Maintenant, je l’ai et c’est un sentiment formidable. C’est unique."
Comment s’est passé l’après-Rio pour chacun de vous ?
Jolien : "Il a fallu tourner la page de l’omnium puisque je mise tout désormais sur l’américaine avec Lotte Kopecky. C’est une autre approche, étant donné que je ne suis plus toute seule en piste, et on doit veiller en quelque sorte l’une sur l’autre. Mais je suis tout aussi concentrée sur l’objectif et je suis convaincue que si on est bien toutes les deux, on peut prendre une médaille ensemble à Tokyo."
Dirk : "La naissance de mes enfants a eu un impact considérable sur ma vie mais c’était le moment idéal pour voir aboutir ce projet familial. Si je les avais eu plus tôt, peut-être que ma carrière aurait été finie à 25 ans. Autant ces deux dernières années ont constitué une période difficile au plan sportif, autant je suis au comble du bonheur au plan familial. J’ai eu la chance que le COIB et Sport Vlaanderen continuent à me soutenir et, à présent, je me sens de mieux en mieux sur le tatami."
Quelles répercussions vos médailles ont-elles eues au niveau extrasportif ?
Jolien : "Je pensais qu’avec une médaille olympique, les sponsors allaient arriver en masse, l’argent, etc. Mais non ! C’était une grosse déception (rires). Au niveau sponsoring, j’ai certes Toyota en plus, via le COIB, mais pour le reste... rien. Heureusement que c’est surtout pour nous-même que nous faisons ce métier. Naturellement les gens me reconnaissent un peu plus en rue, j’ai légèrement gagné en popularité et je bénéficie d’une certaine reconnaissance, mais les effets de la médaille se limitent à cela. Ma vie n’a pas changé pour autant."
Dirk : "Moi non plus, je n’ai pas eu de nouveau sponsor ! Que voulez-vous ? On ne voit que du football et du cyclisme à la télévision. Alors vous pensez bien, les sponsors ne sont pas fous : sans visibilité, sans retour, pas d’engagement. C’est du business, c’est normal. Aux championnats de Belgique, on vient d’avoir une finale en -81 kg entre le 8e et le 15e mondial et aucune télévision n’a donné des images de ce combat, à part peut-être un mouvement. Pourquoi toujours s’attarder sur ces comédiens de footballeurs qui tombent au moindre contact ? Intéressons-nous aux vrais sports ! Il y a eu tellement de beaux résultats de la part de Belges cet été dans d’autres discipines. Si les médias en parlaient davantage, les sponsors seraient aussi plus nombreux."
Comment évaluez-vous, aujourd’hui, vos chances de qualification pour Tokyo ?
Jolien : "Les qualifications ont débuté depuis les championnats d’Europe, elles durent deux ans. Pour Londres et Rio, j’ai dû prendre cette qualification très au sérieux, car cela ne va pas de soi. On n’est jamais sûr et ce sera la même chose cette fois, même si l’on est championnes du monde en titre. On doit se concentrer, prendre les compétitions les unes après les autres, remporter un maximum de points et nous verrons bien. Et pourquoi pas prolonger notre titre en Pologne l’an prochain ou devenir championnes d’Europe pour nous motiver sur la route de Tokyo ?"
Dirk : "Bien sûr, ce sera difficile ! Mais si je ne me pensais pas capable de me qualifier, c’est simple, j’arrêterais immédiatement. Je ne ferais pas tous ces efforts, tous ces entraînements, toutes ces compétitions. J’ai, en réalité, trois raisons qui me poussent à continuer : j’éprouve encore beaucoup de plaisir à pratiquer ce sport, je n’ai pas de blessure sérieuse et je sens que mon corps peut encore me permettre de réaliser des résultats au haut niveau. Je n’ai certes plus 20 ans mais c’est possible. Si l’une de ces conditions avait manqué, j’aurais déjà arrêté..."
Osez-vous rêver à une deuxième médaille olympique en 2020 ?
Jolien : "Oui, bien sûr ! C’est même la priorité absolue dans ma carrière. Même devant le Ronde , oui ! (elle sourit) L’américaine est une nouvelle épreuve chez les femmes et la première année, tout le monde découvrait, apprenait, se cherchait. Mais maintenant de plus en plus d’équipes s’entraînent spécifiquement et le niveau croît très, très rapidement. Mais avec Lotte, nous avons certainement nos chances."
Dirk : "Ma victoire au golden score, à Abu Dhabi, face au champion d’Europe arménien Ferdinand Karapetian, m’a complètement relancé. Je sens qu’il est encore possible de combattre encore pour des médailles et c’est important pour moi. C’est le résultat que je voulais contre un judoka du top niveau pour envisager l’avenir positivement. Si je me qualifie pour Tokyo, tout sera possible là-bas !"
“Agréable d’être réunis ici”
Les deux sportifs figurent dans la commission des athlètes du COIB
Habitués des lieux depuis plusieurs années, Jolien D’hoore et Dirk Van Tichelt ont retrouvé Lanzarote avec plaisir. Le second a même intercalé ce séjour express dans une saison bien remplie.
“J’entretiens simplement ma condition ici, je n’ai plus besoin de beaucoup d’heures de judo”, dit-il. “Par ailleurs j’en profite pour participer aux travaux de la commission des athlètes, dont Jolien fait également. C’est un rôle intéressant et utile : grâce à notre connaissance des Jeux, on peut servir d’intermédiaire entre les athlètes et le Comité olympique. Certains n’osent parfois pas aborder certains sujets, ou ne savent pas à qui s’adresser, et ils viennent nous trouver.”
La cycliste, elle, trouve un terrain d’expression adapté pour ses entraînements sur le parcours rarement plat et souvent venteux de l’île canarienne.
“À Lanzarote, c’est toujours chouette de revoir des gens que je connais depuis les Jeux de Londres”, explique la Gantoise. “On ne se voit quasiment jamais le restant de l’année, alors on en profite ! C’est agréable d’être réunis ici. On se remémore des choses, on reparle de Rio, de tout ce qu’on a vécu. Il y a encore quelques visages connus. Mais il y a aussi de nombreux jeunes sportifs, et je commence à me sentir un peu vieille dans cette délégation.” (rires)
Jolien D’hoore, qui vient de rejoindre l’équipe Boels-Dolmans, assure que la combinaison entre les épreuves sur route et celle organisées sur piste ne lui pose aucun problème.
“Pour moi, c’est une combinaison très facile en réalité : j’adore les deux disciplines, que je pratique avec le même plaisir, et elles sont parfaitement complémentaires”, dit-elle. “J’ai besoin de la route pour avoir de l’endurance sur la piste et pour y être performante, et j’utilise la piste pour travailler ma vitesse et être bonne au sprint sur la route. J’ai donc besoin des deux.”