"Les joueurs préfèrent souvent se taire"

Roland Thibaut
Stéphane Pauwels et Steven Martens, CEO Union Belge, sont en visite à La DH.
Stéphane Pauwels et Steven Martens, CEO Union Belge, sont en visite à La DH. © Bernard Demoulin

En s’installant en 2011 sous la grisaille de la Maison de Verre, Steven Martens avait discrètement convoqué quelques hommes de confiance dans ses nouveaux bureaux. Le temps de prendre ses repères et ses informations. Ses mises en garde si nécessaire. Sans clairon ni trompette, Stéphane Pauwels avait alors fait partie de ce premier cercle de conseillers.

Trois ans plus tard, la DH et le projet Citizens of the World auront pris le temps de réunir les deux hommes à l’occasion d’un grand inventaire du football belge.

L’équipe nationale n’est-elle pas aujourd’hui la meilleure séance d’hypnose du football belge. Celle qui permet de cacher le délabrement de nos clubs et de notre système ?

Steven Martens : "J’ai un peu de mal avec cette idée que les Diables constitueraient aujourd’hui l’arbre qui cache la forêt. Je le confesserais si les résultats de notre travail n’avaient pas été visibles avant les succès de l’équipe nationale. Mais quand vous regardez le travail de réconciliation que nous avons entrepris entre les Diables et les supporters, force est de constater qu’il était déjà visible avant le match face aux Pays-Bas. Je ne veux pas de triomphalisme. Nous avons réussi un premier défi en unissant l’équipe nationale et le public mais le second est bien plus complexe. Il s’agit de permettre à tous les joueurs actifs de profiter des retombées des Diables au nom d’une forme de solidarité. Mais nous aurons aussi besoin d’autres types de clubs, d’autres modes de gestion. L’avenir est à ce prix."

Stéphane Pauwels : "La Fédération belge ne peut pas endosser tous les maux du football belge, ce serait simplement ridicule. J’ai suffisamment prétendu depuis trois ans que l’arrivée de Steven Martens était une bénédiction pour le football belge qu’il ne s’agit plus de le répéter. Le grand ministère qu’était l’Union belge est en train de changer. Certains meubles bougent lentement, mais un travail de fond est engagé. Mais maintenant que le succès des Diables est là, la question est aussi de savoir ce que l’on en fait. On est parti pour dix ans mais c’est maintenant qu’il faut bosser."

Précisément. Où se situe aujourd’hui l’urgence ?

St. M. : "Les chantiers sont connus : la formation des jeunes et l’aide nécessaire à certains clubs concernant leurs infrastructures. Nous pouvons les épauler, parfois financièrement, mais je ne peux pas non plus jouer les gendarmes. J’ai un pouvoir d’influence sur les clubs et les gestionnaires, mais je ne peux pas non plus nettoyer tous les clubs et virer les gens incompétents."

St. P. : "Mais regardez la confusion des genres. Le ministre Antoine s’était fendu de grands effets d’annonce sur le Plan Foot. Au final, et en caricaturant un peu les choses, on peut dire que tout cela a servi à faire plaisir à des amis et à rénover des buvettes. Ce n’était pas aux politiques de faire ce travail. La Fédération doit pouvoir être chargée de ce genre de missions ! J’avais proposé au ministre Antoine de créer des centres techniques régionaux à la mode française. Dans des régions malades et où les clubs sont mal gérés, cette solution est le meilleur plan pour la détection des talents et pour la formation. Rien n’a bougé."

St. M. : "Tu as raison. Et les choses sont d’ailleurs nettement plus avancées en Flandre. On risque d’ailleurs d’arriver à un système à deux vitesses. La Wallonie est en retard et j’en ai parfois marre de courir derrière certains. Je rajouterai un bémol: la Flandre a l’avantage de regrouper à la louche les deux tiers de la population sur un tiers du territoire alors que la Wallonie connaît la situation inverse. C’est moins facile d’organiser la détection des talents et la formation."

Derrière cette formation sportive, il y a aussi la formation éducative. Et sincèrement la flambée des faits divers, la banalisation du racisme font parfois peur. Qui doit agir ?

St. P. : "On est dans un problème sociétal. J’ai toujours été frappé en évoquant le sujet avec des Aloys Nong ou des Joachim Mununga du fatalisme autour de ce sujet. Ils m’expliquaient que le silence était la seule réponse aux cris et aux insultes qu’ils ramassaient. Il faut arrêter de croire que les campagnes du genre Touche pas à mon pote vont encore avoir de l’effet. Je propose que la Fédération paie quatre ou cinq anciens joueurs de haut niveau comme Fadiga ou Jbari pour aller au contact des gamins, visiter les clubs et les équipes. Rien ne remplacera cette pédagogie-là."

St. M. : "Je prends note de l’idée à laquelle je n’avais pas pensé. Ceci dit, on ne fera sans doute pas non plus l’impasse sur davantage de fermeté par rapport à des gestes violents ou racistes. Il faut poser des limites claires et mettre certains hors-la-loi."

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