2 juin 1989: le jour où Jean-Marc Renard faillit devenir champion du monde de boxe
Il y a 30 ans, c'est au Palais des Expositions de Namur qu'a été organisé le seul championnat du monde masculin de l'après-guerre sur le sol belge.
- Publié le 02-06-2019 à 08h06
- Mis à jour le 02-06-2019 à 17h58
Il y a 30 ans, c'est au Palais des Expositions de Namur qu'a été organisé le seul championnat du monde masculin de l'après-guerre sur le sol belge. C'était le 45e et dernier combat de la superbe carrière de Jean-Marc Renard. Un championnat du monde WBA des poids plumes qui a passionné les puristes et fasciné le grand public, et dont une issue victorieuse aurait couronné de la plus belle des manières le destin hors du commun du boxeur né à Huy et résidant à Amay. Mais face à lui, ce 2 juin 1989, se trouvait un homme au sommet de son art, un véritable artiste des rings, nommé Antonio Esparragoza. Un champion du monde s'exportant bien (précédemment, il s'était imposé par K.-O. aux Etats-Unis, en Italie et au Japon) et bien décidé à ne pas abandonner sa précieuse ceinture en Wallonie.
Dans les années 80, Jean-Marc Renard était lui aussi un cador... sur la scène européenne, d'abord en super-plumes où il a remporté quatre championnats EBU pour un match nul face au Français Daniel Londas. Chez les poids plumes, ensuite, où notre compatriote, à la force de ses poings brisés, est allé chercher le titre européen à Compiègne au détriment de Farid Benredjeb avant de défendre victorieusement son titre à Salerne, en terres italiennes, contre Vincenzo Limatola.
Homme peu bavard et à la personnalité intrigante, dépeint comme renfermé et très sensible, Renard était avant tout un boxeur hors pair sur le ring où sa force de caractère couplée à une excellente technique lui ont permis de surmonter bien des écueils (il compte 40 victoires dont 24 avant la limite). Et donc de prétendre finalement, à l'âge de 33 ans, au titre mondial des poids plumes devant tous les médias du pays et en direct sur les chaînes de télévision publiques.
Treize ans après Jean-Pierre Coopman, le premier boxeur belge de l'après-guerre à avoir eu les honneurs d'un championnat du monde, face à Mohammed Ali de surcroît, Jean-Marc Renard, short et peignoir verts, monta sur le ring du Palais des Expositions de Namur pour en découdre avec Antonio Esparragoza, sachant pertinemment qu'au plan physique il n'était pas tout à fait prêt à tenir plus de six rounds. Accompagné par son homme de coin, Jean Diadori, le boxeur wallon, vu l'état de ses poings, sait, au moment des hymnes nationaux, qu'un succès rapide constituerait le meilleur scénario pour lui. Et il compte bien surprendre son adversaire.
Dès les deux premiers rounds, Renard marche d'ailleurs sur Esparragoza, il occupe le centre du ring et prend les initiatives, multiplie les accélérations, mais le Sud-Américan, d'apparence plus frêle, montre qu'il sait encaisser, voire répliquer grâce à une allonge supérieure. Soutenu par un public belge local bien en voix, Jean-Marc Renard verra son adversaire élever le rythme dans la troisième reprise, mais sans toucher véritablement. Dans un début de quatrième round endiablé, le Belge lancera alors la grande offensive et l'état de la paupière droite du tenant du titre incitera à faire appel au médecin. Une interruption peut-être salvatrice pour Esparragoza, qui termina toutefois cette reprise tout aussi difficilement. L'ascendant de Renard, hargneux et volontaire, se confirma dans le cinquième round, hormis un sursaut du Vénézuélien dans les dernières secondes.
En tête au niveau du pointage, le Hutois, touché pour sa part à la pommette droite, perdra un peu de sa lucidité au sixième round, moment choisir par Esparragoza pour retrouver toute sa vigueur et faire parler sa mentalité de champion. Sur un double direct, droit et gauche, au menton, notre compatriote s'écroula et ses jambes refusèrent de le porter avant la fin du compte de l'arbitre. Un K.-O. rapide et limpide qui scella le sort et la fin de carrière de Jean-Marc Renard. Les « merci Jean-Marc » qui résonnèrent dans la foule de 5000 personnes soulagèrent à peine l'infinie déception du boxeur wallon d'être passé si près du titre mondial.
« L'allonge d'Esparragoza m'obligeait à boxer de près et cela m'exposait évidemment à ses contres. Il en a profité et j'ai vraiment été sonné, électrocuté», expliquait Jean-Marc Renard. Son adversaire, lui, soulignait son envie « d'en terminer » à cet instant précis. « Ma blessure à l'oeil droit me gênait. »
Jean-Marc Renard, vaincu par les blessures, ne remontera plus jamais sur un ring, cet amoureux de la nature précipitant sa retraite dans la forêt luxembourgeoise du côté de Tenneville. Il s'y donnera la mort en août 2008. Aujourd'hui encore, bon nombre d'amateurs du noble art se souviennent avec émotion et nostalgie du petit Hercule d'Amay et de son championnat du monde WBA qui aura tenu tout le pays en haleine...
Louis De Vries, maître d'oeuvre
Si la Belgique a pu être accueillir un championnat du monde de boxe, à Namur, elle le doit à l'action conjuguée de plusieurs personnes. À commencer par Jean-François Laverdisse, journaliste au quotidien Vers l'Avenir, et par Mario Ferro, très actif dans le milieu pugilistique. Soutenue par les pouvoirs politiques dont la Communauté française (via le ministre des Sports Jean-Pierre Grafé) et de la ville de Namur, la réunion est surtout l'oeuvre de l'Anversois Louis De Vries, la cheville ouvrière de l'événement, jusque là connu pour sa forte présence dans le milieu musical en tant qu'imprésario puis dans celui du football en tant que directeur sportif (à l'Antwerp) et manager.
« J'ai été mis en contact avec la ville de Namur par l'intermédiaire de mon ami Bojo Ban, celui-ci n'ignorant pas mon désir de monter un grand événement de boxe », expliqua celui qui entreprit les aménagements nécessaires au Palais des Expositions afin que celui-ci puisse accueillir le championnat du monde WBA. Un grand moment dans l'histoire de la boxe belge.