Violences dans le foot amateur: Que préconisent la fédération et les supporters ?
Après les incidents aux Francs Borains, le président de la Raal, Salvatore Curaba, tire la sonnette d’alarme et cherche des solutions pour endiguer la violence dans le foot amateur.
- Publié le 16-01-2018 à 10h45
- Mis à jour le 16-01-2018 à 14h31
Après les incidents aux Francs Borains, le président de la Raal, Salvatore Curaba, tire la sonnette d’alarme et cherche des solutions pour endiguer la violence dans le foot amateur. Tout ça pour une histoire de bâche… Salvatore Curaba le dit lui-même, il est surpris de ce qui s’est passé samedi soir, lors du duel au sommet de la D3 amateurs opposant les Francs Borains à la Raal, le club qu’il préside. "Un de nos supporters a volé la bâche dans la tribune des Francs Borains", explique-t-il. "Deux joueurs de l’équipe adverse ont frappé le supporter et ça a dégénéré..."
L’homme d’affaires et ancien joueur de Charleroi est d’autant plus déçu qu’il avait discuté avec le leader de ses groupes de supporters. "La veille", précise-t-il, sachant que ce match serait tendu dans les tribunes. "Il m’avait promis que tout irait bien après ce qui s’était passé le week-end précédent en déplacement à Solre (NdlR: le délégué des Francs Borains avait donné un coup de poing à un supporter après des provocations) ."
La relation entre Curaba et les supporters les plus virulents est houleuse depuis un moment. Il y a un mois, le président a été les engueuler en tribune "et ils m’avaient dit que je n’avais rien à faire là et qu’ils étaient libres dans leur tribune".
C’en est aujourd’hui trop pour le patron de la Raal qui veut trouver une solution pour que le foot amateur soit une fête sans violence.
1) APPLIQUER LA LOI FOOT POUR CERTAINS CLUBS À RISQUES . La solution idéale, selon Salvatore Curaba, est d’appliquer la loi foot en D3 amateurs. "Un projet de loi existait pour élargir la loi foot à une division inférieure mais il n’est pas passé. Dommage."
Avec la loi football, les clubs pourraient identifier les fauteurs de troubles (comme c’est le cas lors de tous les matchs pros) en les filmant. "Je peux comprendre que mettre des caméras à chaque match ne se justifie pas. Mais certains clubs avec plus de public et plus de risques pourraient bénéficier de ce système à domicile comme en déplacement. Sachant qu’ils sont filmés, les supporters les plus véhéments seront peut-être plus calmes."
2) RENFORCER LES LIENS AVEC L’UNION BELGE. L’ACFF (voir par ailleurs) considère que les forces de police étaient suffisantes et que le club est responsable de ses supporters à domicile comme à l’extérieur. "Je trouve que le club n’a pas assez de pouvoir et que c’est trop facile pour l’Union belge. Les instances se comportent comme des juges. On se croirait au 19e siècle."
Le président Louviérois a déjà été très clair : s’il ne peut pas faire ce qu’il veut chez lui, il n’acceptera aucune punition. "Je ne compte pas me laisser faire. La fédé permet aux clubs des divisions supérieures de jouir de plus de moyens et ils ont pourtant des difficultés. Alors avec ce qu’on a, nous… Certains supporters de clubs plus surveillés viennent dans des divisions plus faibles car il est plus facile de passer entre les mailles du filet en cas de problème. Nous devons bosser main dans la main avec l’ACFF pour que tout fonctionne mieux."
3) FAIRE LA LOI CHEZ SOI. Salvatore Curaba se veut très ferme avec les ultras qui en sont venus aux poings. "Pour moi, ces gens n’ont pas leur place dans un stade. Ils devraient être interdits mais je ne peux pas le faire moi-même. Je sais qu’il y aura toujours des éléments perturbateurs mais je ne peux pas l’accepter."
Il compte donc agir. "Je pense même à fermer la tribune des deux groupes de supporters les plus turbulents. Et s’ils tentent de rentrer dans une autre tribune, je compte les en empêcher. Si je ne peux pas ? Alors je ne peux pas être tenu responsable de leurs actes. J’ai des rendez-vous avec les autorités et j’espère pouvoir collaborer avec eux pour faire passer un message aux supporters."
Idéalement, il aimerait voir tous les supporters de la Raal rester. "Je veux discuter avec ceux qui ont causé les incidents et leur faire signer une charte. Après, je ne suis même pas certain qu’ils vont la respecter."
L'avis de la fédération: "Un week-end noir"
Dominique Moreau, responsable des compétitions de l’ACFF, espère lui aussi ne plus revivre de tels événements
"Les incidents survenus après la rencontre entre les Francs Borains et La Louvière ne resteront pas sans conséquences", a précisé Dominique Moreau, le manager des compétitions à l’ACFF. "Avec, en plus, les problèmes survenus à l’issue du match Wavre-Léopold, c’est vraiment un week-end noir pour nous. Dire que les statistiques concernant nos actions de fair-play entreprises auprès des parents dans les catégories d’âge, entamées la saison dernière, étaient plutôt encourageantes. Et que le nombre de cartons rouges et d’incidents avait tendance à diminuer. Or, voilà que ces débordements inadmissibles viennent ternir tout le travail et les progrès accomplis. En plus, le retentissement médiatique a été d’autant plus important que la D1 était encore au repos ce week-end et que les médias avaient dès lors davantage de place à consacrer à d’autres sujets."
Le Comité sportif se prononcera fin de ce mois
Pour ce qui est de la rencontre Francs Borains-La Louvière, un dossier a d’ores et déjà été transmis au Comité sportif qui l’a fait suivre auprès du parquet. "C’est toutefois au Comité sportif qu’il appartiendra de se prononcer à la fin de ce mois", confirme Serge Rochart, le secrétaire administratif de cette instance. "Mais j’imagine que des sanctions exemplaires seront prises, même si ces énergumènes sont avant tout une bande d’imbéciles et pas un groupe de supporters attachés à leur club."
L’ACFF n’envisage pas de prendre d’autres mesures
L’ACFF avait pourtant pris des mesures préventives avant cette rencontre, comme le confirme Dominique Moreau : "Nous savions que ce serait tendu entre les deux clubs et un trio d’arbitres chevronnés avait été désigné exprès pour la diriger. Mais cela n’a pas suffi pour garantir la sérénité des débats jusqu’au bout de ce qui aurait dû être une soirée de gala. J’espère que nous n’aurons plus à revivre de tels événements, mais il est encore un peu tôt pour conclure qu’il s’agit d’un phénomène en train de prendre de l’ampleur et qui nécessiterait dès lors de prendre des dispositions supplémentaires. J’ose espérer que tout ce qui a été mis en place préventivement jusqu’ici continuera de porter ses fruits."
Serge Rochart confirme : "Prendre de nouvelles mesures n’est pas à l’ordre du jour."
L'avis des supporters: "On ne peut pas tout contrôler"
Du côté des supporters du RFC Liège, on met le doigt sur certaines carences et sur l’inefficacité de la loi football.
Les fans du matricule 4 ont récemment été sur la sellette après les incidents survenus au RWDM, en décembre dernier. Des fumigènes jetés sur le terrain avaient conduit à l’arrêt temporaire de la rencontre et l’image renvoyée dans les médias fut catastrophique. Nous avons contacté l’un des animateurs de la tribune à Liège. "Nous condamnons fermement les jets de pétards et de fumigènes sur le terrain. Mais il est impossible pour un organisateur de car de tout contrôler. Comment voulez-vous que l’on empêche un gars qui a un peu trop bu de jeter un verre de bière sur le terrain ? Nous allons cependant recadrer les choses en interne pour éviter que cela se reproduise", indique ce fan, qui pointe du doigt le système combi-car. "Nous sommes souvent obligés d’effectuer les déplacements de la sorte, mais ce système ne fonctionne pas. C’est du cirque ! On demande nos cartes d’identité à l’achat des places, mais on ne contrôle rien au stade… Et la prise en charge par les clubs qui nous reçoivent est rarement optimale."
Au RWDM, plusieurs cars sont arrivés en retard au stade et certains sont rentrés sans même que leur ticket soit vérifié. "Je pense que ce qui s’est produit aux Francs-Borains ce week-end est différent. En ce qui nous concerne, je ne me rappelle pas d’agressions physiques dans l’enceinte d’un stade. Quant aux fumigènes, nous consacrons des heures de notre temps libre, et aussi pas mal d’argent, pour organiser des tifos et animer les tribunes. Pas pour faire arrêter un match !"
Plusieurs supporters liégeois ont été pénalisés à la suite du match du tour final de la saison écoulée contre Brakel. "Neuf interdictions de stade pour des durées de trois à quatre mois ont été prononcées, simplement parce que nous avions changé de côté dans le stade de Rocourt pour suivre les tirs au but décisifs ! Nous avons réinstauré un dialogue avec la direction du club, mais nous aurions aimé qu’elle intervienne dans ce cas précis, ce qu’elle n’a pas fait. À Rocourt, c’est la tolérance 0 qui règne."