Portrait de Memphis Depay, la principale star des Pays-Bas
L’attaquant s’est (im) posé comme la principale star du football néerlandais. Portrait d’une personnalité plus complexe qu’il n’y paraît.
- Publié le 15-10-2018 à 17h37
- Mis à jour le 16-10-2018 à 07h44
L’attaquant s’est (im) posé comme la principale star du football néerlandais. Portrait d’une personnalité plus complexe qu’il n’y paraît. M COMME MANCHESTER
Mai 2015. Toute l’Europe n’a que son nom à la bouche. Plutôt que Liverpool ou le Paris SG, Memphis Depay s’engage à Manchester United. Le Néerlandais, 21 ans à l’époque, a marqué les esprits un an plus tôt au Brésil, où il est devenu le plus jeune buteur de l’histoire de la sélection batave. Il y retrouve Louis Van Gaal.
Mais, numéro 7 sur le dos, il ne marchera pas sur les traces de Jaap Stam ou Ruud Van Nistelrooy qui avaient eux aussi débarqué du PSV Eindhoven où lui avait éclos au moment du départ de Dries Mertens pour Naples en 2013. Son bilan y rimera avec insuffisant. Entre brouille avec Van Gaal au sujet de laquelle l’attaquant a promis "d’écrire un livre" et profond malaise personnel sous Mourinho avec une concurrence très épaisse (Martial, Mata, Rooney, Lingard ou Rashford).
"La première saison, je n’ai pas apporté suffisamment. Mais je crois qu’il faut une année pour réussir à s’adapter à la Premier League ; c’est le championnat le plus rapide du monde. À l’entraînement, je donnais tout mais je ne jouais pas. Là, tu te regardes dans la glace et tu te poses énormément de questions : ne suis-je pas assez bon ? C’était vraiment dur. Pour rester positif, il faut être très fort mentalement. Cette expérience m’a fait grandir ", a depuis expliqué le Néerlandais dans L’Équipe Mag en août 2017.
E COMME ENFANCE
Celle du natif de Moordrecht, près de Gouda, est dépeinte comme chaotique. "J’ai l’impression d’avoir passé ma jeunesse dans une jungle", a-t-il décrit, toujours dans L’Équipe Mag. Quand son père a quitté le domicile familial (voir par ailleurs), Memphis n’avait que quatre ans. Et sa mère a refait sa vie avec un autre homme qui avait déjà 15 enfants. Le tout dans un quartier plutôt défavorisé. Plus tard, il enveloppera cette réalité d’un voile de pudeur. "Ce qu’il s’est passé précisément, je ne vous le dirai pas. Je ne veux pas que les gens soient désolés pour moi. À l’époque, je devais juste survivre, me battre pour tracer ma route."
Assez vite, le nouveau petit ami de sa maman décrochera le gros lot à la loterie et en profitera pour voir ailleurs, laissant son ex-compagne seule avec le petit Memphis, qui trouvera en son grand-père maternel une figure paternelle dont le décès, alors qu’il n’avait que 15 ans, l’a bouleversé profondément.
M COMME MUSIQUE
Dans l’univers du Néerlandais, le rap tient une place centrale. "C’est mon passe-temps", répète le joueur qui régalait par exemple Stallone Limbombe de ses freestyles à l’époque du PSV, tout en publiant ensuite plusieurs vidéos en solo ou en duo avec son coéquipier Quincy Promes. Mais Depay est allé encore plus loin et vient de sortir son premier single intitulé AKWAABA. Un morceau réalisé au Ghana, le pays d’origine de son père, après un voyage initiatique, avec plusieurs artistes locaux, qui a reçu un accueil positif de la critique.
P COMME POSTE
Depay a percé comme ailier. Mais en club comme en sélection, il s’impose depuis le printemps 2018 en tant qu’avant-centre, un repositionnement né à Lyon de son manque d’assiduité dans le replacement défensif. "J’ai joué dans plusieurs systèmes dans ma carrière, beaucoup à gauche, mais également en attaque ou au milieu. C’est à l’entraîneur de voir où il peut m’utiliser mais c’est vrai qu’en jouant en ‘10’ ou attaquant, j’ai plus de liberté pour m’épanouir, demander le ballon… J’aime cette position, mais je peux jouer partout parce que je ne me sens pas comme un véritable attaquant. J’aime jouer, toucher le ballon. Je me sens plus à l’aise quand j’ai un peu d’espace et de liberté, quand je peux plonger dans le dos de la défense. Je me considère plus comme un milieu de terrain."
Ce qui ne l’empêchera pas d’être aligné en pointe ce mardi.
H COMME HARVEY, LORI
Comme nombre de ses congénères, Memphis Depay possède une vraie fascination pour la culture américaine. Épousant ses codes en termes de communication. Et c’est au cours d’un voyage outre-Atlantique qu’il est tombé amoureux de Lori Harvey, un mannequin très célèbre pour être la fille de Steve Harvey, un comédien US qui s’est révélé dans le stand-up. Les deux tourtereaux doivent se marier prochainement.
I COMME INTERNET
Depay s’est imposé comme un footballeur 2.0 qui manie parfaitement Internet. À l’OL, il est qualifié d’artiste des réseaux sociaux. Le Néerlandais y cultive son image, s’affichant avec ses nombreux tatouages tout en s’adressant directement à ses suiveurs, sans le filtre des médias traditionnels avec qui il entretient une vraie méfiance.
"J’ai beaucoup de fans qui ont à peu près mon âge. Et je reçois plein de messages de gamins qui sont en souffrance ; parce qu’ils n’ont pas d’argent, sont en difficulté à l’école ou que leurs parents ne les soutiennent pas. Vu l’enfance que j’ai vécue, je les comprends. C’est à eux que je veux parler via les réseaux sociaux. Ils sont ceux que j’ai envie d’inspirer. Je veux leur dire : ‘Ayez confiance en vous, n’écoutez pas les gens qui vous rabaissent et vous font croire que vous n’arriverez à rien ! Moi, j’y suis arrivé alors vous pouvez aussi le faire.’ J’ai beaucoup prié et j’ai travaillé dur", a détaillé dans L’Équipe Mag celui qui compte en tout plus de 8 millions d’abonnés à ses différents comptes.
S COMME STYLE
Sa veste dorée arborée lors de la remise des Trophées UNFP en France l’an dernier, lorsqu’il avait remporté le prix du but de l’année, avait fait sensation. Elle symbolise le style du joueur qui en joue.
L’homme se soucie de son image, se sert de son corps pour raconter son histoire au travers de très nombreux tatouages. Une lubie découverte à 15 ans après le décès de son grand-père maternel qui a commencé avec son prénom gravé sur son bras. Puis d’autres, tout aussi visibles comme ce lion géant dans son dos. "Ce tatouage montre de quel bois je suis fait : j’ai un cœur de lion", justifie-t-il.
D COMME DRIBBLE
Avoir commencé le football dans la rue a permis à l’attaquant de se ciseler une technique sûre et de développer, aussi, un goût pour le dribble et la prise de risque qui va avec. Ce qu’il revendique. "C’est mon jeu, je prends des risques, parfois, je perds le ballon, cela arrive, c’est le foot. Si vous voulez un ailier gauche qui joue simple, ce n’est pas moi qu’il faut prendre, affirmait-il dans L’Équipe en novembre dernier. Bien sûr, je suis capable de jouer simple, mais je suis aussi un joueur qui peut dribbler, créer. Si je me regarde dans le miroir, je vois un joueur créatif. Alors, encore une fois, si vous voulez quelque chose de simple, il ne faut pas me mettre sur le terrain. Même si je peux aussi jouer simple."
E COMMENT ENFANTS
Sa jeunesse difficile demeure un élément incontournable pour le comprendre, forgeant son caractère mais aussi sa sensibilité, notamment envers les enfants. Les gains empochés grâce à son single sont ainsi destinés à aider les enfants sourds et aveugles du Ghana au travers de sa fondation. Autre exemple : son implication lors des actions caritatives menées par l’Olympique Lyonnais.
"J’ai accompagné plusieurs fois au fil des années les joueurs auprès des enfants malades. Memphis, quelle sensibilité !", a décrit en avril dernier dans Le Parisien Isabelle Dias, qui se charge de l’intégration des nouvelles recrues. "Je crois que c’est la première fois que je vois des étreintes aussi sincères. Il est très touchant." Et capable aussi, sans prévenir personne, de s’arrêter au bord du périphérique lyonnais pour distribuer des vêtements et de la nourriture dans un camp de Roms de la ville.
P COMME PARDON
Depuis ses débuts, l’attaquant néerlandais arbore un flocage avec son prénom. Et non son nom. Parce qu’il a longtemps été brouillé avec son père qui l’a abandonné alors qu’il n’avait que quatre ans. Avant, dans L’Équipe Mag, de s’en ouvrir en août 2017. Avec beaucoup de pudeur.
"Juste avant les vacances, je lui ai parlé, il fallait que je le fasse, je suis un adulte. Je lui pardonne. Longtemps, je me disais : il n’a jamais été là pour moi. Pourquoi devrais-je porter ce nom dans mon dos ? J’en ai beaucoup souffert dans ma jeunesse. Mais j’ai grandi, je suis devenu un homme plus mature. Tout le monde fait des erreurs ; il a fait une grosse erreur. Mais si je ne suis pas capable de lui pardonner, je ne pourrai jamais me pardonner moi-même. Cela ne veut pas dire que nous devons être les meilleurs amis du monde mais voilà, c’est fait. J’en suis heureux. Je vois les bénéfices de tout cela aujourd’hui : j’ai 23 ans, je vais me marier avec une femme qui portera donc mon nom de famille."
A COMME ARROGANT
Lui assure avoir mûri. Veut volontairement s’éloigner de ses écarts passés comme quand, à Manchester United, une fois relégué en réserve, il avait débarqué à un match en Rolls Royce avec une veste en cuir et un chapeau de cow-boy du plus bel effet. Ce côté écorché vif vient nourrir une certaine forme d’arrogance qu’il combat comme quand il lance : "J’essaie toujours de dire la vérité et dans ce monde, ce n’est pas toujours la façon la plus maligne de gérer les choses. Dans ma jeunesse, oui, j’ai commis des erreurs. Mais tout le monde en fait, non ?"
Mais qui ressurgit parfois comme après le but vainqueur inscrit contre le PSG en avril à un moment compliqué pour lui.
"Je n’ai rien à prouver à mon entraîneur. Je joue pour Dieu et seulement pour Dieu, lance-t-il. Vous pouvez tenter de tout me faire, me mettre en dehors de l’équipe, je reviendrai, je suis incassable." Et inclassable aussi.
Y COMME YACHT
En interne, Depay reste loué pour son professionnalisme. Les supporters l’apprécient particulièrement depuis qu’il a assisté avec eux dans un bar au quart de finale retour de Ligue Europa remporté contre le Besiktas en 2017 alors qu’il n’était pas qualifié. Mais son goût ostentatoire pour le bling-bling en fait une cible privilégiée pour les paparazzi néerlandais qui se régalent des vacances qu’il passe sur un yacht ancré en Méditerranée.