De Manchester 2007 au titre suprême en 2018: retour sur le parcours de rêve des Red Lions
- Publié le 28-12-2018 à 08h36
- Mis à jour le 28-12-2018 à 08h51
On ne devient pas champion du monde de hockey par l’effet d’un coup de baguette magique. Un titre pareil, cela se construit. Pour les Belges, l’aventure a commencé en 2007, aux championnats d’Europe de Manchester.
À l’époque, l’équipe nationale n’était pas particulièrement fringante. Notre pays avait obtenu l’organisation d’un tournoi de prestige, le Champions Challenge, qui devait lui servir de préparation à l’Euro. Conduite par le coach sud-africain Giles Bonnet, la sélection termina la compétition 6e sur six, battue deux fois par les modestes Japonais et écrasée par l’Angleterre (2-6). Un chemin de croix qui n’augurait rien de bon pour la suite.
Adam Commens entre en scène
La suite, ce fut donc le championnat d’Europe de Manchester. Les trois premiers étaient assurés d’aller directement aux Jeux olympiques de Pékin, en 2008. À vrai dire, les Belges, qui ne s’appelaient pas encore les Red Lions (ils choisirent ce surnom eux-mêmes, après leur qualification), ne semblaient pas en mesure d’atteindre cet objectif.
La fédération commença par se séparer de Giles Bonnet dont le "management par la peur" avait atteint, au bout de six années de coaching, toutes ses limites. Marc Coudron, le président, et son staff installèrent l’Australien Adam Commens à sa place. Il disposait d’à peine sept semaines pour transformer l’équipe et lui ôter ses doutes. À Manchester, les Belges arrivèrent nantis d’un préparateur mental, Alain Goudsmet, une nouveauté. L’entraîneur innova également en organisant avant la compétition des matchs de préparation contre les meilleures équipes mondiales. Plusieurs défaites sanctionnèrent ces duels mais les joueurs apprirent beaucoup de choses.
La Brabançonne
Lors de leur première rencontre de l’Euro, contre les hôtes anglais, les Belges surprirent leur petit monde en… chantant pour la première fois la Brabançonne, mais en français car une majorité écrasante de la sélection était francophone.
Puis ils forgèrent un très courageux partage (2-2). La suite, ce fut le match contre l’Allemagne que les Belges n’avaient plus battue depuis 1978. Le début de partie fut pénible puisque les Allemands passèrent deux buts à De Grève mais les futurs Red Lions revinrent dans le coup et à cinq minutes de la fin, recollèrent au score. "Nous avons perdu la peur de mal faire", releva ce jour-là Chouchou De Saedeleer. La formule avait du sens. Les Belges mirent ensuite le 6-0 qu’il fallait aux Tchèques et passèrent en demi-finales contre… les Pays-Bas, rival historique. Ce fut une débâcle (2-7) qui réveilla les vieux démons qu’on croyait enfuis.
Commens et Goudsmet trouvèrent pourtant les mots pour relancer le moral des troupes devant lesquelles se présentait, dans le match pour la 3e place, qualificatif pour les JO de Pékin… l’ogre allemand.
À la dernière seconde
On crut revivre un remake du match de poule. Les Allemands marquèrent deux fois, les Belges revinrent au score et se détachèrent même à 3-2 dans un délire indescriptible mais un stroke allemand ramena l’égalité au marquoir à cinq minutes du terme de ce thriller.
Laissons Jean-François Jourdain, journaliste à La Libre Belgique et auteur (1), raconter la suite : "Il reste une quinzaine de secondes à jouer et la Belgique obtient un coup-franc dans les 25 yards. Les Belges ne se pressent pas, ils sont préparés à jouer les prolongations […]. Philippe Goldberg couve la balle et regarde le chrono. Et puis soudain Max Luycx prend la balle, l’envoie dans le cercle, Tchouk (le surnom de Truyens) la dévie, c’est goal ! Nous allons aux Jeux." Pour la première fois depuis 32 ans.
La Belgique vient de battre l’Allemagne, championne du monde et championne olympique, pour la première fois. Mais pas la dernière.
Si nous nous sommes aussi longuement attardés sur les péripéties de ce championnat d’Europe, c’est que, de l’avis de tous les observateurs, il a marqué pour l’équipe belge et ses dirigeants un véritable déclic.
Depuis, les méthodes d’entraînement, de préparation, d’encadrement des Red Lions n’ont cessé de s’améliorer. Depuis, les équipes d’âge se sont bonifiées et envoient vers la sélection "amiral" des joueurs aguerris, rompus aux exigences du hockey moderne. On a vu les joueuses former une équipe de plus en plus performante. Le nombre de pratiquants de ce sport, qui n’est plus réservé à la bourgeoisie des beaux quartiers, n’a cessé d’augmenter, créant un réservoir intéressant. Depuis, les Red Lions ont livré des tournois de haut vol, qui les ont transformés, au fil du temps, en une formation de gladiateurs.
Des hauts et des bas
Tout ne fut pas toujours rose, certes. Les Belges terminèrent seulement 9e des Jeux olympiques de Pékin mais ils revinrent de Chine convaincus d’avoir progressé. Ils connurent aussi une baisse de régime dans les mois qui suivirent, due notamment aux départs de plusieurs cadors. Ils cafouillèrent lors de l’Euro 2009, gagné par l’Angleterre, manquèrent la Coupe du monde 2010, en raison d’une défaite en finale d’un tournoi qu’il fallait gagner. Une défaite face à l’Argentine (3-4) et à un arbitrage détestable.
Les Red Lions sortirent de leur surplace à l’Euro 2011, à Mönchengladbach, alors qu’Adam Commens avait cédé le témoin à Colin Batch. En Allemagne, les Belges devaient battre l’Espagne pour gagner leur poule : ils passèrent de 0-2 à 3-2 au terme d’un retournement de situation emballant. Ils ne purent toutefois éviter la 4e place, battus par les Pays-Bas en demies et par l’Angleterre en "petite finale". Mais ils allaient aux Jeux de Londres.
Vainqueurs du Champions Challenge en 2011, en battant l’Inde (4-3) à la dernière seconde de la finale, les Red Lions terminèrent 5e du tournoi olympique, battus par l’Allemagne (1-2) et les Pays-Bas (1-3) mais beaucoup plus conquérants contre la Corée, la Nouvelle-Zélande, l’Inde et surtout l’Espagne (5-2, malgré une épaule déboîtée pour van Aubel et un poignet cassé pour Truyens).
Boom, prélude de lendemains radieux
Ils remportèrent ensuite leur demi-finale de la World League, à Rotterdam, en 2013, en battant l’Australie aux shoot-outs, avant d’entamer une période réellement enthousiasmante. En 2013, le championnat d’Europe se déroulait à Boom. Ils battirent l’Allemagne, parée de tous les titres, écrasèrent la Tchéquie 4-0 puis firent match nul contre l’Espagne. Ils affrontèrent l’Angleterre en demi-finale et la surclassèrent 3-0 pour… retrouver l’Allemagne dans une finale qui en disait long sur leurs nouvelles capacités. Hélas, leur domination initiale ne suffit pas et les Allemands gagnèrent 3-1.
Un match de rêve à Rio
Oublions la triste Coupe du monde 2014 et le mauvais championnat d’Europe 2015, remémorons-nous, au contraire, l’extraordinaire campagne des Jeux de Rio, que les Red Lions rallièrent grâce à une place de finalistes (battus à la dernière seconde par l’Australie) dans la demi-finale de la World League organisée à Brasschaat.
À Rio, sous les ordres de Shane McLeod, les Belges bouffèrent la Grande-Bretagne (4-1), laminèrent le Brésil (12-0), se défirent de… l’Australie (1-0), dominèrent l’Espagne (3-1), sortirent l’Inde (3-1) en quarts et se trouvèrent en demi-finale contre les Pays-Bas.
Un match de rêve, remporté 3-1 au terme d’une démonstration de hockey. Las, les Belges craquèrent nerveusement en finale contre une belle Argentine (2-4) et durent se contenter de l’argent.
Encore une médaille d’argent
Mais ils avaient franchi une marche supplémentaire et on crut qu’ils atteindraient le palier suivant lors de l’Euro 2017, aux Pays-Bas.
Ils y accédèrent une fois encore à la finale, contre le pays organisateur. Et ils menaient 2-0 à la mi-temps. Las, une fois de plus, ils finirent par se faire rattraper puis doubler par des Néerlandais revanchards. Comme à Rio, la déception était grande. Ces médailles d’argent, ça commençait à bien faire.
Il ne restait plus qu’à aller chercher l’or en Inde, lors de la Coupe du monde 2018. On sait ce qu’il en est advenu. Mais pour que vous rêviez encore un peu, les coulisses de ce tournoi inoubliable vous seront racontées demain par notre journaliste Jean-François Jourdain, qui a vécu l’événement au plus près...
(1) Jean-François Jourdain, "De ‘Ground Zero’ à l’argent olympique", Caïra Édition.