Jean-Paul Belmondo se confie: "Pour être champion, il faut avoir faim !"

M. Belmondo, la boxe belge a décidé de vous rendre hommage. Grâce à vous, le noble art a souvent brillé au cinéma et le regard sur les boxeurs a changé…

"J’en suis très, très heureux. J’ai toujours délivré des clins d’œil à la boxe dans mes films car, à mes yeux, les boxeurs inspirent le respect par leur courage. Alors oui, je suis très touché. J’ai refusé beaucoup de propositions dans le monde entier ces dernières années mais celle-ci était impossible à refuser. Elle m’allait droit au cœur."

Comment avez-vous été, vous-même, gagné par le virus de la boxe ?

"Au travers des combats de Marcel Cerdan, un grand champion. Petit, j’ai suivi son championnat du monde des poids moyens en 1948 contre l’Américain Tony Zale à Jersey City. Je n’oublierai jamais ! J’étais à la maison, à Denfert-Rochereau, avec mes parents devant le petit poste de radio. J’étais enthousiaste face aux assauts rageurs de Cerdan. Et au 11e round, il a décroché la ceinture mondiale, après avoir contraint Zale à l’abandon !"

Qu’incarnait-il à vos yeux ?

"Cerdan était l’idole de toute la France. Personnellement, j’aimais sa technique, sa façon de marcher sur l’homme, sa détermination, sa rage de vaincre, sa hargne et son courage. Il est parti affronter l’Américain dans son fief. Chez moi, à la maison, j’ai toujours son casque de boxe."

Est-ce après cette victoire retentissante que vous avez poussé les portes d’une salle de boxe ?

"Oui. Et ceci dès le lendemain de sa victoire ! Je suis allé m’inscrire à l’Avia Club de la Porte Saint-Martin, à Paris. Là, j’ai découvert des hommes incroyables dont certains sont devenus des amis. Comme Maurice Auzel qui, plus tard, jouera dans des films à mes côtés. Ou comme mon fidèle ami Jo Rodriguez, un frappeur qui est devenu champion de France en welters et en super-welters. Sans oublier mon professeur de boxe Monsieur Dupain, qui m’a enseigné l’art de la boxe avec toute sa beauté et sa finesse. Chaque fois que je le pouvais, lorsque je sortais des studios, j’allais retrouver mes potes boxeurs au club. Depuis, j’ai toujours raffolé de l’ambiance de la boxe."

Quelles sont les valeurs que la boxe vous a inculquées ?

"Le courage de ne jamais abandonner. La volonté de se dépasser, de ne jamais reculer. La rage de gagner, bien sûr. Et le respect ! La boxe et le sport en général ont marqué ma vie autant que le cinéma."

Justement, la boxe vous a-t-elle servi pour votre carrière d’acteur ?

"Oui, beaucoup ! Surtout que j’ai joué souvent des rôles de cogneurs (rires). La boxe m’a appris à ne pas me laisser démonter, à avoir la hargne, comme dans la vie. J’ai appris à avoir du respect pour les autres et à ne pas me plaindre. J’aime ce sport et ses pratiquants ! J’aime les boxeurs qui ont ce courage de monter dans le ring. J’ai souvent fait figurer au cinéma des amis boxeurs comme Jo Rodriguez, Maurice Auzel, Stéphane Ferrara, Dominique Nato ou encore mon ami belge, Marc Duvinage."

Quel type de boxeur étiez-vous dans le ring ?

"Vous savez, il faut le demander aux autres. Maurice Auzel disait que j’avais de la classe et que j’avais un bon coup d’œil. Jo Rodriguez affirmait, lui, que j’avais une très bonne frappe et un solide crochet du gauche."

Aviez-vous envisagé de faire une carrière professionnelle ?

"Oui et non. On voulait tous être Marcel Cerdan. Mais j’aimais aussi énormément le théâtre. Mon cœur balançait entre ces deux passions. Je n’aimais pas trop prendre des coups. Pour un boxeur, c’est un peu ennuyeux (rires). Et puis, il aurait été impossible de mener ces deux carrières de front. Vous savez, pour devenir un grand champion, il faut avoir faim ! Avoir cette rage au ventre qui vous pousse à réussir. Et très honnêtement, je n’avais pas cette colère en moi. J’ai eu une enfance heureuse."

Quels sont les autres boxeurs que vous admiriez ?

"Mohamed Ali, que j’ai vu boxer cinq fois, notamment contre Joe Frazier et Ken Norton. C’était magnifique ! Avec lui, il y avait toujours du spectacle. J’ai aussi assisté à des combats de Mike Tyson et Evander Holyfield. Ce dernier est même venu me dire bonjour à la maison à Paris. J’ai vu boxer beaucoup d’Américains mais aussi des Italiens comme Nino Benevutti, l’Argentin Carlos Monzon, Louis Acariès, Winterstein, Jean-Marc Mormeck, Brahim Asloum, les anciens Gracieux Lamperti, Robert Charron, Hacine Cherifi, Robert Cohen, Ray Famechon, et beaucoup d’autres. Des Belges aussi, comme le merveilleux Jean Sneyers, l’ange du ring, un magnifique boxeur qui a battu des champions du monde si je me souviens bien. Ou encore le costaud Cyril Delannoit, Pierre Cossemyns, Jean-Marc Renard ou récemment Alex Miskirtchian en qui je voyais un futur champion du monde."

Aujourd’hui encore, vous assistez fréquemment à des galas. Quels boxeurs ont vos faveurs pour l’instant ?

"Je ne prends plus l’avion pour aller outre-Atlantique mais je regarde les grands affrontements à la télévision. J’aime bien le poids-lourd britannique Anthony Joshua. Quelle surprise, sa défaite contre le Mexicain (Andy Ruiz Jr) ! Je suis impatient de voir la revanche. Je suis aussi Deontay Wilder ou le poids léger Vasyl Lomachenko, un très beau boxeur. Golovkin, également, chez les moyens. Et il m’arrive encore d’aller voir des combats à Paris ou à Monaco."

On raconte qu’il vous est arrivé de quitter un tournage pour aller voir des combats.

(Il se marre). "Oui, ça m’est arrivé mais jamais pendant le tournage. Le week-end, nous ne tournions pas. Là, je prenais l’avion avec un ami pour aller voir un combat et nous revenions le dimanche soir sans que personne ne le sache…"

Est-il exact que vous rêviez d’incarner Marcel Cerdan ?

"Non, c’est plutôt mon ami Charles Gérard, alias Charlot, qui boxait aussi. Il avait d’ailleurs réalisé un documentaire de deux heures sur Marcel Cerdan."

Mais vous avez tout de même incarné un boxeur à l’une ou l’autre reprise dans vos films.

"Ah, oui ! Il était impossible pour moi de refuser. Passer des projecteurs des studios à la lumière de la boxe, c’était avec plaisir ! J’ai endossé à plusieurs reprises des rôles de boxeurs comme dans Un jeune homme honorable de Jean-Pierre Melville en 1962 ou encore L’As des As de Gérard Oury en 1982. Dans Borsalino , j’organisais des combats de boxe truqués. C’était merveilleux de retrouver mon sport au cinéma et d’en faire la promotion."

Êtes-vous nostalgique de la boxe d’antan et des champions du passé ? N’y a-t-il pas trop de ceintures, trop de catégories à notre époque ?

"Oui ! À l’époque il y avait une terrible ambiance lors des galas de boxe mais il y avait de grands champions. Le sport était respecté ! Il y avait un champion du monde par catégorie. Les gens connaissaient LE champion ou LES champions par catégorie. De nos jours, il y a trop de fédérations, trop de titres ! C’est n’importe quoi. Juste pour tromper les gens qui ne connaissent rien à la boxe ! Il y a trop de champions du monde différents. Et trop de boxeurs qui s’évitent !"

Gardez-vous des souvenirs particuliers d’antan ?

"Avant, les boxeurs s’affrontaient déjà pour le titre national ! Là, on voyait alors qui était le champion. C’était un enjeu national qui passionnait les supporters. Aujourd’hui, les boxeurs s’évitent par peur d’une défaite mais rêvent d’un titre mondial ! Pourquoi font-ils ça ? Ce n’est pas bon ! Ni pour la boxe, ni pour les boxeurs, ni pour le public qui va bouder les galas à long terme. Oui, je suis nostalgique. On a eu de grands champions. Leurs combats étaient beaucoup plus intéressants. Et pourtant, il y a de beaux champions chez les jeunes de nos jours. J’ajoute qu’il est parfois dommage que les places en VIP soient si chères. La boxe est un sport populaire, elle doit rester accessible aux jeunes et aux moins jeunes."

"Une belle école en Belgique"

Jean-Paul Belmondo a déjà vu se produire de nombreux boxeurs belges.

Jean-Paul Belmondo a inauguré, en 2001, une salle qui porte son nom à l’Avia Club.

Cela a dû procurer un sentiment de fierté indescriptible à l’ancien boxeur que vous êtes !

"Oui, c’était le vendredi 30 mars 2001 à Issy-les-Moulineaux. Je m’en souviens très bien ! C’est dans cette salle que j’ai distribué mes premiers uppercuts et mes premières droites. Tous mes amis étaient présents et bien sûr tous les boxeurs du club. Un club qui a formé de nombreux champions amateurs, militaires et professionnels."

Connaissez-vous les deux champions belges qui ont été couronnés ce vendredi soir ?

"J’ai entendu parler de Patera, trois fois champion d’Europe des légers, un titre pour lequel il s’est toujours battu à l’étranger. Je le félicite pour son titre de meilleur boxeur de l’année. Bien évidemment, j’ai aussi beaucoup entendu parler de votre championne Delfine Persoon, multiple championne WBC en poids légers. Félicitations à elle aussi ! Votre champion d’Europe Yves Ngabu est un bel athlète. Là aussi j’ai reçu des échos positifs. On m’a rapporté que c’est un fameux boxeur qui ne recule jamais. Une belle locomotive pour la boxe belge. J’aimerais bien le voir à l’œuvre."

Que pensez-vous, de manière générale, de nos boxeurs ?

"Vous avez une belle école en Belgique. J’ai vu dans le ring beaucoup de vos champions d’antan mais aussi d’aujourd’hui. J’ai suivi vos deux derniers boxeurs à avoir disputé un championnat du monde, le Liégeois Jamoye et le Dinantais Alex Miskirtchian. Lui, c’est un vrai bulldozer ! Je le voyais vraiment devenir champion du monde. Mon ami Marc m’avait invité à le voir combattre. Dans le ring, c’était un guerrier ! J’ai aussi vu boxer le frappeur Battelo ou le technicien Merhy."

La boxe est-elle un sport que vous conseilleriez toujours aujourd’hui ?

"Oui, car c’est un sport complet. Il développe votre forme physique mais aussi vos réflexes. Il vous pousse à dépasser vos limites. C’est une belle école de vie car des coups, on en prend dans une existence ! Ils ne sont pas toujours faciles à encaisser mais il ne faut jamais baisser sa garde et continuer à avancer. La boxe vous apprend cette rigueur."