12 mai 1974 : un dernier coup de revolver pour le GP de F1 à Nivelles
Le 12 mai 1974, il y a 45 ans, Emerson Fittipaldi remporte le Grand Prix de Belgique de F1, le dernier organisé à Nivelles. La cité aclote célèbre cet anniversaire, ce dimanche, en accueillant de vieux bolides sur son circuit devenu zoning…
- Publié le 12-05-2019 à 08h13
- Mis à jour le 12-05-2019 à 09h40
Le 12 mai 1974, il y a 45 ans, Emerson Fittipaldi remporte le Grand Prix de Belgique de F1, le dernier organisé à Nivelles. La cité aclote célèbre cet anniversaire, ce dimanche, en accueillant de vieux bolides sur son circuit devenu zoning…
Ce 1er septembre, Spa-Francorchamps accueillera la 64e édition de la manche belge du championnat de F1. Depuis la création du Mondial, en 1950, le circuit ardennais a accueilli 52 GP de Belgique, pour 10 à Zolder (1973 puis de 1975 à 1982 et 1984) et 2 à... Nivelles. Le circuit brabançon a accueilli la Formule 1, en 1972 et 1974, avec un même vainqueur, Emerson Fittipaldi.
Les Nivellois de plus de cinquante ans se souviennent encore du vrombissement des moteurs qui, au gré des vents soufflant sur la cité aclote, berçaient la campagne du Brabant wallon, parfois jusqu’à la frontière linguistique.
Construit en 1971, le Circuit de Nivelles-Baulers accueillit donc deux Grands Prix de Formule 1, le 4 juin 1972 et le 12 mai 1974, pour le plus grand bonheur du Brésilien Fittipaldi, double vainqueur et futur champion du monde les deux années.
Pourtant, en 1974, on s'attend à une razzia rouge : la Scuderia Ferrari a réalisé le doublé à Jarama, lors du GP d'Espagne, et le duo Niki Lauda - Clay Regazzoni veut à nouveau dicter sa loi. Et c'est le second nommé qui survole les essais nivellois, même si c'est dans doute le Sud-Africain Scheckter, sur Tyrrell, qui aurait réalisé le meilleur chrono, mais non-enregistré par les officiels. Derrière eux, Lauda et Fittipaldi (McLaren) se partagent la deuxième ligne.
Au feu vert, Clay Regazzoni prend le meilleur envol, et laisse longtemps ses poursuivants (Lauda, Scheckter et Fittipaldi) se disputer son sillage. Jusqu'au 39e tour : alors qu'il doit doubler Larrousse ( vainqueur des 24 heures du Mans fait enfin ses débuts en F1), le Français tasse le Suisse qui doit se déporter dans l'herbe. Fittipaldi et Lauda en profitent. Le Brésilien laisse longtemps l'Autrichien à 2 secondes, et semble parti pour un deuxième succès nivellois facile. Mais Lauda se rapproche dans les derniers tours de la course, et est même dans l'aspiration de Fittipaldi à la sortie de l'épingle, avant la dernière ligne droite de l'arrivée dans laquelle il tente de doubler le Brésilien dans un formidable dernier rush, mais Emerson Fittipaldi résiste, et remporte sa deuxième victoire de la saison sous le drapeau à damiers, et prend du même coup les commandes du championnat du monde, deux points devant son rival autrichien.
Jacky Ickx, 16e sur la grille au volant de sa Lotus Ford Cosworth, n'a pas pu terminer son Grand Prix : il a abandonné au 72e des 85 tour. Mais un Belge figure néanmoins au classement final.
À Nivelles, ce 12 mai 1974, Brabham a engagé une troisième voiture officielle, une BT42 dont l'écurie anglaise offre le volant au pilote local Teddy Pilette, petit-fils de Théodore, 5e des 500 Miles d’Indianapolis en 1913, et fils d'André, neuf Grands Prix de F1 entre 1951 et 1964. Teddy prit le départ en 27e position (sur 31, juste devant Gérard Larrousse,) et alla jusqu’au bout, terminant 17e à 4 tours de Fittipaldi.
Le podium de 1974 avait fier allure, avec le Brésilien, devant Niki Lauda et Jody Scheckter, au terme des derniers 316 km (85 tours x 3,724 km) des Formule 1 à Nivelles.
Car la capitale du Roman Païs et son anneau avec sa forme revolver rendirent les armes dans la foulée de cette édition 1974, Bernie Ecclestone et sa Foca (Formula One Constructors Association) lui préférant Zolder, avec qui Nivelles avait joué l'alternance. Son circuit résonna encore des crissements de pneus jusqu’en 1980, accueillant notamment le Mondial de karting. Puis, le circuit fut exclusivement réservé aux motos, avant de définitivement fermer ses portes le 30 juin 1981, à l’expiration de sa licence.
Une carrière à grande vitesse, comme les 188 km/h de moyenne de Denny Hulme, recordman du tour (1.11.310) sur sa McLaren-Ford, en 1974...
Nivelles dut sa naissance et sa... mort à Francorchamps
Depuis sa première édition, en 1925, le Grand Prix de Belgique de monoplaces avait élu domicile sur le circuit spadois. Mais, à la fin des années soixante, la perle des Ardennes ne brillait plus aux yeux des pilotes. Son tracé initial, un triangle long de 14,120 km, avec notamment l’effroyable S de Masta, donnait des sueurs froides aux plus intrépides des conducteurs. En 1969, à cause des problèmes de sécurité, le GP de Belgique fut même annulé. Il revint en 1970, au prix d’une chicane, censée ralentir un peu les Formule 1. Mais l’édition de 1971 passa aussi à la trappe.
Dans l’ombre de Spa
Les problèmes spadois donnèrent des idées à certains politiciens nivellois, qui désiraient trouver un événement capable de dynamiser leur trop calme cité. Le bourgmestre aclot de l’époque, Jules Bary, rêvait d’accueillir le grand cirque de la F1 sur ses terres. Au nord de sa ville, à Baulers, un terrain accueille un tout nouveau circuit. En janvier 1969, une société, la Capenil (Circuit automobile permanent européen Nivelles), est créée, avec Yvan Dauriac à sa tête. Elle obtient un droit d’emphytéose de 63 ans sur les terres, et demande à l’entreprise de Robert Benoît, un membre du RACB qui gérait un karting bruxellois, d’y construire un circuit. Le tracé, qui suit les contours d’un revolver, sera inauguré en 1971. Et quelques mois plus tard, les pilotes de F1 débarquent à Nivelles, pour y disputer le premier GP de Belgique de l’histoire qui ne se déroula pas à Spa.
Les stars sont heureuses : elles ont milité pour abandonner le trop dangereux Francorchamps. À leur tête, Jackie Steward. En 1966, l’influent Écossais avait échappé à la mort dans la longue descente de Burnenville. Ironie du sort : le triple champion du monde ne disputera jamais un GP à Nivelles : victime d’un ulcère à l’estomac, il manqua le rendez-vous de 1972, et partit à la retraite en 1973...
Spa-Francorchamps hors-jeu, Nivelles partagea avec Zolder l’honneur d’accueillir la Formule 1. En 1973, c’est... Jackie Stewart qui triomphe dans le Limbourg. La cité aclote retrouve les bolides en 1974, mais son circuit est en proie à de sérieux problèmes financiers. L’intercommunale qui devait être créée pour la gestion du revolver ne vit jamais le jour, et la Capenib tombe en faillite. Pour les promoteurs de l’époque, les responsables sont... liégeois. L’influence politique d’André Cools, qui ne veut pas d’un concurrent wallon à Francorchamps, percole jusque dans le Brabant wallon. Cette désolidarité francophone, mais aussi la réticence des riverains, pas toujours heureux des nuisances sonores, condamna Nivelles à mort. La F1 déménagea à Zolder, jusqu’en 1982. Pendant ce temps, Francorchamps abandonna son ancien tracé en 1978, et accueillit à nouveau les bolides en 1983.
Nivelles se consola avec des courses de moindre envergure, mais aussi des compétitions motocyclistes et du karting, avec notamment le Mondial de kart 1980, qui permit au Néerlandais Peter de Bruijn de priver... Ayrton Senna de ses premiers lauriers mondiaux. Le revolver s’enraya définitivement en juin 1981...
Longtemps laissé à l’abandon, le circuit fit le bonheur de courses interdites, disputées par des Fangio de la région. Vers la fin des années nonante, les 85 ha nivellois se muèrent en parc d’affaires, les Portes de l’Europe-Nivelles Business Park, site géré par l’IBW (Intercommunale du Brabant wallon), qui, lentement, remplit son espace, tracé sur une partie du circuit. Étrangement, les rues de ce zoning ne font pas référence aux pilotes qui ont pourtant œuvré à la renommée mondiale de Nivelles, leur préférant des politiciens, pères de l’Europe. Dommage, Emmerson Fittipaldi, Niki Lauda, Jacky Ickx ou Ayrton Senna, ça tenait la route, non ?
Des F1 à Nivelles, 45 ans plus tard
Le site du circuit de Nivelles Baulers a été reconverti : il est devenu le zoning de Nivelles Nord, mais certaines portions de la piste sont toujours là, notamment la longue ligne droite. Et ce dimanche, 45 ans tout juste après le dernier Grand Prix, les bolides vont à nouveau y rugir à l’initiative de l’ASBL Les Amis du circuit de Nivelles (http://lesamisducircuitdenivelles.be), qui organise un “grand prix historique”, avec , au programme, des voitures de course et de tourisme de l’époque, mais aussi des motos, des side-cars…
“Lorsque j'étais jeune, j'ai pu approcher de près les pilotes, discuter avec les mécaniciens", se souvient le président de l’association, Roger Troiani, nostalgique des effluves d’huile de ricin… "Alors, pour la jeune génération qui ne connaîtra jamais cette ambiance, il est bon, de temps en temps, de faire rouler les vieilles mécaniques qui ont fait les beaux jours des circuits.”
Un GP Revival a déjà été organisé en 2014, pour les 40 ans. On avait pu y admirer l’unique Trojan-Ford T103, une F1 propulsée par un bruyant Cosworth 3 litres au volant de laquelle l’Australien Tim Schenken s’était classé dixième à Nivelles en 1974.