Le "petit arrangement à la belge" qui permet à Craig Breen de garder une victoire méritée à Ypres
L'Irlandais a gagné sur les spéciales et méritait amplement son succès.
- Publié le 30-06-2019 à 11h28
L'Irlandais a gagné sur les spéciales et méritait amplement son succès. Moins son équipier et son ingénieur qui ont visiblement commis une faute d'attention lors d'un ravitaillement. Heureusement, le « pompiste » néerlandais n'était pas irréprochable non plus et on a arrangé les bidons...
Entendons nous bien. Craig Breen a inscrit pour la première fois son nom au palmarès du Ypres Rally et c'est cent fois mérité. En tête dès la 4e spéciale quand il a profité d'une première petite erreur de Kevin Abbring, il a parfaitement géré sa course et commis un véritable sans faute. On ne peut toutefois pas en dire autant de son équipier Paul Nagle ni apparemment de son ingénieur qui ont tous les deux commis une petite erreur qui aurait pu leur coûter très cher, la victoire et logiquement la disqualification ou la panne d'essence.
Retour sur les faits : Nous sommes en milieu d'après-midi samedi. Craig revient à l'assistance BMA avec une avance d'une trentaine de secondes sur Kevin Abbring. Avant d'entamer l'avant-dernière boucle de trois spéciales, la plus longue des deux, l'équipage de la VW Polo N°2 passe dans la zone de refueling obligatoire (les pilotes utilisent tous la même essence qu'ils ne peuvent manipuler eux-mêmes). Il remet un ticket au responsable de Gutts sur lequel il demande 28 litres. C'est là sans doute qu'est commise la première erreur de calcul (ou alors il a interverti les deux boucles) de son ingénieur. En effet, les trois autres Polo engagées dans la course demandent au même endroit 38 ou 39 litres pour accomplir la boucle, la consommation avoisinant les 0,6 litre au km.
La deuxième erreur vient effectivement du « pompiste » qui, au lieu de remettre les 28 litres demandés, n'en verse que 23.
La troisième faute vient du copilote Paul Nagle qui ne vérifie pas auprès du responsable que ce sont bien 28 litres qui ont été versés. Il peut également le vérifier avec la jauge dans la Polo, mais il ne s'en rendra compte en fait que 500m après avoir quitté la zone. Il est trop tard. L'équipier demande à son pilote de faire demi tour. Mais le règlement l'interdit sous peine de mise hors course et Craig continue donc sa route en sachant qu'il n'a pas assez d'essence pour accomplir toute la boucle. Dans la 18e spéciale, il perdra même 7 secondes, son plus gros retard, car il roule sans doute à l'économie...
«A mes yeux, il est de la responsabilité du copilote de vérifier que le nombre de litres demandé a effectivement été versé dans le réservoir, » nous confie Nicolas Gilsoul, le copilote de Thierry Neuville en « Mondial ». On est bien d'accord. Comme un équipier est aussi responsable de ce qui est noté sur son carnet. Si un commissaire note une mauvaise heure ou un mauvais temps, il doit directement lui dire.
L'équipier avertit directement son ingénieur et le chef du team, Bernard Munster, de la situation. Le patron de BMA reçoit très vite un email d'Alain Penasse, l'organisateur de l'épreuve, mais aussi l'homme qui a trouvé le financement pour faire courir Craig Breen à Ypres et le team-manager de Hyundai, l'équipe officielle de WRC qui a annoncé cinq jours avant avoir engagé l'Irlandais pour la Finlande.
Il est 16h18 quand Alain Penasse qui n'est pourtant sur son rallye que « conseiller sportif » envoie un email au responsable de Gutts, un certain Edward, en l'autorisant à déroger à la règle en faisant l'appoint de 5 litres à la fin de la spéciale 18 ou 19, à la sortie de la zone stop. « Car vous m'avez informé que votre responsable n'a mis que 23 litres au lieu des 28 demandés. » Une telle décision aurait-elle été prise pour tout autant concurrent ? Permettez nous d'en douter.
Le rajout de cinq litres prouve qu'il y a bien eu une erreur de calcul à la base car normalement lamarge prise par la majorité des teams est bien supérieure à cinq litres.
L'opération est effectuée à la fin de l'ES18 sous les yeux incrédules de tous les rivaux de Craig Breen. Jamais en championnat du monde ou d'Europe une telle manoeuvre n'aurait pu être possible. Cela aurait la mise hors course ou la panne sèche. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé, dans des circonstances similaires, à Yoann Bonato en Corse. Et le rapport des commissaires sportifs stipulait que « malheureusement, le concurrent est seul responsable du volume de carburant mis dans sa voiture. »
Mais ici on est en Belgique, les petits arrangements entre amis sont possibles...
Ce qui est plus étrange encore c'est la déclaration de Paul Nagle aux commissaires sportifs : « On nous a dit qu'on nous avait mis 28 litres mais on n'a pas eu de reçu. Notre jauge est instable et l'on a pas remarqué de suite qu'on avait mis cinq litres de moins. A la fin de la 18e spéciale, les responsables du carburant ont ouvert notre porte pour mettre de l'essence. On a dit non, mais ils nous ont dit qu'ils avaient commis une erreur et possédaient une autorisation écrite. »
Bernard Munster a déclaré pour sa part qu'il « y avait une réserve de dix litres et que Craig aurait pu terminer la boucle sans ces cinq litres supplémentaires... »
L'équipe THX de Kevin Abbring a logiquement porté plainte après la course, malgré la menace d'Alain Penasse les prévenant qu'en cas de réclamation une plainte serait également introduite contre eux par BMA pour « une faute d'impression de la plaque d'immatriculation de notre Polo, »confie Lionel Hansen, responsable du team THX. « Nous avons préparé tout un dossier, mais les commissaires sportifs avaient déjà pris leur décision sur base d'un rapport avant de nous entendre. On nous a donc rendu nos 1000 euros, on a notifié que notre plainte avait été entendue et on nous a dit que BMA avait reçu une amende de 500 euros pour « assistance sauvage ».
Difficile en effet pour des officiels d'aller contre une décision prise par le GO de l'événement en accord avec le directeur du RACB Sport.
Au final, le sport n'a pas été bafoué. On le répète, le succès de Craig Breen est mérité. Mais plusieurs erreurs humaines ont été commises, le règlement n'a clairement pas été respecté et dans des circonstances disons plus « neutres », à un niveau supérieur, Craig Breen n'aurait pas pu être ravitaillé à la fin de la spéciale 18 et Kevin Abbring aurait sans doute été déclaré vainqueur.