Marc Wilmots se confie : "Je n’ai pas de leçons à recevoir"
Rencontre avec l’ancien coach des Diables Rouges qui joue une finale avec la Côte d’Ivoire contre le Maroc. Objectif : gagner son billet pour la Russie.
- Publié le 10-11-2017 à 06h47
- Mis à jour le 10-11-2017 à 15h34
Rencontre avec l’ancien coach des Diables Rouges qui joue une finale avec la Côte d’Ivoire contre le Maroc. Objectif : gagner son billet pour la Russie. Impossible de dissocier Marc Wilmots de la fabuleuse épopée de six ans des Diables Rouges. Même si l’aventure s’est terminée par une élimination douloureuse en quarts de finale de l’Euro 2016 face au pays de Galles, impossible d’effacer six années de folie qui ont vu les Diables transiter de la cave au sommet du foot mondial.
Demain, Willie va tenter de qualifier la Côte d’Ivoire pour sa quatrième phase finale de Coupe du Monde. Le match décisif a lieu à Abidjan face au Maroc qui possède un point d’avance. "Une vraie finale où il n’y a aucune question à se poser", dit-il.
Ces derniers (longs) mois, Marc Wilmots s’est volontairement tenu à l’écart des médias. Il n’a répondu qu’à une sollicitation pour la presse écrite afin de tirer son bilan de l’Euro. À l’époque, il était encore un peu à cran car la critique ne l’avait pas épargné.
Aujourd’hui, c’est le passé. Un passé dont il peut être fier et dont le travail continue à payer. S’il ne verse pas dans la nostalgie (ce n’est pas le genre de la maison), il ne peut s’empêcher, inconsciemment peut-être, de jeter des œillades à cette équipe nationale dont on attend beaucoup, peut-être trop. Ce n’est sans doute pas un hasard si pour sa reprise de contact avec les médias belges, il a choisi l’hôtel Crowne Plaza de Diegem. L’établissement où il a ses habitudes puisqu’il a hébergé les Diables Rouges lors des rencontres internationales avant qu’ils ne prennent possession du centre national de Tubize.
Évidemment, nous avons une envie folle de le bombarder de questions sur les Diables, Nainggolan, Hazard-De Bruyne, Lukaku and Co mais ce n’est pas le sujet du moment. En tout cas pour lui, même si nous sentons que cela le démange.
Son obsession actuelle est pourtant, elle aussi, mondiale : qualifier la Côte d’Ivoire pour le rendez-vous en Russie.
"C’est une finale. En 90 minutes et quelques où il n’y a qu’une seule option : battre le Maroc" , raconte-t-il. "Il faut savoir que j’ai dû entièrement reconstruire un groupe car les problèmes existaient et toute une génération avait pris sa retraite. Celle qui avait fait les beaux jours et la fierté du pays et qui doit tirer son chapeau à l’Académie de Jean-Marc Guillou car c’est elle qui a sorti tous ces talents. J’ai tenté, au fil des mois et de la phase éliminatoire, de créer un mix entre des joueurs d’expérience comme Gervinho, Gradel ou Kalou et des jeunes talentueux mais qui n’ont que peu de sélections. J’ai eu un nombre hallucinant de blessés (NdlR : jusqu’à 10 pour un match contre le Gabon) , je suis parvenu à convaincre des Franco-Ivoiriens de venir aider le pays car, dans le championnat local, le réservoir n’est pas suffisant. Bakayoko (Chelsea) avait dit oui avant de changer d’avis. Or c’était mon n°6 tout indiqué. Je possède deux attaquants de niveau mondial (Zaha de Crystal Palace et Kodja d’Aston Villa) mais… ils n’ont jamais été disponibles. Sur le plan de l’organisation, j’ai amené du professionnalisme comme nous l’avions fait avec Steven Martens pour les Diables Rouges. Dans le staff, nous sommes cinq en provenance de Belgique avec deux pour le technique (Mario Innaurato et moi sommes les deux seuls salariés pros), Thierry Verjans et deux pour le médical. J’aurais aimé emmener Vital Borkelmans dans mes bagages mais, financièrement, la fédé n’en avait pas les moyens. Je l’avoue sans fanfaronner : qualifier la Côte d’Ivoire pour la Coupe du Monde, c’est le plus grand défi de ma carrière. Exaltant. Il est beaucoup plus simple pour un pays européen de gagner son ticket pour un Mondial. Ici, ça passe ou ça casse."
"Beaucoup de gens parlent à ma place"
Après l’arrêt de commun accord avec l’Union belge en août 2016, Marc Wilmots n’a pas sauté sur la première occasion ni le premier club venu. Pourtant, nous aurions pu penser qu’il aurait rapidement rebondi. Pour ne pas perdre la main et pour assouvir son désir de terrain quotidien. La Côte d’Ivoire, ce fut une surprise.
"Beaucoup de gens parlent pour moi. Il y a eu des touches, des clubs, des sélections (NdlR : l’Algérie notamment) mais je n’ai pas voulu replonger trop vite. En équipe nationale belge, j’avais beaucoup donné. Les derniers temps dans un climat délicat. Souffler, prendre du recul, écouter, voir, cela n’est pas inutile dans une carrière. Si j’avais vraiment voulu un club, j’en aurais eu un. Quand la fédération ivoirienne a frappé à ma porte, j’ai réfléchi. Primo. C’est un grand nom du foot africain et l’idée d’écrire l’histoire en franchissant enfin un tour en phase finale de Coupe du Monde, c’est un beau défi. Secundo. Goûter à la culture d’un autre continent, cela n’était pas pour me déplaire. Et j’apprends beaucoup."
Parce qu’il est arrivé brut de décoffrage et a tout découvert.
"Reprendre les Diables Rouges, c’était plus simple pour moi car j’avais été adjoint durant trois ans. J’avais pu observer et j’avais les clés du groupe, ce qui me permettait d’anticiper les problèmes."
Demain, sur la pelouse (que l’on annonce bosselée) du stade Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, face au Maroc de ces vieilles connaissances de Boussoufa et Dirar, Marc Wilmots sera un héros ou un zéro. Héros comme il le fut un soir d’octobre 2013 à Zagreb. Zéro la note que certains ont voulu lui infliger lors de cette défaite face aux Gallois à Lille en juin 2016.
"Un jour, je travaillerai avec Lucien D'Onofrio"
Concernant son avenir, l’ancien sélectionneur fédéral ne ferme aucune porte…
Marc vit en Belgique mais a parcouru la Côte d’Ivoire pour dénicher des talents et enfile aussi les kilomètres pour scouter ses internationaux en France, en Angleterre. Sans oublier d’aller visionner ses deux fils Maarten et Reno qui jouent au pays. Maarten évolue en U18 au Standard après avoir effectué quelques apparitions chez les A à Saint-Trond. "C’est un box-to-box", dit-il.
Reno s’est exilé à Roulers en D1B où il fait son trou. Et le papa a rapidement, peut-être trop, scandé qu’il ne travaillerait pas dans un club belge dans les cinq ans.
"C’était une façon de parler", précise-t-il. "Je n’ai pas mis de date mais je n’avais pas envie de revenir dans un milieu où mes compétences sont parfois remises en question. J’ai sept ans de coaching derrière moi, cinq Coupes du Monde, je n’ai pas de leçon à recevoir. Aujourd’hui, je ne ferme aucune porte. Il faut voir le projet, la structure en place, les ambitions. Il faut que je le sente…"
Malgré un huitième coach récemment limogé dans notre division 1, aucun club noir-jaune-rouge n’a tenté le coup. Même pas Malines un club qui l’a pourtant vu exploser en tant que joueur. Par contre, l’arrivée ou plutôt le retour de Lucien D’Onofrio dans un club de Pro League, cela le réjouit.
"Nous sommes amis. Ce n’est pas un secret. Nous nous sommes mutuellement soutenus à différents moments de nos vies et nos carrières. Avant de s’engager avec l’Antwerp, il m’en avait parlé. C’est un homme de défi et de projet et quand il choisit de se plonger dans un projet, c’est pour le réussir. C’est un grand connaisseur de foot et un dirigeant visionnaire. C’est rare que ces deux qualités soient réunies. Jusqu’à présent, il n’a pas dépensé beaucoup d’argent pour que l’équipe tienne la route. Il met la structure en place pour que le club puisse progresser. La direction de l’Antwerp a les moyens de ses ambitions. Un jour, je travaillerai avec Luciano. Je ne sais pas où ni quand mais c’est écrit. J’ai connu un boss de son envergure : Rudi Assauer à Schalke. Il avait lui aussi mis une structure solide en place et le club a connu des années de gloire."
"Aujourd'hui, les Diables sont mûrs"
Pour Marc Wilmots, la Belgique a fait un bon tournoi lors de l’Euro 2016…
Le chapitre est fermé. Un beau chapitre de six ans avec cinquante matchs joués, trente-sept victoires, deux qualifications pour de grands tournois (Coupe du Monde 2014 et Euro 2016), un stade Roi Baudouin à nouveau plein (ce qui n’est plus le cas aujourd’hui…), une communion supporters-joueurs. Bref, une belle envolée de notre équipe nationale même si certains préfèrent ne garder que le (très mauvais) souvenir gallois.
Marc n’est pas du genre à ressasser le passé ni à refaire l’histoire, qu’elle soit tactique ou pas.
"Kompany, Vermaelen et Vertonghen absents, cela nous laissait peu de possibilités. Durant vingt-cinq minutes, nous étions les rois du terrain avant de reculer. Robson-Kanu (NdlR : l’un des buteurs gallois) a réussi une fois le mouvement qui a amené son but, etc. Moi je reste convaincu que nous avons réalisé un bon tournoi. Je suis et je reste supporter des Diables Rouges. J’ai vécu de formidables moments avec eux. Je ne veux pas juger ce qui se fait aujourd’hui mais ils ont tous deux ans de plus. Cela s’appelle la maturité, l’expérience. Lors de la Coupe du Monde au Brésil, la Belgique a aligné l’équipe à la moyenne d’âge la plus basse. C’était un investissement pour l’avenir. Tout le monde a oublié que la Belgique avait disparu des radars depuis douze ans. Elle a de nouveau été mise sur la carte du monde. Lukaku ? Il était très jeune, il l’est toujours mais quelle progression. C’est un vrai buteur. Il est vif, puissant et plus fort mentalement. Vous en connaissez beaucoup à travers le monde ?"
À la question "pouvons-nous devenir champions du monde ?", Willie ne dit pas non mais il y a un mais… "D’autres équipes possèdent au moins autant de qualités que nous : l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Argentine,…"