Rencontre avec Bukykin en Russie: "J’ai quitté le RSCA pour… Lukaku The Beast"
Rencontre exclusive avec Dmitri Bulykin, l’ex-attaquant russe d’Anderlecht, qui est ambassadeur de la Fifa et consultant télé durant ce Mondial 2018
- Publié le 27-06-2018 à 13h55
Rencontre exclusive avec Dmitri Bulykin, l’ex-attaquant russe d’Anderlecht, qui est ambassadeur de la Fifa et consultant télé durant ce Mondial 2018.
"Payer l’addition ? Vous êtes fou ? Vous êtes en Russie, vous êtes mon invité."
Dix ans, jour pour jour, après que Dmitri Bulykin - alias le Taureau ou le Tank - a débarqué à Anderlecht, nous l’avons retrouvé à Moscou. Et il n’a rien perdu de sa gentillesse. Aujourd’hui, l’ex-attaquant russe (38 ans) est toujours aussi imposant que lors de cette saison 2008/2009. Mais il est beaucoup plus populaire que quand il était joueur. Chaque jour, il apparaît sur la première chaîne nationale de télévision, comme consultant foot. Il est aussi ambassadeur de la Fifa lors de ce Mondial. Il est enfin le conseiller personnel du président du Lokomotiv Moscou. Entre toutes ses obligations, Dmitri a pris le temps de rencontrer la DH dans un restaurant moscovite.
Dmitri, vous avez arrêté le football à 34 ans…
"Oui. Je n’étais pas blessé, mais comme j’avais surtout joué dans des grands clubs, je ne savais plus me motiver pour évoluer dans une équipe plus modeste. Pendant un an ou deux, j’ai galéré, sans le foot. Maintenant, je m’amuse à fond. Surtout quand je vois la Belgique jouer (rires). "
Vous avez analysé tous les matches. Que dit le connaisseur russe des Diables ?
"Que vous pouvez jouer la finale de la Coupe du Monde. Je ne vois aucun adversaire contre qui vous n’avez pas une chance. Vous avez de la jeunesse, de la vitesse, de la puissance, avec Lukaku. Je savais que vous auriez une équipe en or. J’ai joué avec plusieurs de vos Diables quand ils étaient jeunes : Lukaku à Anderlecht et mes amis Vertonghen et Alderweireld à l’Ajax."
Vous étiez à Anderlecht quand Lukaku a percé.
"The Beast. La Bête (rires). Il avait 15 ans et il était déjà aussi grand et costaud que moi. Maintenant, il a l’expérience du plus haut niveau. Il peut devenir le meilleur buteur du Mondial. Son sprint contre la Tunisie a épaté les téléspectateurs russes, qui ne savaient pas qu’il était si rapide. Vous savez que sans lui, je serais peut-être resté à Anderlecht ? Mais le club a voulu faire de la place pour ce jeune talent. Et pour De Sutter, qu’Ariël Jacobs voulait absolument. J’ai compris que c’était inutile de les concurrencer et je suis parti à Düsseldorf. J’ai revu Romelu lors du match CSKA - Manchester United. Il était super sympa. Il est devenu plus large que moi. Et ce n’est pas facile (rires) ! "
Vous appelez Alderweireld et Vertonghen des "amis".
"On a remporté le titre 2012 avec l’Ajax, le seul de ma carrière. On était vraiment une bande d’amis et on ne s’est pas perdu de vue. Je leur ai envoyé un message de bonne chance sur Facebook. Je vais essayer de venir faire un reportage dans votre camp d’entraînement."
Une finale Russie - Belgique est possible ?
"J’en rêve. Dans ses premiers matches, la Russie a bouleversé l’opinion publique. Avant le Mondial, la population estimait que notre équipe nationale était une catastrophe. Le coach devait recevoir son C4, il fallait des autres joueurs… Cela dit, on n’a pas de joueurs qui ont remporté des Ligues des Champions comme vous. Ce manque d’expérience peut faire la différence. J’espère que la défaite contre l’Uruguay ne va pas nous démoraliser."
"J’ai été chiper des idées à Anderlecht"
Le Lokomotiv, où il est conseiller du président, a remporté le titre en Russie.
En tant que conseiller du président du Lokomotiv, Bulykin a fait de l’excellent boulot.
"Je fais partie d’un comité de cinq, six personnes qui donne son avis sur les transferts, je détermine la vision du club, la stratégie, surtout de l’école des jeunes" , explique le Russe. "Voilà un an et demi que la nouvelle direction est en place. On a remporté la Coupe et, cette année, le titre. On est qualifiés directement pour la Ligue des Champions. Alors que le but était une place dans le Top 5 . On n’est pas les plus riches. On a un budget de 100 millions."
Bulykin contacte tous les clubs qu’il connaît pour développer la formation des jeunes. "Il y a un an, je suis passé à l’Ajax, mais aussi à Anderlecht. J’ai parlé avec Herman Van Holsbeeck et Jean Kindermans. Le nouveau Neerpede est très beau. Ce que j’ai retenu du Sporting ? La façon dont il découvre des jeunes, les forme, les amène en équipe première et les vend. Comme Lukaku, oui."
Le Lokomotiv n’a pas de joueurs belges, et la Belgique n’est pas sur son radar. Boussoufa y a joué pendant trois ans, et cela n’a pas vraiment été un succès.
"Il a gagné une Coupe, je crois. Mais c’était le seul prix du club en neuf ans."
Jonathan Legear, lui, a joué à Grozny.
"Ah ! Jona … Il joue encore ? Il m’avait appelé, quand il jouait ici. Vous savez, ce n’est pas facile en Russie pour des joueurs étrangers. Ils gagnent beaucoup d’argent, les attentes sont énormes, ils ne parlent pas la langue. Mais je dois dire que nos étrangers - Jefferson Farfan, Corluka et le Portugais Fernandes - se sont très bien adaptés."
"Hooligans, battez-vous après !"
Selon Bulykin, le mérite du tournoi paisible revient au président Poutine.
Ce qui frappe, dans cette Coupe du Monde, c’est l’absence du hooliganisme.
"C’est le mérite de Poutine , dit Bulykin, qui joue parfaitement son rôle d’ambassadeur. Il a demandé au pays de montrer son bon côté. Pas de hooliganisme, pas de débats politiques, pas de racisme, pas de provocations. On a un magnifique pays, avec des musées, des galeries. On espère que tout le monde en profite à fond. Même si ce n’est pas évident pour les Argentins (rires) ."
Les hooligans obéissent donc à Poutine ? "Écrivez bien que le Président a joué un rôle crucial. Il a dit que ce Mondial devait être une fête. Que les Russes doivent montrer leur sourire et être sympas. Et qu’il faut oublier tous les conflits."
Les sanctions qui seraient données à des fauteurs de trouble durant cette Coupe du Monde, sont aussi très lourdes.
"De la prison, des amendes très élevées, des exclusions à vie à des matches de football. Je ne sais pas pourquoi, mais des supporters russes ont le besoin de devoir se battre. Pour montrer qu’ils sont les plus forts. On leur a dit : ‘Si vous voulez vous battre, faites-le entre clubs, mais après le Mondial !’ "
"J’aurais préféré donner le prix à Messi"
En tant qu’ambassadeur et joueur des All Stars , Bulykin rencontre toutes les stars.
Pendant ce Mondial, Bulykin n’arrête pas de courir à gauche et à droite.
"Les ambassadeurs de la Fifa sont des personnages connus qui doivent promouvoir les villes , dit-il. Moi, je suis responsable de Novogorsk. C’est moi qui ai remis le trophée d’ Homme du match à Modric lors d’Argentine - Croatie. J’espérais pouvoir le remettre à Messi, mais le Madrilène fut meilleur."
Par contre, il a rencontré Maradona. "Je me suis présenté en tant qu’ex-joueur de football, mais on n’a pas vraiment parlé. Il ne parle que l’espagnol. Drogba, je l’ai rencontré à une fête en boîte de nuit. Il y avait aussi Casillas, Xabi Alonso, Lahm…"
Et puis, il y a la Legends Cup , un tournoi où il joue avec les All Stars contre l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne… "Ce sont des matches à six contre six entre anciens internationaux. L’Italie vient par exemple avec Totti, Maldini et Di Biagio, la France avec Dugarry, Giuly, Blanc. La Russie est trop forte, elle a gagné dix ans de suite. Vu que les joueurs russes sont nombreux et que je serais de trop sur le banc, je préfère jouer avec les All Stars . À Shangai, on a gagné le tournoi, notamment avec Djibril Cissé et Gallas dans mon équipe. Si je joue encore bien ? Je pense que je suis le meilleur. Mais quand je me vois à l’œuvre à la télé, c’est une cata (rires) … "
Toujours avec son ex-mannequin Katya, qui l’a reconnu via le jeu Fifa
Bulykin vit toujours une histoire d’amour avec Katya Polyanskaya, une ex-mannequin qui a notamment travaillé avec Linda Evangelista et Naomi Campbell.
"Elle a fait des défilés dans toutes les grandes villes de la mode, comme Paris et Milan", dit Bulykin, non sans fierté. "Maintenant, elle travaille moins comme modèle. De temps en temps, elle pose pour une publicité… Elle est devenue créatrice de robes de soirée."
À Anderlecht, Bulykin avouait être jaloux quand sa femme était en Russie. "Je l’appelle dix fois par jour pour savoir ce qu’elle fait", nous disait-il, il y a dix ans. "Quand elle dit qu’elle est chez des amies, il faut que je leur parle…"
Bulykin sourit quand on lui rappelle cette histoire. "C’est normal, elle est trop belle. Ce n’était pas facile pour moi. Elle voyageait entre Bruxelles et Moscou. Elle et nos filles (ils en ont deux, et Katya en avait deux d’un mariage précédent) me manquaient. Mais nous sommes encore ensemble ! Preuve qu’on est un couple solide."
Autre anecdote : Katya l’a reconnue via le jeu Fifa. "Au début, elle ne savait pas que j’étais footballeur. Elle l’a su quand elle a entendu des amis jouer à la Fifa et crier : ‘Allez Bulykin !’ (rires)"