Après ses échecs sur la scène internationale, l'Espagne part en "Reconquista"
L’Espagne entame sa Nations League par un morceau de choix en affrontant l’Angleterre, quatrième de la dernière Coupe du monde. Après le cuisant échec du Mondial, la Roja doit se réinventer pour faire peur à nouveau. Et cela passe par Luis Enrique…
- Publié le 08-09-2018 à 07h42
- Mis à jour le 08-09-2018 à 14h07
L’Espagne entame sa Nations League par un morceau de choix en affrontant l’Angleterre, quatrième de la dernière Coupe du monde. Après le cuisant échec du Mondial, la Roja doit se réinventer pour faire peur à nouveau. Et cela passe par Luis Enrique…
La scène est presque caricaturale. On y voit les Espagnols enchaîner les passes et encore les passes, plus de 1000 au total (!), sans jamais parvenir à mettre un deuxième but contre une Russie sans aucune créativité footballistique. Et c'est finalement le pays organisateur qui se qualifie, laissant à l'Espagne le bon soin de se remémorer les grandes heures de Johannesburg.
C'était quand la Roja dominait le football mondial, à la fois en remportant sa première Coupe du monde, mais encore plus dans la forme, en imposant un football de possession au monde entier. Huit ans plus tard, c'est lors de la même compétition que celui-ci est mort, avec en symbole la détresse d'Andrès Iniesta, héros de la patrie rouge en 2010, et aujourd'hui spectateur impuissant de la débâcle de toute une idéologie.
Don Andrès est désormais à la retraite, tout comme David Silva et Gerard Piqué, soit trois éléments baignés dans la même culture qui vont laisser un sacré vide dans l'effectif ibérique. Pour reprendre le destin de la Selección en mains, la RFEF a jeté son dévolu sur Luis Enrique, en espérant que celui-ci sera plus fidèle que Julen Lopetegui, giclé à quelques heures de l'entrée en lice de la Roja sur les pelouses russes.
Le(s) chantier(s) qui attendent l'ex-coach du Barça ont multiples et les attentes sont grandes alors que l'Espagne affronte l'Angleterre pour son premier match post-crash russe.
L'IDENTITÉ DE JEU: s’adapter à l’air du temps
Globalement, la philosophie de jeu de la Roja ne risque pas de se modifier du tout au tout. Les bases sont là et on connaît la propension du foot espagnol à prêcher la bonne parole depuis ses catégories de jeunes jusque chez les A. Toutefois, l’ancien milieu de terrain risque d’apporter plus de verticalité au jeu ibère, comme il le fit naguère avec le Barça.
Plus net en contre-attaque, plus direct, le jeu catalan, délesté de ce que certains qualifieront de fanfreluches "guardioliennes" , n’en avait pas perdu en efficacité, avec un triplé Liga-Copa del Rey-Ligue des champions à la clé. "Je n’ai aucunement l’intention de faire une révolution, mais faire évoluer le style de jeu proposé lors des dernières phases finales me paraît nécessaire" , a-t-il d’ailleurs indiqué au moment d’annoncer sa première sélection. "Notre style va rester le même en termes de possession, sur le fait d’assumer notre responsabilité de jeu, mais il y aura des nuances."
Quelque part, il n’a pas le choix, vu les retraites internationales de Gerard Piqué, de David Silva et d’Andrès Iniesta. Cette évolution irait également dans le sens de l’histoire, qui semble avoir entamé un nouveau cycle. Le dernier Mondial a comme signé l’arrêt de mort du football de possession pure et mis en avant l’efficacité plus froide (parfois cynique) pour obtenir ce que l’on veut. Sans être aussi radical (il affiche une moyenne de 63,4 % de possession en trois saisons avec le Barça, 52,8 % lors de son unique saison au Celta Vigo, un club avec lequel il est nettement moins facile d’imposer son jeu, bref, on est loin des "stats" d’Huddersfield...), Enrique est capable de s’adapter à une nouvelle réalité. Et tant pis pour la nostalgie.
LE MENTAL: retrouver la confiance
Après ses victoires en 2008, 2010 et 2012, l’Espagne semblait être au sommet pour longtemps. Mais, en 2014, le cataclysme néerlandais (avec cette tête renversante de Robin Van Persie), puis l’élimination par l’Italie à l’Euro 2016 et, enfin, la sortie de piste contre la Russie deux ans plus tard ont plongé le pays dans une torpeur qu’il n’avait plus connue depuis la fin des années 2000. L’Espagne semblait être redevenue une grande nation sur papier, mais finalement bien quelconque une fois engagée en compétition. En tout cas, une équipe qui ne faisait plus peur.
Cela doit changer. Certes, on ne saura jamais ce que la Selección aurait pu réaliser si Lopetegui avait pris place sur le banc cet été. Mais le fait est qu’après avoir tout gagné, elle vient de se planter trois fois d’affilée. Et avec les joueurs que possède toujours la Roja (on pense notamment à Isco, Asensio, ou encore Sergio Busquets), elle mérite mieux que les prestations parfois piteuses dont elle nous a gratifiés lors des derniers tournois.
La nomination d’une forte personnalité comme Luis Enrique, un gars intransigeant et un pur gagneur, est de nature à rendre cette faim de victoire à la sélection rouge. "C’est une personne sincère, qui brûle de gagner" , a déjà pu constater Alvaro Morata. Mais le garçon n’est pas toujours facile. Et très peu apprécié par les supporters merengues .
LE LEADER: Isco, né pour briller
Finie l’époque de Xavi, terminée celle d’Iniesta, l’Espagne va devoir se reconstruire autour d’un nouveau patron. Et il prend les airs d’un petit lutin barbu nommé Isco. Malgré l’échec mondial, le meneur du jeu du Real Madrid reste l’une des satisfactions espagnoles, avec sa capacité à créer le danger depuis tous les endroits du terrain. Hyperactif, doué, dangereux, le milieu de terrain doit continuer sa mue pour devenir le patron ultime de sa sélection.
Une mutation qu’il avait déjà entamée sous Lopetegui, un coach qui le connaissait parfaitement pour l’avoir déjà dirigé avec les Espoirs. On se souvient notamment de sa prestation d’anthologie contre l’Italie, humiliée 3-0 en septembre 2017. Avec sa capacité à réaliser des transitions efficaces, son football devrait plaire à Luis Enrique, qui fera sans doute de l’Andalou sa plaque tournante. Marco Asensio et Saúl Niguez pourraient eux aussi jouer un rôle déterminant dans cette "Roja new-look" .
LA DÉFENSE: Une défense à reconstruire
Des années durant, ils ont formé un duo très complémentaire sur papier. Mais la paire Piqué-Ramos appartient maintenant au passé, suite à la retraite du premier. Quant au second, à 32 ans, il est plus proche de la fin que du début et Enrique doit déjà penser à l’avenir. Il est donc temps pour le coach de le préparer, avec sans doute un Nacho, qui avait déjà montré de jolies choses (notamment un beau but) au Mondial, côté droit.
Sur les flancs, Enrique a surpris en ne convoquant pas Jordi Alba, pourtant presque indéboulonnable depuis ses débuts. Les deux hommes ne s’entendent guère depuis leur collaboration à Barcelone et la rancune semble tenace. "Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas été repris" , s’est contenté de déclarer le latéral gauche du Barça suite à cette non-sélection.
D’autre part, le choix de Marcos Alonso (Chelsea) colle avec cette envie de rester proche des standards espagnols tout en leur insufflant plus de punch.