Wilmots à coeur ouvert: "Les Iraniens retombent amoureux de leur équipe nationale"
Marc Wilmots est content de ses débuts en Iran, juste avant sa première à domicile ce jeudi. Avec des invités inédits : des femmes.
- Publié le 09-10-2019 à 08h14
- Mis à jour le 09-10-2019 à 10h15
Marc Wilmots est content de ses débuts en Iran, juste avant sa première à domicile ce jeudi. Avec des invités inédits : des femmes. C’est juste avant son départ pour Téhéran qu’on a pu joindre Marc Wilmots. "Je boucle mes valises et je file. Je vais rester une vingtaine de jours sur place."
Au programme : la réception du Cambodge et un déplacement au Bahreïn dans ces qualifications pour le Mondial 2022 qui s’étalent sur trois ans. Jeudi, pendant que les Diables tenteront d’assurer leur qualification pour l’Euro 2020 contre Saint-Marin, l’Iran de Wilmots sera déjà tourné vers le Qatar 2022.
Votre nouvelle vie entre l’Europe et l’Iran se passe-t-elle bien ?
"Oui, très bien. Il n’y a pas de grandes différences avec ma période chez les Diables. Je vis chez moi et je pars pour les périodes internationales. Et il y a pas mal de voyages à l’étranger entre les deux pour suivre mes joueurs. La moitié joue en Europe. En Iran, on les appelle les légionnaires. J’essaie de les suivre au plus près."
Et pour suivre l’autre moitié qui joue en Iran ?
"Je peux le faire facilement de chez moi grâce à la technologie. Avec des programmes comme Wyscout ou d’autres, je ne rate rien. Il y a dix jours, je me suis rendu en Iran pour trois jours et j’ai pu voir le match au sommet entre Esteghlal et Persépolis. Il y avait 70 000 personnes dans le stade."
Quel est le niveau du championnat iranien ?
"Ce n’est pas simple de comparer avec ce qu’on connaît en Europe mais le niveau est bon. L’Iran a le meilleur championnat d’Asie avec le Japon et la Corée du Sud. En tout cas, Persépolis n’est pas moins fort que Courtrai, par exemple. Je comprends que pas mal de clubs européens s’intéressent aux Iraniens. Ce sont des joueurs complets, physiquement, techniquement et tactiquement."
Le niveau de votre équipe nationale vous plaît donc ?
"Oui, je dois dire que j’ai été agréablement surpris. Pour notre premier gros match, on jouait un amical en Corée du Sud. Sauf que j’ai appris que le mot amical n’existait pas en Asie pour ce genre de match. Le patriotisme est grand et la rivalité aussi. On a joué devant 60 000 personnes et c’était chaud. Comme un Schalke-Dortmund. Malgré ça, on a fait match nul (1-1)."
Comment apprend-on à connaître des joueurs majoritairement inconnus en Europe ?
"Au début, je me suis basé sur le travail de Carlos Queiroz, mon prédécesseur. Puis j’ai visionné 70 joueurs en six semaines. J’ai notamment organisé un match entre une équipe A’ et les U23. J’ai une philosophie claire, basée sur la possession du ballon et l’attaque. Comme avec les Diables. Pour notre premier match de qualification à Hong Kong (0-2), on a eu le ballon 78 % du temps. Depuis mon arrivée, on tourne à 15 tirs par match en moyenne. Les Iraniens aiment ce football offensif, qui n’était pas vraiment présent auparavant. Les gens retombent amoureux de leur équipe nationale. Je reçois un accueil formidable ici. À la fédération, on m’a dit qu’on attendait entre 60 000 et 70 000 spectateurs pour notre match contre le Cambodge. Et pour la première fois, les femmes pourront venir dans le stade pour l’équipe nationale. Je me réjouis de voir ça."
C’est facile de scouter des adversaires aussi exotiques que le Cambodge ?
"Oui, grâce aux technologies modernes encore une fois. Avec mon adjoint Manu Ferrera, on regarde les cinq derniers matchs de chaque adversaire. C’était juste plus difficile de trouver des images pour Hong Kong. On a dû se débrouiller et surtout miser sur nos propres qualités."
La star de l’Iran, c’est Azmoun, l’attaquant du Zenit ?
"Oui, c’est l’étoile. Avant, en équipe nationale, il devait se débrouiller seul face à trois défenseurs. Avec la philosophie qu’on met en place, il a plus de soutien offensivement. Je l’ai même replacé en numéro 10. Comme au Zenit où il tourne autour de Dzyuba."
L’Iran est la première nation asiatique (23e à la Fifa). Est-ce possible de faire mieux ?
"Le but, c’est d’aller à la Coupe du monde où l’Iran n’a jamais passé le premier tour. C’est ça le plus important. Tu prends moins de points au classement Fifa en Asie mais ce n’est pas grave. Ce que je vois, c’est qu’il n’y a que cinq places pour aller au Mondial. Ce sera une grosse et longue bagarre avec pas mal de pays assez forts."
L’Iran est marqué par un blocus américain imposé par Donald Trump. La vie au quotidien est-elle impactée ?
"Moi, je ne vais pas me plaindre. Je vis dans une bulle sportive entre l’aéroport, l’hôtel et le centre d’entraînement qui est exceptionnel. La population souffre de ce blocus qui provoque une inflation. La monnaie est dévaluée. Mais c’est un peuple de battants. Vous pouvez donc imaginer que j’aime cette mentalité et que je m’y retrouve. L’Iran reste un pays solide économiquement."
Personnellement, la vie là-bas vous plaît ?
"Je ne suis pas difficile. Je m’adapte partout où je vais et je suis les coutumes locales. En Iran, il n’y a pas d’alcool, pas d’arme et pas de violence. De manière plus anecdotique, j’ai aussi remarqué que les autoroutes étaient très fleuries autour de Téhéran."
Les Iraniens vous parlent-ils souvent des Diables ?
"Ils connaissent bien notre équipe nationale. Ils parlent d’Eden, de Kevin… Mais le football belge s’arrête là pour eux. Le Standard ou Anderlecht, ils ne savent pas ce que c’est. C’est comme nous qui ne connaissons pas leur football. Ce sont deux continents à part ; on le sent bien."
Les Iraniens vous parlent quand même de la famille Bayat, non ?
"Non, on ne m’a jamais parlé d’eux ici."
Et vous, vous suivez encore ce qu’il se passe en Belgique ?
"Je dois dire que je ne suis plus beaucoup, non. Je sais que Bernd Hollerbach, qui fut mon adversaire comme joueur en Bundesliga, fait du bon travail à Mouscron. Je suis content pour lui."
Les Diables sont proches de la qualification à l’Euro. Vont-ils battre votre record de points (26 sur 30 aux éliminatoires du Mondial 2014) ?
"Les statistiques, c’est juste pour les journalistes. Ce qui compte, c’est de se qualifier. Les groupes qualificatifs ne sont quand même plus ce qu’ils étaient. On avait fait 26 sur 30 avec la Croatie et la Serbie dans notre groupe. Je suis en tout cas content de voir que les Diables se portent bien."
Une dernière chose : Anthony Vanden Borre a rechaussé les crampons. Le croyez-vous encore capable de revenir, comme il l’avait fait à votre époque ?
"Oui, il était très bien revenu avec moi. Mais je ne sais pas où il en est physiquement et je suis donc incapable de dire s’il peut revenir. Le plus important, c’est de ne pas avoir de regret dans sa carrière. Je me souviens qu’Anthony avait été super bien accueilli par le groupe en équipe nationale. Il avait fait une bonne Coupe du monde mais monter sur le ballon et se faire mal en se faisant tailler par l’adversaire, c’était une connerie de sa part. Je le lui avais dit."