Boxe | Michel Garcia de retour: "Cette salle, c’est ma deuxième maison"
De retour après un an et demi d’absence, Michel Garcia, champion de Belgique des moyens, perpétue sur le ring une riche tradition familiale.
- Publié le 20-04-2018 à 15h11
- Mis à jour le 20-04-2018 à 15h32
De retour après un an et demi d’absence, Michel Garcia, champion de Belgique des moyens, perpétue sur le ring une riche tradition familiale. Ce mercredi après-midi, le bleu du ciel, qui se confond avec le rouge des habitations en briques, offre une lumière particulière sur l’ancienne école communale des filles de Bouffioulx. C’est là, à l’angle de la rue Haute et de la rue Jules Destrée, qu’est niché le Boxing Club Garcia cher à la famille du même nom, sans aucun doute l’une des dynasties les plus importantes du noble art en Belgique.
Chez les Garcia, on boxe de (grand-)père en (petit-)fils et le mouvement n’est, semble-t-il, pas près de s’arrêter. Ses membres entraînent même avec eux un nombre importants de pratiquants - parfois très jeunes par le biais de la boxe éducative - issus de la région.
"La boxe s’ouvre à un public de plus en plus large, les jeunes, les femmes, et nous sommes fiers d’être les précurseurs de cette tendance", souligne le fondateur du club (en 1990) Julio Garcia, 57 ans, sur les marches de l’entrée.
Administrateur de la Ligue francophone de boxe, ce père de famille, à l’instar de ses frères José et Paco, a entraîné ses enfants, Antonio, Michel et Loris, sur la voie du noble art.
"Sans mon père, je n’aurais jamais fait de boxe", s’amuse Michel, champion de Belgique en titre des poids moyens, assis sur le ring de la salle du haut ne s’ouvrant qu’à une poignée de privilégiés et dont la décoration (affiches de galas, portraits, drapeaux, souvenirs divers…) renvoie à des décennies de pratique. "Quand nous étions petits, la punition c’était : ‘hop, tout le monde à la salle !’ Et quelques années plus tard, c’était l’inverse : papa nous interdisait d’y aller pour nous punir. Entre-temps la boxe était devenue une véritable drogue. C’est un sport qui, personnellement, m’a bien calmé. Et la carotte , quand on faisait du bon boulot, c’était d’avoir en premier du beau matériel, des nouveaux sacs, des nouveaux gants. J’ai grandi dans cet environnement, si bien que la salle c’est ma deuxième maison."
La carrière pro de Michel Garcia, lancée fin 2008, se révèle pourtant chaotique. À ce jour, il ne compte encore que 12 victoires pour 1 défaite. Même son plus grand succès à ce jour, le 17 décembre 2016 face à James Hagenimana pour le titre national des poids moyens, n’a pas encore trouvé de prolongement. La faute aux circonstances et à la malchance avec une sérieuse blessure au poignet.
"C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de coupures dans ma carrière, et souvent longues en plus", acquiesce Michel, dont le regard franc est souligné par des lunettes aux branches foncées. "J’ai sérieusement envisagé d’arrêter mais dans ces cas-là, je peux compter sur mes frères pour débarquer chez moi comme des fous et m’emmener à la salle. (rires) Il n’y a rien à faire, j’ai la boxe dans le sang. C’est en moi. À tort, je m’étais cru lancé après mon championnat de Belgique, qui est certainement l’un de mes plus beaux combats. Et là, ce samedi soir, à Châtelineau, je reprends avec un six rounds face au Liégeois Cédric Spera : j’espère que ce sera le début d’une nouvelle dynamique. Ce doit être la bonne ! Je pense qu’on n’est pas en retard mais il est temps. Si je ne suis pas champion dans les trois ans, je ne le serai jamais. Et s’il m’arrive le moindre pépin, j’arrêterai complètement..."
Cette première sortie depuis longtemps doit permettre à Michel Garcia de valider une ambition retrouvée. "En octobre, je me verrais bien boxer pour un beau titre international", lance le papa d’une petite Valentina, à qui il offrirait volontiers une belle ceinture WBA ou WBC.
"Aller le matin à l’usine, ça faisait partie de notre vie"
Comment la fermeture de Caterpillar a impacté la vie des Garcia.
La famille Garcia s’est retrouvée en plein cœur de l’actualité sociale, au mois de septembre 2016, suite à l’annonce de la fermeture de Caterpillar Gosselies. L’usine employait, en effet, non seulement Julio mais aussi son fils Michel depuis 2006.
"Cette situation nous a beaucoup affectés mentalement", explique le boxeur. "Comme mon père l’a déclaré à maintes reprises, nous sommes des battants à la fois sur le ring et dans la vie de tous les jours. Et, grâce à un de mes cousins, j’ai donc retrouvé du boulot (mon papa est, lui, à la prépension) assez rapidement, dans les télécoms et assurances, d’abord en complémentaire et maintenant en tant qu’indépendant. Mais digérer la nouvelle a pris un petit temps quand même. Du jour au lendemain, beaucoup de projets se voyaient annulés ou reportés. J’ai, par exemple, dû renoncer à l’achat d’une maison, ce genre de chose. Mais j’ai vu dans cette épreuve de la vie une nouvelle occasion de prouver ma force de caractère et cela a renforcé ma détermination. La preuve : on est toujours là, on a su se relever. Alors que mon père était là depuis près de 35 ans. Il n’avait connu que ça dans sa vie ou presque ! Moi aussi, c’était quasiment mon premier boulot, c’était donc une histoire sentimentale. Ça manque un peu au début parce qu’aller le matin à l’usine, ça faisait partie de notre vie. Maintenant, c’est différent, mais bon, voilà, le chapitre est refermé. Cet épisode n’a pas réussi à nous freiner."
Mieux : les liens entre père et fils Garcia s’en voient renforcés !
Aux états-Unis pour nourrir son rêve
Le boxeur carolo a croisé du beau monde au 5th Street Gym pendant deux semaines.
C’est au 5th Street Gym de Miami, en Floride, que Michel Garcia a mené une partie de sa préparation, pendant deux semaines, à la mi-mars. Une opportunité qui s’est concrétisée grâce à l’appui d’un sponsor et qui avait de quoi bouleverser les habitudes du boxeur carolo…
"C’est un peu l’envie de tous les boxeurs de s’y rendre et de vivre le fameux rêve américain, de s’entraîner dans des salles qui ont une histoire", sourit-il. "Là, pour le coup, j’étais dans la salle de Mohammed Ali. Avec une belle petite équipe (coach, préparateur physique, kiné, diététicien), on a fait du super bon boulot, jusqu’à trois entraînements par jour. Des footings, du fitness, du sparring , etc. Mentalement, ça m’a boosté. S’entraîner en présence d’un multiple champion du monde comme Kell Brook, que voulez-vous de plus ? C’est comme ça qu’on nourrit ses rêves de gloire."
Surtout quand on croise aussi Floyd Mayweather Jr ("Avec tous ses bijoux, lui, il est dans un autre monde...") ou quand le coach Dino Spencer vous lance des compliments.
"Il m’a dit : ‘Si tu continues, tu es capable d’être champion du monde’ . J’ai cru que j’avais mal compris mais on m’a confirmé que c’était bien ce qu’il avait dit", explique Michel Garcia. "Mais il faut beaucoup travailler, bien sûr ! La base, je sais que je l’ai. Dino Spencer ne sera pas dans mon coin samedi, mais avant de déloger quelqu’un de ma famille, il faut déjà mettre la barre très haut !" (rires)
Pour le boxeur hennuyer, la différence de niveau n’est pas si importante qu’on veut bien le dire. "On dit souvent : ‘Les Etats-Unis, c’est le top, etc’. Mais en Belgique, on fait du bon travail ! Bien sûr, là-bas, il y a des opportunités de sparring qu’on n’a pas chez nous et il y a une approche un peu différente pour améliorer la condition physique et pour aller chercher quelques pour cent en plus. Cela peut faire la différence au plus haut niveau, mais honnêtement, on aurait tort de sous-estimer notre propre niveau."