Yves Matton, devenu directeur rallye de la FIA: "On songe aux moteurs hybrides pour le futur du WRC"
Notre compatriote, directeur rallye de la FIA (Fédération Internationale de l'Automobile), nous parle de l'évolution et non la révolution du WRC.
- Publié le 13-09-2018 à 18h14
- Mis à jour le 13-09-2018 à 18h15
Notre compatriote, directeur rallye de la FIA (Fédération Internationale de l'Automobile), nous parle de l'évolution et non la révolution du WRC.
Depuis février dernier, Yves Matton a changé de couleur de chemise. Il est passé du rouge Citroën au bleu FIA. Avec toujours la même passion pour le rallye dont il est devenu le responsable mondial. Nous avons bu un cappuccino en la compagnie d'un Belge partageant désormais son temps entre ses bureaux de Huy, Genève et Paris, mais aussi les aéroports du monde entier.
Yves, quelles sont exactement vos responsabilités à la FIA ?
« Je m'occupe du rallye, pas seulement le WRC mais tous les championnats, du Cross Country (le raid à l'exception du Dakar qui n'est pas FIA) et de l'homologation des records du monde de vitesse. Et je fais des rapports au président Jean Todt que je vois de manière régulière. »
Mais concrètement cela signifie quoi ?
« Que je dois avoir une vision à long terme pour assurer la pérennité de la discipline en fonction notamment de l'évolution de la société. Il y a par exemple des championnats à remettre en selle, dont il faut changer la formule pour réintéresser les pilotes comme au Moyen Orient. C'est le cas des championnats où il y a moins de cinq concurrents réguliers participant à toutes les manches. En Belgique aussi, le RACB devrait peut-être diminuer le nombre de rallyes pour redynamiser le championnat.»
Au niveau du WRC, quelles sont les pistes actuelles ?
« Les différents projets sont discutés en Commission Rallye puis validés par le Conseil Mondial. On voudrait par exemple un championnat du monde plus international car aujourd'hui, sur les treize manches, dix se disputent en Europe. Pour 2019, on devrait passer à 14 courses. Le Chili et le Japon sont candidats. Un Européen pourrait éventuellement tomber... Je m'efforce également à redonner une plus grande place aux amateurs et aux pilotes et teams privés. La présence de Skoda en WRC2 constitue un souci auquel on essaie de remédier sans perdre le constructeur tchèque bien sûr. »
Les constructeurs ne voulaient pas à la base d'une épreuve supplémentaire...
« Non, mais on s'est efforcé à ce que cela n'affecte pas le budget global en limitant plus les essais, grâce à une prise en charge d'une partie des frais logistiques pour les courses extra-européennes et surtout en jumelant des rallyes comme on pourrait par exemple le faire avec l'Argentine et le Chili qu'il faudrait disputer sans revenir à l'atelier ni toucher à la voiture dont les éléments mécaniques resteraient plombés. Cela va ramener une notion d'endurance un peu perdue aujourd'hui en rallye. »
On parle de l'électrique en rallye ?
« Non, mais on s'intéresse à l'hybridation. Les WRC actuelles constituent une bonne base, mais la motorisation pourrait changer à moyen terme. »
On se dirige également vers une nouvelle nomination des catégories...
« Exact. On veut simplifier. Que ce soit plus logique. Les WRC vont être rebaptisées Rally1, les WRC2 Rally2 et l'on va lancer une catégorie Rally3 avec des quatre roues motrices à la puissance et aux coûts limités à 100.000 euros maximum. En fait, on veut relancer l'équivalent du Groupe N. »
Quelles sont les autres idées ?
« On ne va pas révolutionner le WRC qui globalement se porte bien avec un bon règlement technique permettant à un nouveau constructeur de nous rejoindre et d'être très vite compétitif comme on l'a encore vu avec Toyota. On voudrait par exemple développer un peu plus le parc d'assistance pour en faire le centre d'une fête populaire. On veut y apporter plus d'animations, une fête foraine, pourquoi pas un concert comme aux 24H de Spa ou du Mans. L'idée d'y terminer l'ultime Power Stage a aussi du sens. C'est plus sympa de faire le podium final au parc, face à du monde, qu'en plein milieu d'une forêt. Enfin, du côté du rally-raid, on va changer le format actuel en intégrant une épreuve marathon. »
Le WRC Plus avec la diffusion de toutes les spéciales sur internet participe à la promotion du championnat ?
« Oui cela s'est développé très vite et bien cette année. Les audiences ne cessent d'augmenter. Cela permet aux fans de mieux suivre les rallyes. Cela correspond bien au développement de notre société, cela permet aux jeunes de suivre les épreuves sur leur portable. Même si la télé reste importante, la diffusion sur internet, via les téléphones devient un outil de promotion de plus en plus important. On doit songer doucement à revoir notre modèle économique, les droits à l'image. Tout cela évolue très vite. »
On a un Belge en tête du championnat du monde. Songer à une manche du WRC dans notre pays est-il utopique ?
« D'abord il faudrait un promoteur et un projet qui n'existent pas. Ensuite, comme je vous l'ai dit, on recherche plutôt des nouvelles épreuves hors Europe. On peut rêver mais je ne vois pas avec quels arguments un organisateur belge pourrait convaincre les constructeurs et la FIA. »
Avec tout cela, aurez-vous encore le temps de participer au Rallye du Condroz vous tenant tant à cœur ?
« Cette année, je me contenterai d'y piloter la voiture zéro car je n'ai pas le temps de préparer cela convenablement et je ne veux pas me prendre la tête. Par contre, je continue en tant que vice-président du Motor Club de Huy à travailler sur la venue d'une vedette étrangère. »
En tant que Belge, vous espérez bien sûr voir Thierry Neuville sacré champion du monde ?
« (Rire). C'est difficile en tant que responsable FIA d'avoir un parti pris pour un Belge plutôt qu'un Français. Mais disons qu'après 14 ans de règne de la même nationalité et cinq saisons du même pilote, je serais heureux que ce soit au tour d'un autre pilote d'être sacré, qu'il soit Belge ou Estonien. Pour démontrer qu'on a un championnat concurrentiel et que ce n'est pas tout le temps le même qui gagne. »
Que pensez-vous de l'évolution de Thierry ?
« J'ai toujours été convaincu de sa pointe de vitesse. Mais aujourd'hui, il m'a étonné lors des deux derniers rallyes dans sa manière de gérer sa non-performance pour aller chercher des points sans s'énerver. Il est devenu plus sage. Il est capable d'attendre. Le pire qui pourrait lui arriver serait de perdre son avance d'un coup, suite à un abandon. »