Frédéric Vasseur, patron de Sauber se confie: "Je connais beaucoup de pilotes qui n'ont pas confirmé en F1 après avoir touché leur premier chèque"
Interviewer Frédéric Vasseur, ancien patron de l'écurie ART devenu le boss de Sauber en F1 est un véritable régal.
- Publié le 22-07-2018 à 12h59
- Mis à jour le 22-07-2018 à 13h01
Interviewer Frédéric Vasseur, ancien patron de l'écurie ART devenu le boss de Sauber en F1 est un véritable régal.
Le Français ne manie pas la langue de bois. Découvrez ici ce qu'il nous dit sur sa pépite Charles Leclerc, sur les risques d'aller trop vite chez Ferrari et sur la difficulté pour certains pilotes de confirmer leur talent dans un sport avant tout très mental. Et lisez dans la DH de ce lundi ses impressions sur la passe difficile que traverse son ancien champion, Stoffel Vandoorne.
Fred Vasseur, votre opinion sur votre pilote monégasque, le prometteur débutant Charles Leclerc ?
"C'est un des piliers de la perfo de Sauber. Il y a le côté sur la piste avec les résultats que vous voyez, mais aussi son comportement en interne. Pour faire fonctionner une équipe, il faut un leader. Et Charles remplit parfaitement ce rôle. Dans une équipe comme la nôtre qui se cherchait un peu, en reconstruction, on avait besoin d'une référence. Il est jeune mais a beaucoup de maturité. J'ai eu Vettel à 18 ans dans mon team et il avait aussi déjà ce côté-là. Ce n'est pas l'âge qui fait cela. On peut être charismatique à 17 ans. Ou ne jamais l'être..."
Vous seriez triste de le perdre ?
"Si c'est pour un bon futur pour lui, non. De toute manière, on le perdra. La question, c'est quand ! Pour Sauber, ce serait dommage. Mais on sait que ce serait pour un bel avenir alors on sera ravi aussi."
Vous le sentez déjà prêt, après une demie saison en F1, à rouler pour une grande écurie comme Ferrari ?
"C'est difficile à savoir. Sur le plan de la qualité de pilote, oui. Mais la question n'est pas là. C'est plutôt de savoir comment cela va se passer. Comment il peut gérer la pression d'une écurie de pointe. Car ici, c'est encore familial. On est très proches. Je le connais depuis qu'il a 12 ans quand il roulait en karting chez Birel ART. Il a été champion GP3 avec moi. On a des liens différents. Cela me permet de le suivre de près. De voir de suite quand cela ne va pas. Dans n'importe quel environnement il est à l'aise. Il connaît mes fils et discute avec eux de trucs de gamins de 18 ans ou 19 ans. Puis vous le mettez avec un sponsor qui est le patron d'une banque, il est à l'aise. Idem avec des journalistes ou ingénieurs. Passer de Sauber à Ferrari constitue une grosse étape. On ne peut pas présager de ce qu'il va se passer. Savoir comment ils vont réagir au contact de l'argent. Sur les vingt dernières années, il y a eu plein de pilotes qui ont fait de très belles premières saisons en F1. Je ne donnerai pas de noms car ce serait vexatoire. Mais dès qu'ils ont touché leur premier chèque, ils ont eu du mal. Parce qu'ils perdent leurs racines, parce qu'ils découvrent d'autres trucs dans la vie, parce qu'ils perdent un peu le fil de ce qu'ils font. Et cela on ne peut pas l'anticiper. C'est pour cela que Ferrari pour Charles c'est un grand saut. C'est pour cela aussi que la Scuderia a toujours hésité à prendre des très jeunes. Car ils savent très bien la pression qu'il y a dans leur système. Maintenant je ne suis pas trop inquiet pour Charles. Il percute très vite. "
La F1 est un sport avant tout cérébral ?
"Absolument. Bien sûr, vous êtes dépendant de votre matériel. Mais après, pour reprendre la comparaison avec le tennis, c'est comme si vous preniez les 20 meilleurs joueurs mondiaux et que vous faisiez des tournois tous les dimanches sur des terrains différents. Si vous prenez le 8e contre le 12e, vous pouvez faire cinq matches et le résultat sera complètement aléatoire. A part peut-être Nadal et Federer, derrière c'est un jour l'un et un jour l'autre. Chez nous c'est pareil. Si vous prenez deux pilotes proches comme Perez-Ocon, c'est 7-3 ou 7-4. Les écarts sont serrés. A part si l'équipe est déséquilibrée ou si un pilote lâche un peu. On est toujours sur le fil et si un des paramètres pilote ou équipe flanche eh bien cela crée vite un déséquilibre. C'est vraiment dans la tête que cela se joue. Et cela partout. Regardez les confrontations Hamilton-Rosberg. C'était un combat très mental. Au bout du compte, quand vous devez savoir si vous passez à 225 ou 227 km/h le virage au bout de la ligne droite, c'est la tête qui fait la différence. Vous devez être 100% en confiance. Aujourd'hui, Charles Leclerc performe car il a 100% confiance en lui et en nous, en sa monoplace."
Selon les dernières rumeurs du paddock, le prodigieux Charles Leclerc aurait signé un contrat pour 2019 avec Ferrari. Mais suite au problème de santé de Sergio Marchionne, le président de Fiat vient de changer et le nouveau promu, issu de Philip Morris et proche de Maurizio Arrivabene, pourrait vouloir garder Kimi Raikkonen une saison de plus pour assurer que la deuxième partie de saison 2018 se déroule dans la sérénité et que la Scuderia décroche au moins un des deux titres mondiaux.