Toyota doit gagner au Mans mais peut encore tout perdre: le jeu des sept différences
- Publié le 16-06-2018 à 07h31
- Mis à jour le 16-06-2018 à 07h40
Les sept raisons pour lesquelles le constructeur japonais doit gagner mais peut aussi encore perdre. Seul constructeur engagé en LMP1 cette année en l’absence d’Audi et de Porsche, Toyota est le grand favori tout désigné de cette 86e édition de la plus grande course au monde. Restés pour vaincre enfin le signe manceau, les Japonais ont tout à gagner mais aussi beaucoup à perdre. Seules face à elles-mêmes et à leur destin, les Toy auront pour principal adversaire cette année Le Mans. Tenir 24 heures sans souci, tel est le principal challenge relevé par la marque nipponne.
Les sept évidents
Seul constructeur LMP1 : après le retrait du monstre Audi en 2016, recordman du nombre des victoires, puis du cousin Porsche lauréat des trois dernières éditions mais aussi victime du dieselgate, Toyota se retrouve cette année seul face au Mans et à son destin. Aucun autre constructeur n’est présent en prototype et, sur le papier, les Japonais se retrouvent donc sans rivaux tant sur le plan du matériel que des moyens financiers déployés en comparaison des cinq autres teams privés présents dans la catégorie.
Avantagés par le règlement Hybrid : l’EOT, Équivalence des technologies, est un leurre. Certes l’ACO et les organisateurs du WEC ont lâché un peu de lest afin que les privés ne soient pas trop largués, mais on a pu constater lors de la première manche à Francorchamps qu’il n’y avait pas match. Toyota est donc non seulement le seul constructeur engagé mais il se bat seul dans une catégorie hybride avantagée à tous niveaux par le règlement. Selon les simulations, sans ennui de part et d’autre, l’écart à l’arrivée devrait être de 9’20, soit deux tours et demi à l’avantage de Toyota.
Plus grande autonomie : même si leur réservoir est plus petit et si elles ont droit donc fatalement à moins d’essence, les Toyota consomment nettement moins grâce à toute leur technologie et leur système de récupération d’énergie. Elles devraient pouvoir boucler un tour de plus par relais, ce qui devrait leur faire économiser trois arrêts sur les 24 heures.
20 ans d’expérience : l’expérience de Toyota au Mans et dans le Championnat du Monde d’endurance est énorme. C’est leur vingtième participation en tant que team officiel, leur sixième avec ce type de prototype LMP1 que l’équipe connaît donc sur le bout des doigts. La préparation cette année a été différente. Confiante dans sa fiabilité, l’équipe a cette fois simulé… des pannes et trouvé le moyen de pouvoir plus souvent ramener l’auto au box.
Moins besoin de pousser : tout le monde se souvient de cette édition 2016 digne d’un Michel Vaillant avec la Toyota de tête s’arrêtant sur la ligne de départ et perdant la victoire à un tour et trois minutes de l’arrivée. Mais à cette époque, ils avaient dû cravacher durant 23 h 57 pour venir à bout des constructeurs allemands aujourd’hui disparus. Le rythme devrait donc logiquement être nettement moins élevé et la pression moins grande, ce qui permettra de prendre moins de risques notamment lors des dépassements.
De loin les plus rapides : que ce soit en qualifications ou en course, on a pu constater lors de la répétition spadoise que les protos TS050 Hybrid étaient nettement plus rapides sur un tour. C’est aussi le cas dans la Sarthe, la pole de la Toyota de Kazuki Nakajima étant 4 secondes plus rapide que la Rebellion 3e (Thomas Laurent s’était rapproché à 2.8 mais tous ses chronos ont été annulés pour ne pas s’être présenté à un contrôle technique durant la 3e session). Et c’est d’ailleurs écrit noir sur blanc dans le règlement. Les privés ne peuvent pas tourner à moins d’une demi-seconde au tour des LMP1 Hybrid (donc des Toyota). Absurde ? On ne peut en tout cas plus parler d’équivalence des technologies.
Le boost Alonso : la présence de Fernando Alonso n’est pas qu’un gros boost médiatique. Le pilote McLaren F1 a aussi apporté au team son expérience, sa fraîcheur et son incroyable envie de gagner. C’est la star de l’épreuve, le chouchou du public et clairement des organisateurs le mettant sur un piédestal. Si la n° 8 s’impose dimanche, ce sera d’abord la victoire historique de l’Espagnol puis de Toyota…
Les sept pas encore pour cette fois
La guigne sarthoise : on ne connaît pas constructeur plus malchanceux que Toyota aux 24 Heures du Mans. Le final dramatique de l’édition 2016 restera dans les annales et symbolise toute la guigne des Japonais. L’an dernier encore ils avaient semble-t-il course gagnée avant de perdre deux voitures et toutes leurs chances en moins de trois heures durant la nuit. Quel moyen peuvent-ils encore trouver pour ne pas gagner cette année ?
Même sans Porsche ils n’auraient pas gagné en 2017 : oui ils se retrouvent seuls face à des LMP1 privées. Mais cela ne signifie pas que la victoire soit assurée. Reprenez le scénario de l’édition 2017. Même si l’on retire Porsche, une Toyota ne se serait pas imposée (alors qu’ils alignaient trois voitures) mais bien la LMP2 du Jackie Chan DC.
Rivalités internes : les consignes intervenues en fin de course à Francorchamps (pour protéger Alonso et surtout éviter un duel pouvant mal tourner et priver les Japonais du doublé) n’ont pas plu aux pilotes de la Toyota n° 7 qui ne s’en sont pas cachés. Les six pilotes Toyota n’ont encore jamais gagné Le Mans. Ils ont donc tous la même motivation et il y a des risques pour que la n° 7 et la n° 8 se tirent la bourre durant 24 heures. La présence d’Alonso n’a pas que du positif. L’Espagnol tire toute la couverture médiatique à lui seul et ses cinq équipiers auront à cœur de démontrer qu’ils sont aussi rapides que le rookie de chez McLaren.
Plus dur dans le trafic : l’an dernier, il n’y avait que six LMP1 au départ. Cette année, elles sont au nombre de dix. Et l’on sait que les Toyota sont limitées par la réglementation et leur système Hybride en vitesse de pointe par rapport aux LMP1 privées. Cela pourrait compliquer quelque peu les dépassements. Les pilotes privés prendront moins de risques en doublant en lignes droites, tandis que les Toyota devront doubler à l’accélération (grâce à leur boost et leurs quatre roues motrices les avantageant sous la pluie) ou en virages. Le système de fuel cut, ou les coupures de l’accélération pour sauver de l’essence en bout de ligne droite, pourrait surprendre encore quelques P2 ou P1 non hybrides. En résumé, les Toyota risqueront plus un accroc que les Rebellion par exemple.
Deux contre huit : favorites certes, les Toyota ne sont que deux (au lieu de trois en 2017) pour viser la victoire face à huit protos LMP1 tournant tout de même plus vite que les P2 qui avaient failli l’emporter l’an dernier. Si elles sont victimes d’un ennui mécanique ou d’un accroc, elles auront plus de mal à remonter très vite dans le classement. Car statistiquement il y aura bien un des huit protos privés qui ne rencontrera pas de souci même si seule Rebellion a réellement l’expérience, les pilotes et la voiture pour profiter d’un faux pas de Toyota. Un vieux commentateur britannique nous a confié : "Il faut trois voitures pour gagner Le Mans. Car une a toujours un problème technique, la deuxième s’accroche et la troisième l’emporte…"
Énorme pression : contrairement à ce que l’on pourrait penser, la pression est encore plus grande pour Toyota maintenant qu’ils n’ont plus de rivaux. Car désormais, une défaite face à des privés serait encore plus humiliante.
Système hybride plus compliqué et moins fiable : à priori, le système hybride est plus compliqué à faire tourner 24 heures sans souci que les moteurs éprouvés des LMP1 privés. Plus simple, la combinaison Oreca-Gibson de chez Rebellion pourrait s’avérer plus fiable.