Vincent Vanasch: "Nous étions 18 Red Lions contre le reste du monde"
Vincent Vanasch, qui n’a dormi que deux heures, revient sur les 24 heures qui ont marqué sa vie à tout jamais.
- Publié le 18-12-2018 à 07h03
- Mis à jour le 18-12-2018 à 07h31
Vincent Vanasch, qui n’a dormi que deux heures, revient sur les 24 heures qui ont marqué sa vie à tout jamais.
Il était déjà 16 h 30 mais il avait toujours la voix éraillée et teintée d’émotions en replongeant dans les folles dernières 24 heures. Vincent Vanasch a été emporté dans un tourbillon depuis son dernier arrêt, lors de shoot-out, qui a offert le titre de champion du monde à la Belgique.
"Après la cérémonie et les interviews, nous avons rejoint l’hôtel où nous avons mangé et bu entre nous" , se souvient-il. "Nous étions relax à chanter avec notre musique. J’ai essayé d’aller dormir, mais l’adrénaline était trop forte."
The Wall a scrollé sur Facebook durant plus de quatre heures pour mesurer l’ampleur de ce sacre en Belgique. "Nous étions dans notre bulle durant toute la Coupe du monde. Là, j’ai vu l’engouement exceptionnel. C’est magique !"
À 9 heures, il était déjà à la table du petit-déjeuner avec des cernes que son sourire masquait. Lundi, la journée était placée sous le signe du repos. "Et nous en avons besoin ! Je suis lessivé. Cette journée fait du bien. Nous avons juste un discours de fin de tournoi de Shane McLeod."
Dès 17 heures, le bus les conduisait déjà pour l’aéroport et, après un transit par Mumbai, ils arriveront à 6 h 30 à l’aéroport de Bruxelles. D’autres émotions attendent nos Red Lions qui prendront un bain de foule sur la Grand-Place. "Quel grand honneur ! Je me souviens l’été dernier lorsque je regardais à la télévision Eden Hazard mettre l’ambiance. Nous aurons le même honneur qu’eux. Nous avons représenté la petite Belgique, que nous avons placée sur le toit du monde. Nous devons tous être fiers d’être belges."
Contrairement à la culture sportive belge, les Red Lions avaient annoncé se rendre à Bhubaneswar pour conquérir une médaille d’or. Ils l’ont fait. "Nous en avions marre de ces médailles d’argent. Nous avions tous ce rêve de porter enfin autour du cou une médaille d’or. Annoncer qu’on va jouer pour le titre mondial n’est pas dans la culture belge, mais nous devons croire en nos sportifs."
Malgré une préparation chirurgicale, quelques imprévus sont venus émailler ces trois semaines de compétition. La blessure de Manu Stockbroekx ainsi que la maladie de John-John Dohmen ont ébranlé l’équipe lors de la phase de poule. "Nous avons perdu deux joueurs, mais nous avons surtout accueilli deux petits jeunes qui ont été excellents. Kina et Meurmans ont répondu présent lors des grands moments."
Ensuite, le décès de Pierre Gougnard a touché le cœur de chaque Red. "Cette annonce a galvanisé le groupe. Nous avons tous joué pour lui. Le papa de Simon suivait tous les matchs. Nous sommes tous des frères. Si l’un de nous connaît un coup dur, nous ne le lâchons pas."
Les Red Lions sont en train d’écrire leur histoire. La Belgique n’était pas riche d’un passé glorieux. Elle possède un présent en or. "Nous venons de loin. Contrairement à l’Allemagne ou aux Pays-Bas, nous n’avions jamais connu de grands titres. Nous avons bossé durement pour rejoindre le top niveau. Les gens n’imaginent pas les heures passées en salle de fitness ou lors des analyses vidéo."
Chaque parcours est différent. Vincent Vanasch n’a pas toujours été en haut de l’affiche. Vinchou a également connu les années de galère et de doute avant d’exploser au Watducks durant la saison des JO de Londres en 2012. "Ma carrière a été faite de hauts et de bas. Je retiens une leçon : il faut toujours croire en soi et s’entourer de gens qui nous tirent vers le haut" , poursuit le keeper qui avait déjà remporté une médaille d’or avec Oranje Zwart en EHL.
Conséquence directe de ce parcours sans faute, les Belges trôneront en tête du prochain classement FIH. "Oui, ça compte, mais je me soucie surtout de ce titre de champion du monde."
Bhubaneswar 2018 est gravé dans son stick pour l’éternité. Chaque instant, de joie ou de souffrance, prendra les traits de souvenirs magiques. S’il devait n’en garder que trois, il épingle volontiers. " La Brabançonne lors de chaque match fait partie de ces images qui restent."
Il n’oubliera jamais ce match contre le Pakistan en huitièmes de finale. Le visage des Reds a changé ce jour-là. "Cette rencontre a fait du bien à tous les joueurs. Nous avons été forts en équipe. Les deux petits jeunes ont eu du temps de jeu. Avant le match, j’avais fait le speech, ce qui m’arrive rarement. J’avais dit que dans ce huitième de finale nous étions dix-huit contre le reste du monde. Mais je croyais en chacun de nous."
Lors de son dernier arrêt sur shoot-out, l’intense frisson qui a parcouru tout son corps est à ranger dans les moments qui marquent une existence de gardien. "Je ne pouvais espérer un meilleur dénouement" , sourit notre interlocuteur. "Je n’ai pas eu beaucoup de boulot durant le tournoi. Il n’est pas simple de rester concentré durant 60 minutes quand on n’a que deux ou trois balles à sortir. Il faut être là au bon moment. J’ai fait mon job en n’encaissant qu’un seul but lors des quatre derniers matchs. Je salue la qualité de la défense, c’est-à-dire les dix gars qui étaient devant moi. Moi, j’étais là au cas où."
"Quand un frère est à terre, on l'aide à se relever"
Victor Wegnez avait une barre dans la tête au réveil. “J’ai beaucoup bu à l’hôtel. Comme je ne bois pas souvent, j’étais déjà bien après trois bières, se marre-t-il. Nous avons chanté et hurlé comme des fous. Putain, que c’est bon !”
Le jeune Victor Wegnez incarne cette jeunesse audacieuse qui a réussi à prendre sa place dans ce groupe ultra-compétitif. “Je ne suis pas venu pour remplacer ou faire oublier Jérôme Truyens. J’ai toujours voulu créer mon propre chemin. On me compare à John-John (Dohmen) car nous avons le même style. J’essaye d’apporter ma touche personnelle, c’est-à-dire mon explosivité.”
Guerrier sur le terrain et personnage haut en couleur, le milieu du Racing a été touché par les nombreux messages reçus. “Mon téléphone a chauffé comme jamais. J’ai pris le temps de répondre à chacun. Tout le monde veut nous voir. C’est de la folie.”
Un message est sorti du lot et l’a touché en plein cœur, celui de son grand frère Arthur qui lui a envoyé une vidéo. “On voyait toute ma famille faire la fête dans le salon. Voir tous mes proches réunis était une image forte car je ne suis pas issu d’une famille unie et soudée. Mon enfance n’a pas été facile avec mon papa violent. J’étais heureux de les voir ensemble. Tout simplement.”
Le bonheur, il pourrait se noyer dedans tant il est profond depuis cet arrêt aux shoot out de Vincent Vanasch. “Je m’entends super bien avec Vinchou. Après son arrêt, j’ai sauté dans ses bras. C’est mon image du tournoi. On commence à réaliser qu’on est champions du monde. Dans la chambre, il me disait : ‘On va le faire ! On va aller jusqu’au bout !’ Il avait raison.”
Dans son cœur, il n’oublie pas la tristesse que vit actuellement Simon Gougnard. “Le décès de Pierre nous a tous affectés. Nous avons réagi pour lui. Si un de nos frères est à terre, nous l’aidons à se relever. Ce groupe est solidaire. Ce ne sont pas que des mots.”