Marc Coudron, un homme qui a toujours eu un coup d’avance sur son temps
Pour les plus jeunes, Marc Coudron est le monsieur qui remet les prix sur les terrains.
- Publié le 23-07-2019 à 16h46
- Mis à jour le 23-07-2019 à 16h47
Pour les plus jeunes, Marc Coudron est le monsieur qui remet les prix sur les terrains.
Pour les plus âgés, il est un formidable joueur qui a été en avance sur son temps. Pour tout le monde, il est l’homme qui a réussi deux vies dans le milieu du hockey. Après une carrière exceptionnelle en tant que joueur, Marc Coudron a embrayé tout de suite comme président de l’Association Royale Belge de Hockey.
Depuis 2005, l’ancien international qui n’a jamais disputé un match olympique dirige de main de maître la politique générale du hockey belge.
"Je suis surtout entouré de bonnes personnes", coupe-t-il avec sa modestie légendaire. "Si j’ai une qualité, c’est de n’avoir jamais eu peur de m’entourer de personnes plus compétentes que moi."
En 14 ans, le boss a toujours maintenu les différents wagons du hockey belge sur les rails en gardant une vitesse de croisière infernale malgré certaines tempêtes. Visionnaire, Marc Coudron n’a jamais eu peur d’avancer ses pions sur l’échiquier sportif avec une audace qui le caractérise. Pendant deux heures, le président a retracé les grandes étapes de la fabuleuse histoire de l’ascension de nos équipes nationales depuis 1999.
Son mandat court jusqu’en 2021 où il remettra ce magnifique projet entre les mains d’une personne qui devra maintenir une même exigence pour rester au sommet.
L’étincelle remonte à... 1999
Historiquement, l’étincelle qui a déclenché l’essor du hockey belge est répertoriée en 2004, mais Marc Coudron remonte à 1999. Alain Geens, Jean-Claude Leclef et le Conseil Général (ancêtre du CA) prennent une décision historique en créant un groupe de 30 gamins de 12 ans programmés pour le haut niveau. "Je me souviens que nous, joueurs de l’équipe nationale, avions chacun parrainé un gamin. Moi, j’avais pris Elliot Van Strydonck."
A l’époque, le hockey n’accueillait que 12.000 membres et nos équipes prenaient des tôles face aux Pays-Bas et à l’Allemagne. Le groupe des 30 avait pour mission de participer à des stages durant les vacances. "On y retrouvait des Charlier, Pangrazio, Van Strydonck, Dohmen, Gucassoff,… " Le train était lancé.
L’année 2004 pose la base de la structure
L’année 2004 a alors accéléré le processus. Ces gamins remportaient durant les vacances de Pâques le titre de champion d’Europe à Hall (Angleterre) avec John-John Dohmen comme capitaine. La performance n’est pas passée inaperçue dans les bureaux du COIB. Un mois plus tard, le projet ABCD voyait le jour. ABCD comme Adeps, Bloso (devenu Sport Vlaanderen), COIB-Etat fédéral-Loterie nationale et Deutsche Sport Gemeenschap. "La mission ? Préparer les JO de 2012 ce qui laissait un délai de 8 ans pour bâtir une équipe compétitive. ABCD tournait sur 2 axes : détection des futurs talents et structure d’encadrement."
Coudron-Wentink, le duo gagnant qui débarque en 2005
Un an après l’euphorie du titre U16, le CA élit un nouveau président : Marc Coudron. Il s’adjoint les services d’un Néerlandais, Bert Wentink qui est promu High Performance Manager c’est-à-dire le patron des équipes nationales.
Les deux hommes fourmillent d’idées, mais le budget d’1,25 million d’euro ne permet pas d’avoir les coudées franches. Le projet ABCD est rebaptisé en BeGold et concerne les U15, U16, U18, U21 et A.
Les talents de demain se bousculent au portillon : ‘87 avec Charlier, Briels et Vanasch ; ‘88 avec Dohmen ; ‘89 avec Dockier ; ‘90 avec Denayer et Boon ; ‘91 avec van Aubel, Boccard, Luypaert, Gougnard et Cosyns. Ils sont tous encore en équipe en 2019.
"Je voulais que tout évolue, confie Marc Coudron. J’ai eu la chance d’hériter d’une fédération saine tant sportivement que financièrement. Je salue le travail durant 11 ans de mon prédécesseur Jean-Claude Leclef."
Avec Bert Wentink, le président de l’ARBH a passé des heures à discuter pour dessiner le grand projet des équipes nationales à une époque où les joueurs, qui devaient s’entraîner le soir, n’étaient pas payés. "Les championnats de Leipzig ont constitué une étape importante. La défaite 1-9 face à l’Allemagne a tout changé. Malgré la lourde défaite, nos Belges ont montré qu’ils étaient capables de résister face aux Allemands. Nous avons eu 11 pc à zéro !"
Le COIB est alors entré dans la danse en débloquant quelques centaines de milliers d’euros. De 2005 à 2007, les Belges cherchaient à réduire suffisamment l’écart avec le top mondial afin de se qualifier systématiquement pour les Jeux olympiques et la Coupe du monde. Leur 13e place FIH ne leur ouvrait pas beaucoup de portes. L’entrée dans le Top 10 est une condition sine qua non pour assurer un avenir international à cette discipline.
2007: le miracle de Manchester a provoqué une onde sismique violente
Si l’Euro de 2005 à Leipzig avait ouvert les yeux de certains, celui de 2007 à Manchester a provoqué une onde sismique sans précédent. En 2 ans, ceux qu’on appelait encore les Diables Rouges étaient passés d’une défaite 1-9 face aux Allemands à un partage 2-2 en phase de poule et surtout à une victoire in extremis 3-4 lors de la petite finale.
"Tout le monde se moquait de cette médaille de bronze car ce succès signifiait surtout notre grand retour aux Jeux olympiques après une absence de 32 ans. J’ai encore des frissons en évoquant ce moment. Je commentais le match sur la RTBF. Je suis resté sans voix durant 3 minutes. L’émotion était incroyable."
Le contexte de ce succès renforçait ce sentiment surréaliste. "Lors du Champions Challenge, j’avais dû remercier l’entraîneur Giles Bonnet car l’équipe tournait en rond. A 6 semaines des championnats d’Europe, nous avions lancé Adam Commens avec un nouveau staff composé notamment d’Alain Goudsmet et de Mika Van Cutsem. En un mois et demi, ils ont apporté une nouvelle mentalité."
Manchester a été un accélérateur de projets. "Nous avions planifié un retour aux JO pour 2012. Grâce à Manchester, nous avons pris 4 ans d’avance. L’équipe était composée des champions de 2004 en U16 et d’anciens chevronnés comme Luycx, Van den Balck, De Greve, Vandeweghe, Reckinger ou encore Van Hove."
La fédération avait affrété un petit avion pour montrer les deux premiers matches de poule à des journalistes, à des sponsors et des partenaires. "Nous avons invité ces acteurs durant deux jours. Ils ont assisté aux partages contre la Grande-Bretagne et l’Allemagne. De notre côté, nous voulions casser cette image de sport élitiste et francophone."
2008-2012 : garder la flamme allumée
Au lendemain des Jeux olympiques de Pékin, les Red Lions ont reçu comme mot d’ordre de garder allumée la flamme olympique. "Nous avions digéré l’après 2007. En 2008, les femmes n’étaient qu’à une seule victoire d’une qualification olympique, se souvient Marc Coudron. Pékin a ensuite servi de caisse de résonance extraordinaire. Notre structure était de plus en plus maîtrisée. Après avoir manqué les Coupes du monde 2006 et 2010, nous ne pouvions plus nous permettre d’être absents à un grand rendez-vous."
Aux JO 2012, la Belgique envoie les Red Lions et les Red Panthers. Les Lions avaient arraché leur qualification au terme de leur 4e place aux championnats d’Europe alors que les Panthers avaient remporté le tournoi qualificatif au Beerschot. "Avant Rio et Bhubaneswar, la qualif des dames à Kontich était mon plus beau souvenir car le plus inattendu. En 2005, elles n’étaient que 25e mondiales. En 7 ans, elles s’invitaient dans le Top 12. Elles jouaient devant 4000 personnes à domicile ce que les garçons n’avaient jamais connu. Le match se jouait à guichets fermés."
La période 2008-2012 a été riche en émotions, mais les Belges ne pouvaient plus se contenter d’être heureux de participer à de grands tournois. London 2012 l’a mis en lumière. "Lors des Jeux de 2012, nous avons été un peu trop modestes. Nos ambitions n’étaient pas assez élevées. Il fallait viser plus haut. Nous étions les 5e au ranking final, mais on sentait que les joueurs avaient frôlé le Top 4."
2013-2016 : en route vers les podiums
La génération de 2004 arrivait tout doucement à maturité, mais une rechute n’était pas à exclure. "Il ne faut pas croire que tout a été facile. Après la réussite des championnats d’Europe à Boom, les Red Lions ont vécu une désillusion lors de la Coupe du monde 2014. Nous espérions vivre cette demi-finale qui nous a échappé de justesse à cause des Anglais. L’année 2015 a été plus dure. Les Lions se qualifient péniblement pour les JO en battant de justesse la France. Les Panthers ratent leur qualif à deux reprises aux shoot out." L’échec de Brasschaat a mis un coup d’arrêt de deux ans pour les filles.
"En 2016, le hockey rebondit avec cette médaille d’argent aux Jeux olympiques à Rio pendant que nos équipes de jeunes continuent à jouer les podiums. A ce moment, nous cherchons à élargir un maximum nos équipes afin d’augmenter la concurrence et d’assurer un avenir serein."
Les JO de 2016 ont placé définitivement le hockey belge sur la carte du sport belge. Si les hockeyeurs étaient déjà conquis par les Reds, il était important que le stick colonise le cœur des autres Belges. Depuis plus de 10 ans, les affiliations suivent une courbe ascendante de 8-12 %.
2016 -… : tout le monde au sommet
Avant les championnats d’Europe 2017, Marc Coudron avait placé la barre très haut en axant son projet 2016-2021 sur la nécessité de voir toutes les équipes atteindre le sommet : Red Lions, Red Panthers et les jeunes U21, U18, U16 et U15. "Cela va même plus loin, reprend le président. Outre nos équipes jeunes, dames et messieurs, je pointais aussi les clubs, les membres, les sponsors, les partenaires, les médias,… Tout le monde doit atteindre le sommet." Il a été entendu. Les Lions et Panthers ont joué la finale de l’Euro 2017. Les Lions ont été champions du monde en 2018. Le Watducks est le premier club à avoir remporté l’EHL en 2019. "Les JO ont boosté notre projet en offrant une visibilité incomparable au hockey. Les Reds ont progressé de manière constante : 9e à Pékin, 5e à Londres, 2e à Rio et j’y crois 1er à Tokyo l’an prochain. Quant aux Panthers, elles sont capables de se qualifier et de jouer le Top 8. Elles viennent de finir dans le Top 5 de la Pro League."
Lors des 3 dernières années, les émotions ont été intenses. "Le titre de champion du monde a été une histoire hors norme qui a pris une autre dimension avec la blessure de Stockbroekx, la maladie de Dohmen et le décès de Pierre Gougnard. L’équipe a grandi dans ce tournoi en jouant comme la France lors du Mondial de football en 2018 en y ajoutant plus de panache. Dans mon cœur, la médaille olympique reste le summum au niveau du sport. Une Coupe du monde ne concerne que le hockey."
Et l’avenir ? Il passera par un stade national
La structure mise en place par Wentink, les résultats des équipes jeunes et l’apport des jeunes au niveau des Lions et Panthers incitent à l’optimisme pour les 10 prochaines années. "Il était plus compliqué d’arriver en 2005 qu’en 2021", confirme avec le sourire Marc Coudron. "Le hockey a bien évolué. Cette grosse structure impose un gros travail au quotidien. Il restera de nombreux défis : les terrains, l’accueil des nouveaux membres, le respect des valeurs,…"
Et le stade national ! "Je pense qu’un beau stade de 4000 ou 5000 places correspond mieux à nos besoins. Après la Coupe du monde, nous nous sommes emballés en annonçant 8000 places. Le terrain n°2 lors de la Coupe du monde à La Haye en 2014 ou celui de Londres sans les rajouts sont des modèles à suivre. Nous multiplions les contacts. Bruxelles reste notre priorité, mais Wilrijk possède de beaux atouts. Le White Star, on oublie. Il reste Wavre, Uccle et Wilrijk. Si les championnats d’Europe se passent bien, le projet Wilrijk pourrait avancer très vite. J’espère que le stade verra le jour dans les 3 ans."
Un nouveau report donc pour un projet capital pour l’avenir de nos équipes.