Un club belge peut-il créer la même surprise que l’Ajax au Real?
Ce n’était plus arrivé depuis trois ans : un club d’un "petit" championnat qui s’invite en quarts de finale de la compétition la plus élitiste d’Europe.
- Publié le 07-03-2019 à 07h15
- Mis à jour le 07-03-2019 à 08h19
Wamberto (ex-Standard et Ajax Amsterdam) nous donne la recette pour performer en Ligue des champions quand on est un "un petit club".
Ce n’était plus arrivé depuis trois ans : un club d’un "petit" championnat qui s’invite en quarts de finale de la compétition la plus élitiste d’Europe. Après avoir sorti le triple tenant du titre avec panache mardi à Madrid, l’Ajax s’incrustera mi-avril dans le gratin habituellement réservé aux clubs anglais, allemands, italiens, espagnols et français. En quarts, les Amstellodamois auront un autre défi : devenir le premier représentant des "petits" à atteindre le dernier carré de la compétition en quinze éditions de la C1. Seuls leurs grands rivaux du PSV y étaient parvenus en 2004-2005. Depuis, les demi-finales sont privatisées par les plus riches. Pendant que les Néerlandais rigolent, les Belges se posent des questions. Ou plutôt une question : un club de notre Pro League pourrait-il un jour suivre l’exemple de l’Ajax et briller en Ligue des champions ? "Oui, évidemment", nous répond-on fermement depuis une ferme de Coroata, une petite ville du Brésil, à 300 kilomètres de San Luis. À l’appareil, c’est Wamberto, quatre saisons au Standard et six à l’Ajax, à cheval entre les deux millénaires. Comment nos clubs belges pourraient-ils imiter l’Ajax et signifier quelque chose parmi la crème du football européen ? L’ancien attaquant à la savoureuse technique nous livre la recette en quatre étapes.
1. "Utiliser tout le Q.I. foot de ses anciens joueurs"
"Le recyclage des anciens. C’est pour moi la plus grosse différence entre les grands clubs belges et néerlandais. À l’Ajax, on retrouve plein d’anciens joueurs du club à tous les étages du club. Il y a le directeur général Edwin van der Sar, Marc Overmars, le directeur sportif, les entraîneurs adjoints Aron Winter et Richard Witschge, les coaches de jeunes Michael Reiziger et Winston Bogarde… J’en oublie. Il y a une vraie culture de la transmission à l’Ajax et c’est essentiel. La moitié des anciens footballeurs ne savent rien faire en dehors du football. C’est bête de ne pas les utiliser. Récemment, l’Ajax m’a encore demandé de venir bosser au club. J’aurais été impliqué dans le travail technique des jeunes, comme Simon Tahamata. Le club essaie d’utiliser tous le Q.I. foot possibles de ses anciens. Les clubs belges doivent suivre cet exemple en confiant des fonctions importantes à leurs ex-joueurs."
2. "Plus de talent en Belgique mais il faut bien le guider"
"La formation donnée à l’Ajax est évidemment remarquable. Depuis tout petit, on inculque les valeurs du club, dont la technique et l’audace. C’est beau mais il ne faut pas être jaloux. On travaille également très bien avec les jeunes en Belgique. Et je suis même persuadé qu’il y a plus de talent pur chez vous qu’aux Pays-Bas. Il suffit de regarder l’équipe nationale pour s’en rendre compte. Même ici au Brésil, on m’interpelle sur les talents belges. J’en parlais déjà avant la Coupe du monde mais on ne me prenait pas trop au sérieux. Depuis la victoire des Diables en quart de finale en Russie, on m’écoute beaucoup plus (rires). Les talents sont donc là en Belgique mais il faut bien les entourer, les guider et les aimer. L’Ajax fait cela très bien. Le club sort beaucoup de jeunes. Des très, très bons mais aussi des simplement bons qui aident l’équipe, sans être dans l’optique d’une grosse plus-value à la revente. L’Ajax ne va pas chercher ailleurs ce qu’il a sous la main. Cela permet de ne pas dépenser bêtement son argent puisque les budgets sont très limités par rapport aux grands championnats."
3. "Avoir des scouts amoureux et les écouter"
"Pour alimenter ses équipes de jeunes et son équipe A, l’Ajax mise sur une armée de scouts. Ce sont des gars qui se coupent en quatre pour dénicher les meilleurs talents. Ils sont amoureux de leur club. Mais ça ne servirait à rien s’ils n’étaient pas écoutés. La direction mise vraiment sur son scouting. Les dirigeants et les recruteurs travaillent main dans la main, avec une communication claire. C’est important pour avoir une relation de confiance. En Belgique, ce n’est pas toujours aussi limpide à ce niveau."
4. "Il faut avoir le courage de dépenser son argent"
"On parle beaucoup de la formation ajacide, à juste titre. Mais il ne faudrait pas réduire la réussite de ce club qu’à la qualité de son académie. Quand tu regardes l’équipe qui a sorti le Real Madrid mardi, plusieurs joueurs importants ont été achetés très cher. Blind est revenu de Manchester United pour 16 millions, Tadic est arrivé de Southampton pour 11 millions, Neres a été découvert au Brésil et acheté 12 millions. Et il y a aussi Ziyech venu pour 11 millions. L’Ajax a le courage de dépenser beaucoup d’argent pour bien se renforcer. Le budget global du club est un peu plus élevé qu’en Belgique mais la différence n’est pas immense non plus. Les grands clubs belges sont parfois un peu frileux sur le marché des transferts. Le risque existe évidemment mais si on n’ose pas à un moment, on n’arrive pas à franchir le pas. Et puis c’est un cercle vertueux : tu sors de bons jeunes, tu gagnes, tu les vends cher, tu as de l’argent pour dépenser ce qui te manque, tu continues à gagner. Je suis persuadé que le Standard, Anderlecht et Bruges peuvent y arriver aussi. Pour moi qui me sens plus belge que brésilien, ce serait un immense plaisir."