André Antoine: "Pour moi, c’est la mi-temps"
Le ministre des Sports est prêt à rempiler pour un contrat de cinq ans. Découvrez notre entretien exclusif.
- Publié le 16-05-2014 à 20h20
- Mis à jour le 17-05-2014 à 14h55
Le ministre des Sports est prêt à rempiler pour un contrat de cinq ans. Vice-Président, ministre du Budget, des Finances, de l’Emploi, de la Formation, de la Politique aéroportuaire ainsi que des Sports, André Antoine (CDH - 54 ans) fut, par ses multiples compétences, omniprésent au cours de la législature 2009-2014. Souvent, il a dû jouer l’équilibriste entre la rigueur des budgets et la ferveur des projets, surtout les siens. Pas évident, en effet, d’imposer des économies aux autres quand on foisonne soi-même d’idées qui, forcément, ont un coût.
Le grand écart, André Antoine l’a donc pratiqué pendant cinq ans pour essayer de faire en sorte que le sport francophone ne soit plus considéré comme secondaire, accessoire, comme ce fut longtemps le cas par le passé.
Et, aujourd’hui, le ministre se plaît à rappeler que le Sport fut la première compétence qu’il a souhaitée après les élections de 2009. "En fait, le Sport ne devait pas revenir au CDH, mais j’ai insisté auprès de Joëlle Milquet, notre représentante à la table des négociations, pour assumer cette compétence. Elle l’a obtenue !"
Et cinq ans plus tard, André Antoine est vraiment prêt à rempiler… "Écoutez, oui ! Trois fois oui ! Sans fausse modestie, je pense que les échos en provenance des 59 fédérations sont assez favorables. Mais, contrairement au passé, je crois que le Sport sera, cette fois, une compétence âprement négociée. Attention : il faut d’abord attendre les résultats des élections et savoir si le CDH sera à la table des négociations."
À l’heure du bilan de son action en tant que ministre des Sports, André Antoine se dit particulièrement fier. Aimant ses chiffres comme les sportifs, leurs chronos, il les sort avec un plaisir non dissimulé, souvent à juste titre, même si certains le lui reprochent en se demandant où il va chercher tous ses moyens. "Avant de parler d’argent, je tiens à mettre l’accent sur l’augmentation sensible au cours de ces cinq dernières années du nombre de clubs (6.925, +13 %) et d’affiliés (617.740, +36 %) en Fédération Wallonie-Bruxelles (NdlR : chiffres de 2013). Ce n’est pas rien ! Et, pour ce qui est du sport de haut niveau, nous sommes passés de 23 à 82 sportifs sous contrat entre 2009 et 2014. Sur le plan financier, outre l’aide aux fédérations et aux communes, nous avons massivement investi auprès des clubs, dont nous considérons effectivement qu’ils forment la base de notre modèle sportif."
Sans oublier, bien entendu, les infrastructures et de vastes chantiers comme le Pôle sportif de Haut Niveau à Louvain-la-Neuve, dont André Antoine espère signer le contrat avec l’une des huit sociétés ayant répondu à l’appel d’offres pour les travaux. "L’avenir nous dira si j’aurai le plaisir et l’honneur d’en poser la première pierre, mais je mettrai tout en œuvre pour y apposer ma signature."
Il s’agit d’un investissement de plus de 26 millions d’euros pour une salle d’athlétisme, des bureaux et tout l’hébergement, sans compter la salle de judo ( "une discipline prometteuse" ) et les quelques locaux y afférents. "Outre la bataille, parfois rude, que se sont livrée Liège et Louvain-la-Neuve, certains ont parlé à propos de ce Centre sportif de demi-mesure. Je pense que c’est injuste ! Compte tenu de la situation économique, je ne pouvais pas, en tant que ministre du Budget, demander à mes collègues de couper dans leurs moyens et, comme ministre des Sports, plaider pour un projet hors norme. Ceci dit, il faut quand même ajouter à ceci le fait que nous avons procédé à la rénovation des dix-neuf centres Adeps pour la somme de 82 millions d’euros. Sans parler de nos Plans Athlétisme avec 16 pistes concernées, Piscine et Synthétiques avec, quand même, pas moins de 74 terrains implantés."
Et ce, en football, en hockey et en rugby. Incontestablement, André Antoine fut omniprésent en la matière. Mais, au fond, comment envisage-t-il donc l’avenir ? "En termes sportifs, pour moi, c’est la mi-temps. Je pense, en effet, qu’il faut dix ans avant de voir les réels résultats d’une politique. Si l’électeur m’en donne l’opportunité, non seulement à moi, mais aussi à mon parti, je poursuivrai l’œuvre entamée, avec passion, il y a cinq ans."
Non, André Antoine n’est pas du tout prêt à lâcher le Sport au lendemain du dimanche 25 mai.
Cinq chantiers identifiés
Partenariat Public-Privé, Bénévolat, Académie et Université du Sport, Formation.
En ces temps de crise, le Budget ne l’a pas rendu très populaire, surtout auprès de certains collègues.
En revanche, le Sport semble lui avoir apporté quelques satisfactions, parmi lesquelles celle de voir la marque Adeps redevenir, selon lui, une "vraie valeur" . Mais André Antoine sait que lui et son administration ont encore beaucoup de pain sur la planche. C’est pourquoi, avant même les élections, le ministre des Sports se projette vers l’avenir.
Concrètement, il a d’ores et déjà identifié cinq chantiers .
1. Partenariat Public-Privé
"Favoriser le partenariat entre Public et Privé est, pour moi, un thème majeur. À l’instar du Trophée des Communes sportives, je souhaite développer un programme sportif pour les entreprises, mettre sur pied un Challenge intra et inter-entreprises pour amener celles-ci vers le sport et peut-être y investir."
2. Bénévolat
"Soutenir les 110.000 bénévoles en améliorant leur statut fiscal pour le sport me paraît essentiel simplement parce qu’ils sont, eux-mêmes, essentiels pour le sport. Idem en ce qui concerne l’entraîneur ou l’éducateur. On pourrait doubler le plafond fiscal pour le volontaire en le passant à 2.515 euros. De même, des mesures doivent être envisagées pour les buvettes avec un plafond relevé à 50.000 euros. Ce sera tout bénéfice pour les jeunes des clubs."
3. Académies du Sport
"L’idée est de créer des clubs multi-sports pour les enfants âgés de 3 à 12 ans afin de leur éviter une spécialisation prématurée."
4. Universités du Sport
"Il s’agit, là, de créer des stages de perfectionnement multidisciplinaires pour nos espoirs sportifs, âgés de 12 à 18 ans, ainsi que leurs entraîneurs."
5. Formation
"Pérenniser les aides à la Formation me paraît aussi essentiel pour un encadrement de bonne qualité." Et, pour ce qui est du Haut Niveau, André Antoine se réjouit, bien sûr, de voir les sportifs francophones prester aux Jeux de Rio, en 2016. "L’échéance approche à grands pas ! Nos élites en sont conscients. Viser un Top 16 olympique me semble un objectif très raisonnable…"
"J’ai demandé à Jacques et à la LBFA de se taire"
André Antoine est intervenu pour mettre fin au conflit entre les Borlée et la Fédé.
Outre la tristesse d’un passage de témoin manqué entre Élodie Ouedraogo et Frauke Penen en finale du relais 4x100 m des Championnats d’Europe, en 2010, à Barcelone, déclenchant chez lui une vive émotion, André Antoine n’a pas connu que des hauts lors de ses cinq années comme ministre des Sports. "Le chagrin d’Olivia Borlée m’a, en effet, touché ce jour-là. Je savais que la réussite sportive se jouait, souvent, sur des détails mais, là, j’ai trouvé ça particulièrement dur."
Le nom Borlée est souvent revenu aux oreilles du ministre lors de sa législature. En bien, lorsqu’en 2011, il a assisté, dans son bureau avec tous ses collaborateurs, à la finale mondiale du 400 m et à la médaille de bronze de Kevin (encore lui). "Un moment fort !"
Mais aussi en moins bien lorsqu’il a dû jouer l’arbitre, avec Pierre-Olivier Beckers, dans le gros litige entre Jacques et la LBFA. "Les tensions ont duré beaucoup trop longtemps et ont donné une mauvaise image de l’athlétisme et du sport francophones. Je suis donc intervenu. J’ai demandé à Jacques et à la LBFA de se taire, de cesser toute sortie intempestive dans la presse. Avec le COIB et l’Adeps, ils se sont mis autour d’une table et ont trouvé un accord de collaboration. Je m’en félicite car, franchement, ces tensions étaient devenues insupportables et contre-productives…"
Révolte est le terme le plus approprié au sentiment qu’a éprouvé le ministre des Sports suite aux événements ayant émaillé l’après-match de P3 brabançonne Limelette - Lasne en septembre 2013.
Pour rappel, le capitaine de Lasne y a été agressé par des supporters de Limelette, s’en sortant avec une triple fracture de la mâchoire. "Un comportement inacceptable !", lance André Antoine, encore furieux. "Je suis révolté que, malgré nos efforts, de tels agissements puissent encore exister. Mais la lutte contre le racisme et pour le fair-play dans le sport est un combat de tous les instants, que nous entendons mener avec toutes les instances concernées."
À bon entendeur…