Jean-Marc Fortin: "Je peux me retirer en paix"
A 50 ans, le Hutois va prendre du recul après la victoire de son team au Dakar et travailler sur un autre grand projet.
- Publié le 20-01-2019 à 12h00
- Mis à jour le 20-01-2019 à 12h01
A 50 ans, le Hutois va prendre du recul après la victoire de son team au Dakar et travailler sur un autre grand projet.
Jean-Marc, vous aviez violemment critiqué l'évolution du Dakar avant le départ. Vous êtes néanmoins heureux d'avoir remporté ce raid que vous n'aimiez plus ?
« J'ai effectivement critiqué l'épreuve de manière violente et volontaire car je voulais que cela ait l'effet d'un électro-choc. Il ne faut toutefois pas que mes propos soient mal interprétés. Le Dakar, c'est mon fond de commerce. Mon but n'est donc pas de détruire l'épreuve mais de la faire changer. Les choses ont décliné au fil des années. Ce n'est plus la même course qu'avant. Cela ne me plait pas et je l'ai dit. Honnêtement, je suis venu ici avec les pieds de plomb. Certains Français ne comprennent pas toujours l'humour belge. Il faut changer la formule. 2500 km dont 1500 seulement de pistes différentes, dix jours et quatre bivouacs, ce n'est plus le Dakar. Il n'y avait que des dunes, aucune spéciale de pilotage. Je comprends que certains pilotes soient frustrés. Mais bon, j'ai compris que les G.O. n'avaient pas le choix cette année. Seul le Pérou était prêt à les accueillir. Mais ASO doit aussi se poser les bonnes questions. Le raid est une superbe discipline qui demande une plus grande promotion. En dehors du Dakar, la Coupe du Monde se dispute dans l'anonymat le plus complet. Nous sommes sous les feux des projecteurs durant dix jours et aux oubliettes tout le reste de l'année. La FIA doit réagir. »
Le parcours très sablonneux de cette année semblait taillé pour votre pilote Nasser Al Attiyah...
« C'est vrai qu'il a pas mal d'expérience des dunes. Mais il était très rapide aussi au Maroc où il a attaqué plus qu'ici. En fait, il n'a jamais sorti la grosse attaque sur le Dakar. Après 3 ou 4 étapes il s'est retrouvé naturellement en tête avec déjà une bonne avance. Dès lors, c'est devenu une épreuve de gestion. »
Très vite, vous vous êtes retrouvé aussi avec une seule de vos trois Toyota encore en lice pour la victoire. Cela vous a-t-il stressé durant le reste de l'épreuve ?
« Non, pour deux raisons. D'abord car dans ma tête, je savais dès le départ que je n'avais qu'un pilote ayant les réelles capacités de s'imposer. En raid, il y a les pilotes de première division avec Peterhansel, Sainz, Loeb et Nasser. Les autres comme Roma, De Villiers, Ten Brinke, Dèpres évoluent en division 2. Ensuite, nous avons bien travaillé sur la fiabilité de nos 4x4 et j'étais confiant que nous ne tomberions pas en panne. »
La voiture victorieuse de Nasser a été construite dans vos ateliers de Villers-le-Bouillet ?
« Non. Comme vous le savez, notre team est la combinaison de deux entités privées. Il y a d'un côté Toyota Afrique du Sud et de l'autre Overdrive. Les voitures ont été construites en Afrique du Sud. Elles ont disputé le Rallye du Maroc avec notre équipe, nos ingénieurs et puis sont revenues dans nos ateliers en novembre pour être remises en état et préparées pour le Dakar où nous nous occupons de l'assistance. »
En sept mois, Toyota a remporté les 24H du Mans, le titre constructeurs en WRC et le Dakar, c'est incroyable, non ?
« Oui c'est assez exceptionnel. Toyota n'a jamais eu la culture de la gagne. Leur programme en F1 n'a pas été un succès. Et là tout vient d'un coup. S'imposer ainsi dans trois disciplines différentes dans un aussi court laps de temps est très rare pour un constructeur. On est très fiers d'avoir apporté notre pierre à l'édifice en tant que sous-traitant. Les messages de félicitations du président de Toyota Motorsport nous a fait chaud au coeur. Nous avons le soutien financier de l'usine, mais nous restons un team privé. »
Vous aviez annoncé avant le départ ce que ce serait votre dernier Dakar en tant que team-manager ?
« Exact. Et je ne suis pas revenu sur ma décision. J'ai cinquante ans. J'ai fait du sport auto, d'abord en tant qu'équipier puis comme team-manager depuis plus de trente ans. C'est bon. Je pense avoir fait le tour de la question. Quand on a créé Overdrive en 2007 avec Grégoire de Mevius, jamais on n'aurait imaginé connaître un tel succès et remporter le Dakar douze ans plus tard. Je suis très heureux de notre parcours. Je peux maintenant me retirer en paix, je pars au sommet. »
Vous revendez Overdrive ?
« Non, pas du tout. Depuis quelques années déjà, j'ai revendu 51% des parts de la société à un groupe d'investisseurs autrichiens appartenant au groupe KTM. Je vais garder mes 49% mais je vais prendre du recul. Je ne vais plus m'occuper de la gestion sportive. Mais je serai toujours là en coulisses pour donner un conseil ou l'autre. »
Qu'allez vous faire désormais ?
« D'abord me reposer. Je suis fatigué de cette vie, les longs courriers. Le lendemain du Dakar, on testait déjà deux pilotes pour la saison 2019. Et dans quatre semaines on a déjà la première épreuve de la Coupe du Monde des rallyes raids au Quatar. J'en avais marre de courir d'un bout à l'autre de la planète. J'ai envie d'un peu me poser, de voyager moins. Je travaille déjà sur un nouveau projet confidentiel qui n'a plus rien à voir avec le sport auto. Je vous tiendrai au courant. »
Vous avez tout de même été saoul après la victoire de Nasser, la première d'Overdrive sur le Dakar ?
« Même pas. Vous savez, j'ai fait beaucoup de fêtes durant ma carrière et j'ai eu quelques fois bien mal au crâne. Mais avec l'âge, on change. On recherche un peu plus de confort. On a fait un bon repas avec les membres du team, débouché quelques bonnes bouteilles de vin et à 2h30 j'étais dans mon lit. »
Heureux du devoir accompli...