Mondial 2019: Marta, c’est plus fort que toi
La patronne du foot brésilien n’a qu’un objectif : une première victoire au Mondial. Portrait.
- Publié le 20-06-2019 à 13h54
La patronne du foot brésilien n’a qu’un objectif : une première victoire au Mondial. Pelé ou Maradona ? Ronaldo ou Messi ? Platini ou Cruyff ? Chez les hommes, il y a toujours débat sur l’identité du meilleur joueur de tous les temps. Chez les femmes, par contre, la question est réglée depuis un certain temps. Son nom est Marta Vieira Da Silva.
Six titres de meilleure joueuse Fifa (dont cinq d’affilée entre 2006 et 2010), sept championnats de Suède, deux des États-Unis, une Ligue des champions, une Copa Libertadores, trois Sudamericano Femenino (la Copa America féminine, en somme), deux fois les Jeux panaméricains, le palmarès de Marta ne souffre que d’une grosse lacune : jamais encore l’Auriverde n’a gravi le toit du monde. À trente-trois ans, ce Mondial français est peut-être l’ultime opportunité de compléter cet impressionnant tableau de chasse.
En attendant, la Brésilienne vient encore d’accrocher un record. En inscrivant un penalty contre l’Italie, l’attaquante est devenue la meilleure buteuse de tous les temps en Coupe du monde, tous genres confondus. Exit Miroslav Klose et ses seize pions, Marta est désormais première, avec dix-sept caramels distribués en cinq éditions du Mondial (autre record).
Il faut dire que cela fait maintenant plus de quinze ans que la capitaine de la Seleçao arpente les prés, avec une vivacité, une créativité et une technique qui colle parfaitement avec son passeport.
Repérée à l’âge de quatorze ans lors d’un stage à Vasco de Gama (à Rio), l’adolescente ne doit attendre que trois ans avant d’intégrer l’équipe nationale et disputer sa première Coupe du monde. L’histoire est en marche.
Petite (1,62 mètre), dotée de pieds minuscules (elle chausse du 35), la gauchère possède pourtant le gabarit idéal pour faire danser ses adversaires. "Elle vous rend dingue", explique Brandi Chastain, ex-internationale américaine, au New York Times. "On ne sait pas s’il faut aller la chercher elle ou le ballon. Des joueuses préfèrent se débarrasser de la balle dès qu’elles sont sous la pression d’une défenseuse. Mais Marta voit plus cela comme une occasion de sortir un truc génial." Comme sur ce but délicieux inscrit face aux States en demi-finale du Mondial 2007, où elle se joue de sa vis-à-vis d’une aile de pigeon avant d’ajuster une autre adversaire et la gardienne.
Cette habileté balle au pied l’emmène jusqu’en Suède, alors au sommet de l’Europe. Commencent alors les allers-retours entre son pays d’adoption (elle en a pris la nationalité en 2017), les USA, une référence en matière de soccer, et son pays natal. Au total, elle pose ses valises dans dix clubs.
Et partout où elle passe ou presque, l’attaquante d’Orlando Pride remporte un titre, enquille les buts et les passes décisives. Et gagne en popularité. Au point de devenir la première femme à avoir ses empreintes de pieds moulées dans le bitume du Maracaña.
Aujourd’hui encore, Marta est plus que jamais le visage d’un foot brésilien au féminin qui prend de plus en plus d’ampleur. Numéro 10 sur le dos, la joueuse poursuit sa mission sur et en dehors du terrain. Cela passera notamment par un sacre mondial, qui lui échappe toujours. Vu la petite forme de son Brésil actuellement, la voir soulever le trophée à Lyon ne ferait qu’étoffer sa légende.
Celle de la Reine Marta.
"Le Brésil est toujours très macho"
Marta vient d’un milieu défavorisé. Et pas toujours à l’aise avec une fille à crampons.
Marta, c’est l’incarnation de la success- story footo-brésilienne. Celle d’une gamine du petit (et très pauvre) État d’Alagoas, dans le nord-est du pays, abandonnée par son paternel quand elle était encore bébé et élevée avec ses trois frères et sœurs par sa mère et le foot de rue. "J’étais quasi une des seules filles à jouer avec les garçons dans ma petite ville" , déclare-t-elle au NY Times. "Certains m’acceptaient, d’autres pas. Ça jasait quelque peu à propos de ma famille. Le Brésil est toujours très macho et le sport, c’est pour les garçons." "J’ai très rapidement appris à me battre" , complète-t-elle pour Le Matin.
Coup de pot , Marta a un cousin qui connaît à Rio quelqu’un qui pourrait l’aider. C’est donc parti pour trois interminables jours de bus, afin d’atteindre la cité carioca. Elle n’a que 14 ans, et l’envie de réussir chevillée au corps. Un peu flippée, Marta ? "Pourquoi aurais-je eu peur de ce voyage ? C’était mon envie profonde d’atteindre mon objectif et c’était là-bas qu’il se situait" , assène-t-elle en 2009.
La rage de vaincre, toujours. Une force de caractère qui a aujourd’hui fait de la petite dribbleuse de Dois Riachos et de ses terres arides la plus grande icône de son sport. Celle qui pointe désormais le signe "éga l" dessiné sur sa chaussure droite dès qu’elle marque, afin de plaider pour l’égalité hommes-femmes dans un sport toujours résolument masculin.
Oui, l’aura de cette ambassadrice de l’Unesco s’étend bien au-delà du rectangle vert.