Six championnats "F3" en Europe, c'est trop !
Trop de championnats, trop peu de pilotes avec des budgets de ce niveau, la FIA n'a pas apporté la solution espérée en multipliant les choix et la confusion. Essayons d'y voir un peu plus clair...
- Publié le 15-02-2019 à 12h27
- Mis à jour le 15-02-2019 à 18h17
Trop de championnats, trop peu de pilotes avec des budgets de ce niveau, la FIA n'a pas apporté la solution espérée en multipliant les choix et la confusion. Essayons d'y voir un peu plus clair...
Réorganiser la pyramide du sport automobile en-dessous de la F1 n'est pas une mission facile. Cela a débuté voici deux ans en rebaptisant la GP2, ex-F3000, Formule 2. Une bonne idée.
Poursuivant dans cette voie et souhaitant avoir sur les mêmes meetings F1, F2 et F3, les responsables de la FIA ont ensuite décidé de fondre pour 2019 la GP3 et la F3 Euro Series en un seul et même championnat appelé FIA F3 Championship, la F3 internationale en quelque sorte qui se produira en lever de rideau de huit GP européens avec des châssis Dallara propulsés par un moteur V6 3,4 litres Mecachrome développant 380 chevaux. Jusque-là c'est clair et censé. Le championnat F3 FIA n'est pas loin d'afficher complet avec dix teams références et trente pilotes attendus parmi les meilleurs jeunes loups de la monoplace.
Là où cela se complique pour la compréhension du grand public mais aussi pour la viabilité des organisateurs et des écuries, c'est à l'échelon juste en dessous avec l'existence de cinq autres compétitions européennes utilisant les châssis ou labels « F3 ».
La Fédération internationale a eu la volonté, louable, de créer un échelon intermédiaire aux niveaux budgets mais aussi performances entre les différents championnats F4 (il en existe sept en Europe avec l'Allemagne, l'Italie, la France, l'Angleterre, l'Espagne, le Danemark et la F4 NEZ SMP) et la F3 Internationale. C'est de là qu'est née la F3 Régionale ou F3-R. Un appel d'offre a été lancé et, étrangement, c'est l'Italien Luca De Donno, déjà organisateur de la WSK, du karting international et de la F4 Italia, qui l'a emporté face à Renault dont l'Eurocup et la formule de promotion monoplaces existent depuis 47 ans et font partie du patrimoine du sport auto.
Vexés de ne pas avoir été choisis, les dirigeants de Renault Sport Series dont la filière est d'autant plus légitimée par plus de 40 ans de quasi omniprésence en F1 (15 pilotes actuels de la grille F1 sont passés par l'Eurocup) ont décidé de continuer à mettre sur pied l'Eurocup avec les nouveaux châssis F3-R Tatuus propulsés par un moteur 1.8 Turbo Renault bridé à 270 chevaux. Sans le label FIA certes, mais avec le plus beau calendrier de tous les championnats F3 (y compris l'international) puisqu'il comprend dix courses sur des circuits F1 dont Monaco et Abu Dhabi.
A dès lors démarré un bras de fer entre les deux séries utilisant les nouvelles F3-R (avec le Halo désormais imposé par la FIA) pour attirer les teams et les pilotes. Mais quand vous envoyez 20 écuries pêcher dans le même vivier de jeunes loups à qui vous demandez tout de même entre 450 et 500.000 euros la saison, il n'y a pas à manger pour tout le monde et certains y laissent des écailles. C'est le cas pour Kaufmann, Fortec ou AVS qui ont jeté le gant en Eurocup. Et Tech1, sans pilote à quelques semaines des premiers essais, n'est pas loin d'en faire de même. Certes, ces teams ont été remplacés par les jeunes teams Bhai Tech, M2 Compétition, Global Racing Service et FA (Pour Fernando Alonso) by Drivex. Mais à l'heure actuelle, seules deux équipes (les champions R-Ace et leurs dauphins MP) affichent complets en Eurocup, la série qui s'en sort le mieux encore avec une petite quinzaine de pilotes engagés pour le moment mêlant redoublants et rookies issus principalement de la F4.
Le bilan est nettement moins flatteur pour la débutante F3-R régionale (cette dernière utilise des moteurs Abarth Turbo à la place des Renault) proposant il est vrai, pour des coûts équivalents, un calendrier nettement moins attractif avec des meetings dans le cadre du GT Open ou de la F4 italienne. Pour le moment, seuls deux teams de pointe, Prema et US Racing (le team de Ralf Schumacher), sont inscrits, le palmarès en monoplace des cinq autres étant très léger. Seuls six pilotes ont confirmé leur présence et le champion d'Italie F4 sortant Enzo Fittipaldi fait figure de grand favori face à ses équipiers Petecof ou Caldwell.
Pour beaucoup de pilotes, parents, managers, la confusion est totale. Et si ses deux championnats « phares » utilisant les nouveaux châssis F3-R FIA ont du mal à se remplir c'est parce que les nouvelles voitures sont arrivées très tard (plus aucun championnat hormis le VDV ne fera rouler les anciennes FR2.0 suite à la disparition de la NEC), mais surtout parce que trois autres championnats leur font encore concurrence. Dans une moindre mesure le British F3 Championship avec des châssis F4 dotés de gros moteurs Cosworth, mais surtout l'Euroformula Open (d'origine espagnole) et l'European Master (les anciennes F3 Euro Series devant rouler en lever de rideau du DTM) proposant des anciennes F3 plus rapides et pour un budget souvent moindre.
Mais là aussi, il est de plus en plus difficile à remplir les plateaux de « vieilles » F3. En Allemagne, seule la miraculée Sophia Flörsch est annoncée avec Van Amersfoort Racing. On murmure aussi en coulisses que le grand espoir néo-zélandais Liam Lawson, récent vainqueur des Toyota Series, pourrait y rouler. Mais quel intérêt pour un réel espoir à aller gagner un championnat F3 anecdotique, sans aucune concurrence ? Et pourquoi la FIA a-t-elle décidé d'encore soutenir cette compétition en accordant 25 points au champion pour la Super Licence ? Honnêtement, on ne comprend pas.
La situation n'est guère meilleure en Euroformula où l'on ne dénombre sur l'instant que quelques inscrits.
Alors, la question est la suivante : A quoi bon avoir cinq championnats F3 avec entre dix et quinze voitures ? Quelle valeur encore accorder à un titre quand les meilleurs espoirs s'évitent ?
On espère franchement pour l'intérêt de la majorité qu'une sélection naturelle va s'opérer, qu'un ou deux championnat ne démarrera pas faute de combattants (ce qui renforcera les autres) et que les meilleurs teams et pilotes se retrouveront dans deux maximum trois compétitions.
En voulant réorganiser la pyramide de la monoplace, la FIA (qui, rappelons-le, n'a pas le pouvoir d'interdire un championnat) a instauré un sacré foutoir au niveau de la F3. Et mis en péril le futur de certaines formations pourtant réputées. Pour l'instant, c'est la jungle en F3. Et seuls les meilleurs survivront...