Dominique Monami: "Pousser les femmes à prendre plus d’initiatives dans le sport"
Dominique Monami et quatre autres membres du CA du COIB tentent d’offrir un meilleur cadre aux femmes dans le sport.
- Publié le 19-11-2019 à 10h07
Dominique Monami et quatre autres membres du CA du COIB tentent d’offrir un meilleur cadre aux femmes dans le sport. Les femmes sont-elles assez représentées dans les conseils d’administration sportifs, à la tête des fédérations ou dans les médias ? On met fin à ce suspense insoutenable, la réponse est non. Seules 7 % d’entre elles sont présidentes de fédés olympiques (voir chiffre) tandis que leur taux de représentation au sein des CA est de 23 %, selon une étude menée par le Conseil de l’Europe. Côté médias, c’est pire, avec seulement 6 % de présence féminine dans les pages des quotidiens de la Fédération Wallonie-Bruxelles, d’après l’AJP. Ces chiffres problématiques s’étendent à d’autres cadres, comme le coaching et le corps arbitral. Une situation qui a poussé des membres du CA du Comité olympique belge (COIB) à prendre les devants en montant une task force afin de trouver un maximum de solutions pour remédier à tout cela.
Parmi eux, on retrouve Dominique Monami, ancienne membre du top 10 WTA. Inspirées par un congrès ayant pour titre Leadership for women, la Verviétoise et l’ancienne rameuse Gwenda Stevens décident d’agir. "L’avocate Dominique Gavage, également présente dans le CA, avait aussi envie de créer une commission afin d’analyser la situation de femmes dans le sport, pour déterminer quelles étaient les barrières qui se présentaient face à elles et la façon de les faire tomber", ajoute l’ex-tenniswoman.
Commission qui se muera en task force afin d’être plus rapidement efficace. Celle-ci compte également deux hommes, en plus des trois premières nommées. "On ne voulait pas forcément d’une connotation féministe", indique Monami.
Un peu plus de six mois plus tard, le groupe organise un colloque ce mardi pour tenter de répondre à une situation urgente. "On a d’abord lancé une étude pour dresser un état des lieux dans quatre branches: dirigeants, arbitres, coachs et athlètes elles-mêmes. On a posé différentes questions spécifiques à ces groupes. Cela nous a permis d’avoir un premier regard sur ce qu‘ils pensaient de leur situation, avant de recevoir leurs recommandations, ou un avertissement sur des soucis spécifiques, récurrents qui apparaissaient."
L’idée est également d’y aborder deux thèmes : comment booster sa confiance et améliorer la communication entre les hommes et les femmes. "Car on ne communique pas de la même manière et c’est donc intéressant de voir comment on peut mieux se parler", affirme Monami. "L’idée n’est pas de faire le Mur des Lamentations, mais de créer du networking, ce qui nous manque entre femmes, et trouver des solutions concrètes pour stimuler et aider ces dernières à prendre plus d’initiatives dans le sport."
Cela doit-il passer par des quotas, comme il en existe déjà en Fédération Wallonie-Bruxelles ? "Le mot est mal connoté", regrette Monami. "Après, si c’est ce dont on a besoin pour stimuler la présence des femmes, je dis pourquoi pas. Au COIB, il y a un quota nécessaire de cinq femmes sur vingt, ce qui n’est pas dingue, mais c’est déjà un bon début", rappelle-t-elle. "Tout cela représente un énorme problème. Ceux qui y sont actuellement y figurent depuis des années et c’est très masculin. On a parfois l’obligation de prendre un peu ce côté "macha", non pas pour être prise au sérieux, mais pour s’imposer. Mais certaines personnes, comme Marc Coudron (président de la fédé de hockey, NdlR) ou encore Jean-Michel Saive se rendent compte de l’importance d’avoir des femmes dans les hautes instances, car c’est cette complémentarité qui fait notre force, le fait d’avoir un regard différent. Cela va prendre du temps, mais je suis sûre qu’on va y arriver."
"On doit prouver beaucoup plus"
La présence des sportives dans les médias est peu élevée comparée à celle des sportifs.
En octobre 1998, Dominique Monami évince la numéro un mondiale Martina Hingis en trois sets, en quart de finale du tournoi de Filderstadt. Un succès de prestige qui lui permet d’entrer dans le top 10, une première pour une Belge. "C’est étrange car on a montré des images partout, sauf en Belgique, se souvient-elle. Puis la presse a réagi après coup, en venant à Zürich la semaine suivante, histoire de quand même faire un petit reportage (rires) . À cette époque, il fallait atteindre la deuxième semaine des Grands Chelems pour que nos matchs soient diffusés en télé. La presse écrite nous suivait depuis plus longtemps, notamment depuis l’accession au top 20 de Sabine Appelmans, mais c’est vraiment à partir de Justine et Kim que ça a vraiment démarré au niveau audiovisuel. On voit bien aujourd’hui qu’on a les hommes ET les femmes en télé dès les premiers tours."
C’est vrai qu’en matière de visibilité de ses représentantes féminines, le tennis n’est pas le plus à plaindre. Mais pour le reste, la route est encore longue. "Cela bouge quand même, on le voit avec le foot, le hockey, il y a Nina Derwael, Nafi Thiam, aussi, mais le cyclisme féminin n’est que très peu mis en avant, par exemple. En fait, on a besoin de figures qui réalisent de supers performances. On parle plus du basket, mais il faut arriver au sommet. Et hop, on retrouve ça dans les CA, chez les coachs, où il y a assez peu de femmes. Pareil pour les officiels. On doit prouver beaucoup plus pour pouvoir être reconnues à notre juste valeur."
"Et pourtant, des études montrent que si on demande aux hommes s’ils veulent voir du sport féminin à la télé, ils répondent que cela ne les dérange pas, complète notre interlocutrice. Donc, le problème n’est pas là. C’est pourquoi il y a un gros travail à faire du côté des médias pour promouvoir le sport féminin, afin de susciter des vocations."
Dans cette édition de votre journal préféré, vous ne verrez d’ailleurs quasi pas d’autre article consacré à une sportive.