Frédéric Xhonneux décortique Mayer, le nouveau roi du décathlon: "C'est un intellectuel moteur"
L’ancien décathlonien Frédéric Xhonneux nous explique pourquoi le Français est devenu l’athlète le plus complet au monde.
- Publié le 18-09-2018 à 06h56
- Mis à jour le 18-09-2018 à 09h52
L’ancien décathlonien Frédéric Xhonneux nous explique pourquoi le Français est devenu l’athlète le plus complet au monde. La performance globale exceptionnelle de Kevin Mayer, le week-end dernier à Talence, n’a pas fini de faire parler d’elle. En portant le record du monde du décathlon à 9.126 points, soit 81 points de mieux qu’Ashton Eaton, le Français de 25 ans est devenu le nouvel homme fort de la discipline la plus complète de l’athlétisme. Ancien recordman de Belgique du décathlon, Frédéric Xhonneux ne doutait pas que le record du monde allait très vite revenir à Mayer.
"On le sentait, depuis quelque temps déjà, tout à fait capable de battre le record du monde, son niveau de performances étant très élevé", explique le Bruxellois. "On ne saura jamais s’il aurait pu le faire dès les championnats d’Europe de Berlin, sans ses trois nuls à la longueur, mais il faut dire aussi qu’à Talence l’horaire est plus favorable aux athlètes et se prête mieux à ce genre d’exploit. Et cet échec à l’Euro a très certainement nourri sa détermination et son envie de se dépasser."
Pour notre compatriote, le triomphe de Kevin Mayer est celui de la régularité. "C’est cet aspect-là qui m’épate le plus chez lui", reprend Frédéric Xhonneux. "À la différence d’Ashton Eaton, un excellent coureur mais qui était moins bon lanceur et avait toujours une ou deux performances moyennes à côté d’autres exceptionnelles, Kevin est bon partout, il n’a quasiment aucun point faible. La seule chose qui me fait un peu tiquer, c’est son résultat sur 400m (48.42) . Avec ses qualités de vitesse, il doit être capable de courir en 47 secondes. Mais l’entraînement de lactique est vraiment très dur et j’imagine qu’il privilégie d’autres épreuves et d’autres points de travail."
Aux yeux de notre interlocuteur, Kevin Mayer (1,86m, 85 kg) n’en reste pas moins le décathlonien idéal. "Physiquement, il n’est pas spécialement impressionnant mais sa polyvalence naturelle, sa coordination, sa maîtrise technique dans chaque épreuve et son mental de guerrier, auxquels il faut ajouter une grosse capacité de travail qu’illustrent par exemple ses progrès en vitesse, en font un athlète réellement admirable", ajoute Frédéric Xhonneux. "Il est ce que j’appelle un ‘intellectuel moteur’. C’est un surdoué, un génie, il sait tout faire. Ajoutez à son palmarès l’un ou l’autre grand titre, dont celui de champion olympique, et il sera assurément le plus grand décathlonien de l’histoire."
Un statut que le Français ne s’arrogerait pas par hasard. "Souvenez-vous : il était déjà champion du monde cadets puis juniors dans les épreuves combinées. Il ne sort donc pas de nulle part ! Dans ces cas-là, soit on est un précoce, soit un surdoué. Pour moi, il était tout simplement voué à devenir le meilleur décathlonien un jour. Ses succès, il les a construits avec méthode et patience. D’accord, il a peut-être bien profité de sa jeunesse un moment donné mais ce n’est jamais très bon d’avoir des habitudes d’ascète trop tôt non plus."
La preuve…
À Bruxelles, il avait marqué les esprits
Les spectateurs du Brussels Grand Prix 2012, certes pas très nombreux, s’en souviennent encore très bien : Kevin Mayer a disputé, cette année-là, un décathlon au stade Roi Baudouin pour y décrocher sa qualification pour les Jeux Olympiques de Londres. Ce qu’il fit avec brio et un total de 8.415 points constituant son record de l’époque. "Quelques jours plus tôt, comme ce fut le cas à Berlin cette année, il avait fait trois nuls à la longueur aux championnats d’Europe d’Helsinki !" se souvient Frédéric Xhonneux, lequel a encore partagé un décathlon, l’année suivante, à Ratingen, avec le Français. "Son entraîneur Jean-Yves Cochand m’avait alors téléphoné pour voir si Kevin pouvait se greffer au décathlon régional que nous organisions pour les jeunes athlètes francophones principalement. Nous avons, bien entendu, accepté et il a largement réussi le minimum au prix d’une superbe performance. Quand je l’ai revu après le décathlon de Rio, en 2016, il s’en est souvenu et m’a encore remercié spontanément pour cette opportunité qui lui avait permis de prendre de l’expérience à Londres. Cela illustre bien son état d’esprit et sa personnalité. Celle d’un gars cool et sympa !"