Tite, père de tous les succès brésiliens
La renaissance du Brésil vient d’abord de son sélectionneur. Portrait.
- Publié le 05-07-2018 à 11h19
- Mis à jour le 05-07-2018 à 12h20
La renaissance du Brésil vient d’abord de son sélectionneur. Portrait Le coup d’œil est révélateur du chemin accompli. 16 juin 2016. Un peu moins de deux ans se sont écoulés depuis le Mineirazo et la déroute historique du Brésil contre l’Allemagne (7-1). Le temps n’a pas fait son usage. Pire. La Seleçao reste en lambeaux. Au tiers des éliminatoires de la zone Amérique du Sud pour le Mondial, elle n’occupe que la sixième place (sur 10) et la Russie n’est à cet instant qu’un mirage. Une illusion encore plus grande après une Copa America cataclysmique marquée par une élimination dès la phase de groupe après un nul contre l’Équateur et une défaite face au Pérou.
Cette débâcle scelle le sort de Dunga. Et précipite l’avènement de Tite. Déjà grand favori pour reprendre le poste après le Mondial 2014, de son nom complet Adenor Leonardo Bacchi jouit d’un consensus très large né de ses succès dans les grands clubs du pays avec l’Internacional Porto Alegre ou les Corinthians.
Deux ans plus tard, son bilan est sans taches. 10 victoires, 2 nuls, 30 buts marqués pour 3 seulement encaissés ont scellé une qualification acquise avec 10 points d’avance sur le dauphin uruguayen. Et le Brésil diffuse l’impression d’une montée en puissance. Qui porte la marque de son sélectionneur.
En deux ans, les hommes n’ont pas beaucoup changé. Tite (prononcez "Titchi") a rappelé Paulinho qui à l’époque s’était exilé en Chine avant de revenir sous l’effet de ses performances avec la sélection jouer un vrai rôle au FC Barcelone et a installé Gabriel Jesus en pointe. Mais il a su reconstruire un collectif. Comment ? "Il a pris le contrôle du groupe", a éclairé l’an passé Juninho Paulista champion du monde 2002 pour qui : "Lorsque vous avez le talent nécessaire pour commander un groupe, vous faites la différence. C’est ce que Tite a fait avec la sélection."
Joueur modeste contraint par des blessures au genou à mettre un terme à sa carrière à seulement 28 ans en 1989, le natif de Caxias do Sul est à l’image des habitants du Rio Grande, cet état du sud du pays loin des plages de Copacabana, plus travailleur que fêtard pour caricaturer.
Diplômé d’éducation physique de l’université de Campinas, Tite y a suivi les cours de Luiz Felipe Scolari, son ancien coéquipier, qui a longtemps été pour lui un mentor. Avant que les deux hommes ne s’embrouillent. En cause, un match balancé par Scolari qui a permis en 2010 à Fluminese d’être champion au détriment des Corinthians de Tite. Preuve que ce catholique très pratiquant n’est pas du genre à transiger avec les principes.
Tactiquement, les siens sont fluctuants. D’abord dans une lignée brésilienne avec un 3-5-2 qui lui a permis de connaître ses premiers succès, il a fait évoluer ses certitudes après un voyage devenu presque initiatique en 2013.
Dernier entraîneur à avoir fait chuter une équipe européenne (Chelsea en décembre 2012) en finale du Mondial des clubs, Tite a mis entre parenthèses sa carrière d’entraîneur quelques mois plus tard suite à une triste 10e place des Corinthians en championnat.
Lui n’a jamais entraîné sur le Vieux Continent mais qui a fréquenté les émirats (à Al-Ain en 2007 puis à Al-Wahda en 2010), y entamera une tournée faite d’échanges et d’observations. Aux côtés d’Arsène Wenger. Mais surtout de Carlo Ancelotti.
Quand le monde des entraîneurs se définit habituellement par une dichotomie entre José Mourinho et Pep Guardiola, le Brésilien trace une troisième voie qui le ramène vers l’Italien. "Parce que ses équipes sont toujours bien équilibrées et compactes, ce qui est la priorité pour moi", expliquait celui qui se rapproche de Don Carlo par son pragmatisme mais surtout sa gestion humaine. Qui se base sur un principe édicté dans El Pais l’an dernier : "Le plus grand mérite d’un entraîneur est de responsabiliser ses joueurs", y expliquait-il.
Sa gestion de Neymar apparaît comme sa plus belle réussite. Plutôt que de lui confier un brassard qui l’avait étouffé comme Dunga avait pu le faire, Tite installe un capitanat tournant. Protège le crack en réfutant toute idée de dépendance.
"Parce qu’il est inhumain de faire peser toute la responsabilité sur une personne", justifie-t-il. "La responsabilité pèse sur l’entraîneur, sur les autres coéquipiers et à un moment donné, celui qui a la qualité prend ses responsabilités."
Résultat, sous ses ordres, Neymar a inscrit 11 buts et délivré 10 passes décisives en 19 matches tout en s’imposant comme le leader technique de son équipe.
La méthode de Tite qui a comme devise "j’ai appris comment apprendre" lui a valu un blanc-seing de Pelé qui avant le tournoi avait lancé "j’ai la plus grande confiance en ses capacités". Mais aussi de ses joueurs.
"Pour moi, Tite n’est pas seulement un entraîneur, il est beaucoup plus que cela", a souligné Willian. "Il est aussi un père. Il est si intelligent, il sait comment contrôler le groupe, il nous donne les bons messages sur ce que nous devons faire sur le terrain."
Où, en 25 matches, il n’a connu la défaite qu’à une seule reprise lors d’un amical très marketing contre l’Argentine à Melbourne en juin 2017.