Kazunori Yamauchi, créateur de Gran Turismo : "Un jour, on verra un simracer en F1"
- Publié le 20-03-2019 à 19h35
- Mis à jour le 20-03-2019 à 20h31
Discussion en one-to-one avec le créateur du jeu vidéo qui a marqué toute une génération…
Rencontrer Kazunori Yamauchi est plus intimidant que de rencontrer un Champion du monde de Formule 1 ou même le Pape ! Il faut dire que le Japonais est le créateur d’une des plus célèbres franchises de Playstation : Gran Turismo. Un nom qui aura bercé et berce encore de nombreux gamers, certains d’entre eux ayant même eu la vocation pour le sport automobile grâce au célèbre ‘GT’ stylisé.
Mais derrière cette image de Dieu vivant se cache un quinquagénaire passionné jusqu’à la moelle, intéressé par toutes les questions qu’on lui pose et qui discute volontiers avec un quidam autour d’un verre ou d’une cigarette. Les chichis de la célébrité, ce n’est pas le truc de Yamauchi-san.
Présent à Paris pour le coup d’envoi du Championnat du Monde FIA Gran Turismo 2019, celui qu’on surnomme Kaz a accepté de répondre aux questions de La Dernière Heure – Les Sports et s’est confié sur la version eSport de son jeu dont l'organisation aux petits oignons n'a pas à rougir face à la F1 ou le WEC, son maestro Lewis Hamilton mais aussi sur un certain Wolfgang Reip présent tout sauf par hasard dans la Ville de Lumière…
Monsieur Yamauchi, comment vous est venue cette idée de lancer un championnat du monde eSport avec Gran Turismo ?
« Il y a cinq ans, la Fédération Internationale de l’Automobile nous a approchés pour voir s’il y avait moyen de faire quelque chose ensemble. Au vu de l’intérêt bien connu pour les jeux vidéos, ils souhaitaient lancer un championnat eSport avec un label FIA. Le sport automobile tel que nous le connaissons aujourd’hui ne sera certainement plus le même dans 100 ans. Il fallait donc réfléchir à quoi les 100 prochaines années ressembleront et c’est ainsi qu’est venue l’idée de lancer le FIA Gran Turismo Championship. »
Est-ce une évolution de l’ancienne Nissan GT Academy ?
« Pas du tout ! La GT Academy était une initiative de Nissan pour faire passer des gamers au stade de pilotes professionnels. Ce nouveau championnat international est très différent. Nous n’avons pas comme objectif principal de transformer des simracers en vrais pilotes de course. »
N’y a-t-il donc aucune passerelle possible ?
« C’est aux douze constructeurs impliqués dans la coupe qui leur est consacrée (les Manufacturer Series, ndlr) à prendre l’initiative. Toyota a déjà fait un premier pas en lançant la Supra GT Cup qui permettra aux meilleurs de rejoindre l’équipe de développement du Toyota Gazoo Racing. Nous sommes certains que d’autres vont emboîter le pas. Gran Turismo peut se reveler une excellente pépinière et la plupart d’entre eux auront peut-être l’envie d’émuler l’ancienne GT Academy. »
Êtes-vous impressionné par l’intérêt exponentiel pour l’eSport ?
« Je le suis énormément. En 2014, quand nous avons jeté les premières bases du projet, nous ne savions pas dans quoi nous mettions les pieds et nous n’étions pas certains que cela allait fonctionner. Finalement, l’eSport a pris de l’ampleur au fil des ans et cela a confirmé notre choix. »
Au cours de la saison écoulée, avez-vous vécu un moment spécial ?
« Ce fut une très belle aventure humaine car j’ai appris à connaître les joueurs et les différentes personnes impliquées au fil des courses. Quand vous apprenez à comprendre de quels horizons ils viennent, pourquoi ils sont là, les victoires de chaque joueur ont une signification spéciale à vos yeux. La grande finale mondiale qui a été organisée à Monaco à l’automne dernier fut très particulière car il y avait beaucoup de suspense. C’était très émouvant de voir les meilleurs joueurs de Gran Turismo se battre pour la victoire dans la Nations Cup et les Manufacturer Series. »
Vous êtes également pilote à vos heures. Pour un producteur de jeu vidéo, en quoi est-ce si important de passer du virtuel au réel ?
« Depuis 2009, je roule sur le grand Nürburgring et prend fréquemment part aux 24 Heures sur la Nordschleife. Si je n’avais jamais couru en compétition, je pense que j’aurais une autre vision du sport automobile. Vous ne pouvez pas comprendre comment une course se déroule en la regardant simplement à la télévision. La vivre depuis l’intérieur, et éventuellement derrière un volant, ne peut être que bénéfique. En tous cas, cela a eu une grande influence sur Gran Turismo et je suis certain que le championnat créé avec la FIA n’aurait jamais vu le jour sans cela car les émotions quand vous courez dans un cadre officiel sont inimitables. »
Vous avez également un ambassadeur qui se nomme Lewis Hamilton. En quoi est-ce si spécial de collaborer avec un champion comme lui ?
« Lewis est une personne très gentille et intelligente. J’ai été également frappé par son humilité sachant que c’est une superstar internationale. Il est très méticuleux et veut que tout soit parfait. Je suis très heureux d’avoir rencontré quelqu’un comme lui. »
Pensez-vous qu’on verra un jour un champion Gran Turismo sur la grille de départ d’un Grand Prix de F1 ?
« J’en suis certain. »
Wolfgang Reip officie comme directeur de course pour le championnat. Avez-vous des projets pour lui en sport automobile ?
« Actuellement, je n’ai rien pour lui. Wolfie est resté un très bon ami et je n’ai pas oublié les performances qu’il a réalisées en GT3 quand il a rejoint Nissan suite à sa victoire à la GT Academy. Si je peux l’aider d’une manière ou d’une autre à courir, ce sera avec grand plaisir... »