Sur les traces de Salah dans son club formateur d'Arab Contractors : "Mo est notre roi égyptien du XXIe siècle"
L’Égyptien a débuté sa carrière dans le club d’Arab Contractors, au Caire.
- Publié le 20-06-2019 à 07h55
- Mis à jour le 20-06-2019 à 15h01
L’Égyptien a débuté sa carrière dans le club d’Arab Contractors, au Caire. À l’est du Caire se situe un complexe d’entraînement qui ressemble fortement à une petite forteresse. Pour arriver à y entrer, il faut montrer patte blanche, avoir l’accord du Président et attendre de longues minutes. Cet endroit, c’est le complexe sportif d’Arab Contractors, un des nombreux clubs de football du Caire, la capitale égyptienne, au même titre que ses voisins de Zamalek, d’Al-Ahly ou encore d’El-Geish.
Mais Arab Contractors, c’est aussi le club avec lequel Mohamed Salah a fait ses débuts dans le football professionnel. Au moment d’entrer dans ce vaste complexe, une rencontre débute : les U21 du club affrontent Al-Ahly, qui se bat pour le titre en Égypte et qui est l’un des meilleurs clubs formateurs d’Afrique. Devant quelques supporters parsemés dans les gradins fabriqués en pierres, le club formateur de Salah joue contre les leaders du championnat.
Il y a douze ans, c’était Salah en personne qui foulait ce terrain d’entraînement. Le joueur de Liverpool était arrivé à Arab Contractors à l’âge de 14 ans alors qu’il habitait encore dans un petit village, à 150 kilomètres de la capitale égyptienne.
"Mo Salah faisait chaque jour quatre heures de train au total pour venir à l’entraînement le matin et retourner chez lui le soir" , explique Saïd, entraîneur des gardiens au Caire. "Il y a différentes classes dans nos trains. Parfois, Salah n’avait même pas assez d’argent pour se payer la classe la moins chère…"
Tout cela prend fin quand le jeune garçon talentueux rejoint l’équipe première d’Arab Contractors, à l’âge de 17 ans, après avoir appris les bases du haut niveau pendant trois saisons. "Notre Académie est l’une des meilleures d’Égypte" , explique Mohamed Magdy, le responsable de l’École des jeunes. "Nous avons des équipes depuis les U10 jusqu’aux U21. Nous avons quatre terrains à disposition des différentes équipes, qui font plus que de la figuration dans leurs différents championnats. Avec notre équipe première, nous espérons parvenir à nous qualifier pour la Coupe d’Afrique."
Pendant ce temps, sous un soleil de plomb, les U21 d’Arab Contractors tiennent tête aux leaders d’Al-Ahly. Via un jeu offensif assez structuré, les deux équipes retournent aux vestiaires sur un score nul et vierge. "Notre Académie est basée sur la tactique, même si la technique reste importante pour nos jeunes joueurs" , avance Emad El-Nahhas, coach de l’équipe première et ancien international égyptien. "Ici, à Arab Contractors, nous faisons jouer beaucoup de jeunes au sein de notre équipe première. C’est important et c’est ce qui a permis à Mohamed Salah de jouer en D1 égyptienne à 17 ans, il y a quelques années maintenant. Tous les jeunes qui font partie de notre Académie doivent prendre exemple sur lui. Notre objectif est clairement de faire éclore le nouveau Salah."
Sans véritable talent extraordinaire au sein de l’équipe, les U21 d’Arab Contractors finissent par ouvrir le score contre le cours du jeu en début de deuxième mi-temps. Un petit exploit tant la différence de niveau semble grande entre les deux équipes. Finalement, et malgré plusieurs occasions franches du côté d’Al-Ahly, l’équipe locale arrache les trois points au bout du suspense. Une victoire qui est celle de l’Académie.
"Tous les jeunes joueurs veulent venir à Arab Contractors car ils savent qu’ils pourront progresser et peut-être intégrer l’équipe première" , commente Karim, un membre du staff du club. "Plusieurs joueurs des U21 ont déjà reçu du temps de jeu avec l’équipe première et s’en sont bien sortis. L’éclosion de Mohamed Salah ici a aussi aidé le club à avoir une certaine renommée et à faire venir des jeunes joueurs. Ils veulent tous faire comme lui et devenir le futur Salah. Il y a peut-être un futur Salah ici… Je l’espère en tout cas, car nous travaillons très dur tous les jours pour cela."
À la sortie du terrain , les jeunes d’Arab Contractors sont conscients de l’exploit qu’ils viennent de réaliser. Ils sont aussi conscients de la route qu’ils leur restent à parcourir avant de devenir footballeurs professionnels, en Égypte ou en Europe… "Mon rêve est de jouer en Europe un jour" , explique Ali, attaquant des U21 d’Arab Contractors. "Je sais que le chemin est encore long mais je peux y arriver. Mo Salah est un bon exemple de réussite pour nous. Même si faire une carrière comme lui me semble impossible…"
Une carrière qui a débuté dans l’anonymat de ce club d’Arab Contractors, à l’est du Caire…
"Notre roi égyptien du XXIe siècle"
Mo Salah est admiré en Égypte pour ses qualités footballistiques et humaines.
Une simple balade au sein du Caire, la capitale de l’Égypte, permet de le comprendre : Mohamed Salah est un personnage à part dans ce pays de près de 100 millions d’habitants. Son nom et son visage sont partout : dans des publicités grandeur nature au milieu des boulevards, sur des souvenirs vendus dans des petites ruelles cairotes ou encore dans le dos d’Égyptiens portant fièrement le maillot de l’équipe nationale sur leur dos.
Celui qui a quitté son pays natal pour la Suisse en 2012 n’a fait qu’exploser depuis. Ses passages à Bâle, Chelsea, la Fiorentina mais aussi Rome ont permis à ce joueur de 26 ans de devenir ce qu’il est à présent : l’un des meilleurs joueurs de la planète football.
"Pour nous, les Égyptiens, Mohamed Salah est une sorte de symbole" , explique Ali, un fan de football rencontré dans un marché local. "C’est un grand joueur, voire le plus grand. Toutes les personnes qui le voient jouer l’adorent. Quand il évolue avec Liverpool, tout le monde au pays arrête ses activités et regarde la rencontre. C’est dire l’importance qu’il a pour nous."
Si Salah est à ce point aimé en tant que joueur, c’est grâce à son talent hors-norme mais aussi à sa performance un soir d’octobre 2017. En course pour une qualification à la Coupe du monde, l’attaquant frisé s’offre un doublé contre le Congo et qualifie pour la première fois depuis 1990 son pays à la plus grande compétition du monde. Un moment historique qui a permis à Mo Salah de bâtir encore un peu plus sa légende. "Ce qu’il a fait pour le football égyptien est énorme" , avance Marc, un Égyptien de 28 ans. "En qualifiant le pays pour la Coupe du monde, il a fait pleurer beaucoup de monde. C’est une icône que nous n’oublierons jamais vu son talent mais aussi sa personnalité hors-norme."
Car, s’il est désormais une terreur des terrains de Premier League avec Liverpool (22 buts et 11 assists avec les Reds cette saison en championnat), Salah n’oublie pas pour autant son pays natal. Il est devenu un véritable mécène dans son village d’origine, où il a créé une fondation qui s’occupe de plus de 500 familles. Construction d’une bibliothèque, d’une école coranique ou encore financement d’un dispensaire : Mo Salah dépense sans compter pour sa terre natale.
"Ce n’est pas juste un footballeur, c’est bien plus que cela" , commente Shennubah, un fan de l’équipe de Zamalek. "Il a fait tellement pour notre pays que nous lui devons un énorme respect. Il représente l’Égypte en Afrique, en Europe et dans le monde entier."
"Il a donné beaucoup d’argent aux pauvres de notre pays depuis qu’il a quitté le pays", continue Marc. "Mo Salah est un très bon joueur de football mais ce n’est pas tout : c’est une personne très humble et très sympathique. Pour moi, il s’agit du roi égyptien du XXIe siècle."
Un Roi qui sera scruté par tous les Égyptiens ce vendredi soir lors de l’ouverture de la Coupe d’Afrique des Nations. Quoi qu’il arrive pour l’Égypte durant cette Can, le joueur de Liverpool restera une légende éternelle au pays, presque à égalité avec Dieu.
"Ce n’est pas Dieu, il est juste en-dessous de Dieu" , termine Ali. "Mais il s’en rapproche de jour en jour…"
En forme pour sa Can
Le 26 mars 2018, toute l’Égypte retient son souffle. En finale de la Ligue des champions face au Real Madrid, Mo Salah sort sur blessure après une faute grossière de Sergio Ramos. Le joueur de Liverpool quitte la pelouse en pleurs, sachant que sa Coupe du monde avec son pays natal pourrait être remise en cause. Finalement, le footballeur de 27 ans sera bien du voyage mais lui et son équipe ne brilleront pas en Russie. Le 4 mai 2019, toute l’Égypte retient à nouveau son souffle. Dans un duel avec le gardien de Newcastle, Mo Salah se blesse et sort sur civière. Le peuple égyptien ne veut pas revivre une grande compétition avec sa star qui n’est pas à 100 %. S’il ratera la demi-finale retour face à Barcelone, l’Égyptien débutera la Coupe d’Afrique des Nations en forme et avec le statut de leader.
La sélection égyptienne, solide et expérimentée, est construite autour de Mohamed Salah. Les vice-champions en titre ne pourront pas se louper devant leur public et le joueur de Liverpool le sait. Récents faciles vainqueurs de la Guinée en amical (3-1), les Égyptiens n’ont plus perdu une seule rencontre depuis plus d’un an (et leur défaite face à la Russie au Mondial) et sont pointés comme les grands favoris de la compétition. À eux de désormais répondre aux attentes…