Lavillenie à propos d'Armand Duplantis: "Non, je ne lui ai pas transmis le témoin !"
Armand Duplantis et Renaud Lavillenie, les deux frères de la perche, se retrouvent à Bruxelles pour une finale spectaculaire.
- Publié le 31-08-2018 à 06h35
- Mis à jour le 03-09-2018 à 12h40
Armand Duplantis et Renaud Lavillenie, les deux frères de la perche, se retrouvent à Bruxelles pour une finale spectaculaire.
Armand Duplantis et Renaud Lavillenie se sont retrouvés avec plaisir, ce jeudi soir, à l’hôtel Crowne Plaza, quartier-général du Mémorial Van Damme. Alors que le Français a encore sauté, mercredi, dans la gare de Zurich, où il s’est classé cinquième avec 5,71 m d’un concours remporté par le Russe Morgunov (5,91 m), le Suédois arrivait des États-Unis.
On sait les liens d’amitié qui unissent Duplantis et Lavillenie et ils n’ont rien à voir avec les origines françaises du nom du premier, né aux États-Unis, mais optant pour la nationalité suédoise. "Quand j’étais jeune, j’avais un poster de Renaud dans ma chambre. Je l’ai toujours admiré. C’était mon idole ! Je me souviens bien du jour où il a franchi 6,01 m. D’une manière générale, les gars à 6,00 m m’ont toujours impressionné !" lance celui qui est entré dans ce cercle très privé, le 12 août, à Berlin. À seulement 18 ans.
De son côté, Renaud Lavillenie a pris celui qu’on surnomme Mondo sous son aile, l’invitant chez lui, à Clermont-Ferrand. "Armand est comme un jeune frère pour moi. Il a du cran. Et ce qu’il a réussi lors de cette fameuse soirée à l’Euro berlinois est très impressionnant…"
Détenteur du record au Mémorial avec un saut à 5,96 m en 2013, le Français pourrait s’en voir déposséder ce vendredi soir. "Tout est possible ! Mais bien malin qui peut dire qui va gagner. Nous sommes tous là pour sauter haut et passer une bonne soirée."
Également recordman du monde avec ses 6,16 m réussis en 2014, à Donetsk, dans la ville natale et sous les yeux ébahis du Tsar Serguei Bubka, Renaud sent de plus en plus le souffle des jeunes loups sur ses talons car, outre Duplantis, il y a aussi un certain Morgunov, médaillé d’argent européen, sans oublier l’Américain Kendricks, champion du monde en titre…
Renaud, Mondo a passé une excellente soirée à Berlin. Et vous ?
"Moi aussi ! Cette finale des Championnats d’Europe fut d’une intensité incroyable. Ce fut le concours le plus dense de l’histoire. Imaginez : 5,95 m pour monter sur le podium. Et encore, sur la troisième marche… Mais il faut avouer que toutes les conditions étaient réunies, contrairement aux deux ou trois autres fois où j’ai sauté à Berlin. Pour ma part, j’ai donné le meilleur, mais je me suis surtout battu contre moi-même, comte tenu de ma préparation perturbée par ma blessure. Quand j’ai vu que je ne pouvais pas gagner, j’ai souhaité que ce soit Mondo . Et, franchement, il m’a épaté !"
Depuis quand vous connaissez-vous ?
"Depuis 2013, à Reno (Nevada) ! J’y sautais un soir et lui, le lendemain matin. Assez tôt… J’ai d’ailleurs gardé la vidéo du concours de ce gamin de 13 ans…"
(Et Renaud de sortir son téléphone portable pour la montrer !).
"Envoie-la moi !" lança Armand Duplantis, hilare.
Pourquoi avez-vous invité Mondo à venir s’entraîner avec vous à Clermont-Ferrand ?
"Je l’ai toujours trouvé sympa. Et puis, j’étais son idole…"
Que lui avez-vous appris et qu’avez-vous appris de lui ?
"Écoutez, Mondo est encore un bébé. J’entends un bébé dans notre sport, si exigeant. L’un et l’autre, nous avons vite vu la différence entre un junior et un senior au travers des exercices auxquels je m’astreins machinalement depuis des années et que lui découvre. Mais, croyez-moi, il apprend très vite. Et, aussi, je ne lui ai pas révélé tous mes secrets !"
Au-delà de l’amitié, avez-vous des points communs en tant qu’athlètes ?
"Oui ! Nous ne doutons pas. Jamais. Ni de nous, ni de nos qualités. Quand nous entreprenons, il n’y a pas d’autre alternative pour nous que de réussir, de gagner. Même au ping-pong, nous détestons perdre. Mais, avec Mondo , ça va plus loin. Sur un sautoir, on n’a, a priori, pas d’amis. On est là pour gagner. Avec Mondo , c’est une exception ! Ainsi, à Berlin, nous avons été en contact quotidien, même le jour de la finale. Mais nous discutons de tout, pas seulement de perche !"
Pensez-vous lui avoir transmis le témoin à Berlin ?
"Non, je ne lui ai pas transmis le témoin ! Vous savez, en un été, on ne peut pas tout gagner ou tout perdre. Ce que Mondo a réussi en finale à l’ Euro berlinois est incroyable et, s’il continue comme ça, il figurera sur tous les podiums dans les années à venir. Mais je n’ai pas dit mon dernier mot ! En tout cas, pas avant les Jeux de Tokyo. Et, d’ici là, il y a encore le Mondial, l’an prochain, à Doha. Tout le monde sait que je n’ai jamais été champion du monde à l’extérieur, mais ce n’est pas parce que ce Mondial ne m’a jamais souri jusqu’ici que je ne le serai pas en 2019. Ça dépendra aussi de la concurrence car, avec Mondo , il faut également tenir compte du Russe Morgunov, médaillé d’argent à Berlin, à 21 ans…"
Pour le prestige et non l’argent !
S’il gagne ce vendredi au Mémorial, Mondo ne pourra toucher la prime de 50.000 dollars ni… le fameux diamant.
Dans le milieu de l’athlétisme, on l’appelle Mondo. Mais, pour l’université, en Louisiane, c’est… Armand Duplantis. Et le nouveau champion d’Europe de la perche y est un élève comme les autres. Armand a donc dû demander la permission de sécher les cours en cette fin de semaine pour venir disputer la finale de la Diamond League, à Bruxelles, où il retrouvera Renaud Lavillenie, mais aussi Timur Morgunov, qu’il a devancés à Berlin, où ces trois-là ont signé un concours de légende avec, pour le jeune Suédois, un record à 6,05 m, pour le Russe de 21 ans un saut à 6,00 m et pour leur aîné français, une médaille de bronze à 5,95 m. Du jamais-vu dans l’histoire de la perche pourtant riche d’exploits avec le Tsar Bubka, les Tarasov et Markov.
À peine arrivé à Bruxelles, Mondo Duplantis a pu mesurer son immense et… soudaine popularité, les journalistes suédois s’étant déplacés en masse. Car s’il est né à Lafayette, aux États-Unis, d’un père américain… perchiste et d’une mère suédoise… heptathlonienne et volleyeuse, le jeune homme a opté pour la nationalité de sa maman et, surtout, de ses grands-parents, chez qui il a passé du temps dans sa jeunesse et, notamment, appris à sauter à la perche dès l’âge de 4 ans !
Vous avez dit précoce ? Oui, Mondo l’est ! Lors de cette folle dernière soirée de l’Euro berlinois, il est devenu le plus jeune champion de l’histoire, tous concours confondus. "Et dire que mon vœu était simplement de figurer sur le podium avec Renaud, mon idole, pour qu’on prenne la photo et qu’il me la signe… J’ai été gâté parce que cette soirée a dépassé toutes mes espérances. Mais, pour être honnête, je trouve qu’elle est passée beaucoup trop vite. À peine vingt minutes entre mes trois sauts, à 5,95 m, 6,00 m et 6,05 m. Ce fut magique !"
Les conditions étaient, il est vrai, idéales et les perchistes en forme. "Mes adversaires m’ont littéralement poussé vers le haut. Et comme je pouvais également compter sur l’amitié de Renaud, ce fut presque facile."
Le recordman du monde français, qui avait hébergé Duplantis chez lui, à Clermont-Ferrand, et partagé quelques entraînements, n’en croyait pas ses yeux de le voir voler, lui et Morgunov, au-dessus de cette barre placée à 6,00 m. Mais, fair-play, il ne leur en tint pas rigueur.
Devenu fan de Zlatan Ibrahimovic, Mondo Duplantis n’a pas suivi son frère, Antoine, aujourd’hui actif en MLB (baseball), aux États-Unis. Mais c’est bien là qu’il accomplit ses études. Le jeune homme est donc encore amateur ! S’il gagne ce vendredi, au Mémorial, il ne pourra toucher la prime de 50.000 dollars et le fameux diamant promis à chaque vainqueur de la Diamond League… Un comble ! "Franchement, je n’y avais pas vraiment pensé. Mes parents s’occupent de tout sur le plan logistique. Pour moi, rien n’a changé depuis mes débuts. Il y a simplement plus de gens qui viennent me voir sauter."
Et ils seront très nombreux ce vendredi soir, au Mémorial, dont le record est de 5,96 m et le propriétaire, un certain… Renaud Lavillenie !