Le CEO de l’Union belge Peter Bossaert se dévoile: "J’espère voir les premières maquettes du stade en novembre"
Peter Bossaert nous parle des grands chantiers de l’Union belge, dont la future Golden Generation Arena, espérée pour 2022.
- Publié le 11-04-2019 à 08h43
- Mis à jour le 11-04-2019 à 10h20
Peter Bossaert nous parle des grands chantiers de l’Union belge, dont la future Golden Generation Arena, espérée pour 2022. Cela fait un peu plus de six mois que Peter Bossaert a pris ses fonctions de CEO de l’Union belge et son visage n’est pas encore très connu du grand public. Même s’il débarque du monde des médias, ce Brugeois de 52 ans préfère travailler dans la discrétion. Et les chantiers ne manquent pas entre le nouveau stade, le Footgate et la modernisation d’une fédération encore trop poussiéreuse.
Jeudi dernier, il a accepté de recevoir La DH dans son bureau, situé au dernier étage de la maison de verre. Au mur, deux maillots des Diables dédicacés et le diplôme reçu de la Fifa qui certifie notre troisième place à la Coupe du monde de l’été passé. Si une boîte de Spéculoos est en bonne place près des dossiers (il est aussi administrateur indépendant chez Lotus), l’homme fort de l’UB affiche une ligne de marathonien. "J’essaie de faire beaucoup de sport. Ça me donne de l’énergie et il en faut dans ma fonction" , sourit-il.
Comment se passent vos débuts à la fédération ?
"Bien. J’ai toujours rêvé de travailler dans le monde du foot. Dans ma vie, j’ai toujours eu le privilège de travailler pour des produits extraordinaires : la télé, la radio, les télécommunications. Maintenant le foot. Ce sont des choses spéciales."
Le foot est vraiment un milieu très spécial.
"Oui, mais je vois quand même pas mal de similitudes avec le monde des médias. L’impact sociétal de notre produit est très large, plus que sa propre valeur économique. Les journaux n’arrêtent jamais d’écrire sur le foot. La télé en parle beaucoup aussi."
Vous aimez le football depuis longtemps ?
"Depuis tout petit. Mais je n’ai jamais joué, j’ai toujours été un supporter."
Et vous êtes originaire de Bruges…
"Et donc, on supporte Bruges (rires). Avec mon grand-père, on allait à pied au stade dès que j’ai eu 5 ans. Je n’ai pas connu le temps du Klokke mais juste après. J’ai vu de grands matchs européens. Liverpool, Ipswich… J’ai continué à me rendre à Bruges pendant longtemps. C’était vraiment à côté de la maison. Depuis la fin de mes études, j’habite à Anvers et j’y suis beaucoup moins allé."
Vous pourriez encore aller au stade à Bruges en tant que CEO de la fédération ?
"Tous les gens qui sont dans le foot ont commencé par une connexion avec un club en particulier. Tout le monde a un club de cœur. Mais je suis indépendant et il faut veiller sur la perception. J’irai parfois à Bruges mais j’irai aussi dans les autres stades du pays. Je n’ai jamais eu aucun lien professionnel avec le Club. C’est toujours resté dans le cercle privé. J’arrivais 2 minutes avant le match et je partais 2 minutes avant la fin pour éviter les bouchons. Je n’ai jamais construit de relations à Bruges."
C’est tout de même Bart Verhaeghe qui vous a demandé de venir travailler à la fédération.
"Oui, c’est lui qui m’a appelé. Bart n’est pas seulement président du Club de Bruges, il investit aussi beaucoup de son temps pour le développement du football belge. On se connaît depuis pas mal de temps."
Verhaeghe dit de vous : "Avec Peter, on a enfin quelqu’un qui fait bouger les choses à l’UB."
"Il fallait du changement. C’était un constat qui avait été tiré bien avant mon arrivée. Changer les choses, ça demande beaucoup d’énergie. Je suis assez impatient et j’ai l’impression que ça commence à bouger. On est sur les rails."
Votre premier grand coup, c’est l’annonce de la Golden Generation Arena.
"Toute la Belgique attend de voir les Diables jouer dans un nouveau stade. Les Diables, c’est notre meilleur produit d’exportation en Belgique. Y a pas mieux. Je voyage beaucoup depuis mon arrivée. Partout où je suis, on me parle de Hazard, de De Bruyne ou de Lukaku dès que je mentionne que je suis belge. C’est la même chose pour tous les Belges qui partent à l’étranger. Le monde admire nos Diables. Quand ils jouent ici, ce sont des grands moments mais l’infrastructure autour est lamentable. Ce n’est pas bien pour notre image. On ne peut pas être fier quand on rentre dans le stade Baudouin. C’est désuet. C’est comme regarder un grand film dans un vieux cinéma avec des bancs en bois. Je parle des Diables mais c’est aussi valable pour, par exemple, Nafi Thiam. Elle va sans doute encore battre des records du monde dans le stade. Mais dans quel cadre ?"
C’est parce que le stade est dépassé que même les Diables n’arrivent plus à le remplir ?
"Le sport, c’est devenu de l’entertainment. Et on ne sait pas offrir cet aspect aux gens qui viennent au stade. Faisons la comparaison avec l’ArenA d’Amsterdam. Les premiers matchs datent de 1999 dans les deux enceintes, juste avant l’Euro. Au début, c’était assez froid à Amsterdam. Il y avait un fossé autour du terrain. Regardez maintenant. J’y étais pour le match Ajax - Real. C’est formidable. C’est un vrai stade avec beaucoup d’ambiance. Les lumières s’éteignent et ça se transforme quasi en salle de concert. C’est ça, l’entertainment. Il y a des bars et de la nourriture qu’on sait amener dans le stade. On s’assied sur des sièges confortables. Ça nous manque totalement ici. On n’a plus investi depuis vingt ans dans le stade Baudouin. L’ArenA d’Amsterdam semble encore neuve."
Qui va payer ce stade ?
"Ce sera un projet public. Le projet est simple comme tout. Il y a nous, la fédération, qui organisons six à huit matchs par an, il y a le Mémorial Van Damme et quelques autres événements. On ne change rien à ce niveau. On veut juste modifier l’infrastructure qui est devenue laide. Juste ça. Le fonctionnement restera identique avec la Ville de Bruxelles qui exploiterait le stade. On a le soutien entier du monde politique."
Même de la N-VA ?
"Oui, aussi. Après notre annonce, c’était même le premier parti à confirmer son soutien pour ce projet. J’avais discuté avec tous les partis avant cette annonce. Si je n’avais pas eu le soutien de tout le monde, je n’aurais fait cette communication."
La date de 2022 a été annoncée pour ce nouveau stade. Nous sommes en 2019 et en Belgique. Est-ce bien réaliste ?
"Oui, je pense que c’est possible d’y jouer en 2022. Il faut compter deux ans pour les travaux et un an de préparation."
Il faut donc commencer maintenant.
"Oui. Vous avez vu qui est sorti du bureau avant votre arrivée ? C’était les gens de la Ville de Bruxelles, pour en parler. C’est très concret, on y va. Mais il reste du chemin."
Quand pourra-t-on voir la première maquette ?
"On a organisé un concours auprès des universités. On va bientôt les inviter pour les briefer sur nos demandes. On verra les délais nécessaires pour avoir leur retour concret mais j’espère pouvoir montrer les premières maquettes en novembre."
Quelles seront vos demandes pour les ingénieurs et architectes qui rendront un projet ?
"On veut un stade de foot et d’athlétisme. Et même peut-être d’autres sports. Le grand défi du concours qu’on a lancé, c’est de voir comment on peut améliorer la vision des supporters pour les matchs de foot malgré la piste. Je suis persuadé qu’il y a des solutions. Il faut travailler sur l’inclinaison des tribunes. L’inclinaison actuelle est très faible. Si l’on incline plus, ça sera déjà une grande différence. Actuellement, il y a neuf couloirs sur la piste, huit suffisent. On pense aussi qu’en mettant le terrain trois-quatre mètres plus bas ça améliorera le champ de vision. Il y a des exemples dans le monde entier. Quand je suis allé à Hampden Park en Écosse, j’ai remarqué que les tribunes et le terrain sont assez éloignés. Et pourtant, on a l’impression d’être proche de la pelouse."
La fédération peut surfer sur le succès des Diables mais doit aussi gérer les conséquences du Footgate. C’est le grand écart…
"C’est vrai. Il y a deux perspectives actuellement : les Diables admirés mondialement et les dévastés du Footgate. Et il faut le dire : l’image de la fédération n’est pas optimale. Il y a du travail et ça se fera sur le long terme. On a changé beaucoup de choses à la bonne gouvernance. On a aussi annoncé la simplification de la structure de la fédération. Maintenant, je peux vous dire en une minute comment on fonctionne. Il y a le management qui est responsable pour l’opérationnel et qui rapporte au conseil, composé de dix personnes. Un conseil non exécutif. Il est responsable de la stratégie et du budget. Puis il y a l’assemblée générale, qui est là pour les statuts et valider les comptes annuels. C’est tout. Tout le monde a approuvé ce changement à l’unanimité au sein du comité exécutif. Ça doit juste encore être approuvé le 22 juin à l’assemblée générale."
Le management sera donc le secteur le plus important.
"Comme dans chaque entreprise, il y a des compétences distinctes entre le management et le conseil."
Cherchez-vous déjà un nouveau directeur technique car Martinez ne veut pas cumuler en 2020, année de l’Euro ?
"On cherche ensemble un successeur. C’est un processus qu’on va entamer prochainement. On va écrire ensemble le profil recherché du directeur. Ou de la directrice, pourquoi pas ?"
C’est particulier : Martinez va aider à choisir un nouveau directeur technique. Directeur technique avec lequel il devra négocier son nouveau contrat s’il reste après l’Euro.
"Ce ne serait peut-être pas possible avec tout le monde, mais avec Roberto il n’y a pas de souci. Roberto pense beaucoup plus loin que le prochain match. Il songe aussi à la culture et à la structure."
La fédération devra aussi rapidement se trouver un nouveau président : Gérard Linard, atteint par la limite d’âge, arrête à la fin de la saison. Savez-vous déjà qui va le remplacer ?
"Non. La seule chose que je sais, c’est que Gérard va beaucoup me manquer. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point il nous aide à rendre le changement possible. Gérard nous appuie, c’est formidable. Il n’a qu’un défaut : son âge (sourire)."
Vous n’allez pas changer le règlement pour le conserver plus longtemps ?
"Non. On ne peut pas faire ça. On ne peut pas appliquer des règles de bonne gouvernance et les changer quand ça nous arrange."
Revenons au Footgate. Êtes-vous confiant d’avoir un verdict pour le 30 juin ?
"On va tout mettre en œuvre pour y parvenir. En novembre 2018, nous avons lancé l’enquête. Plus de 130 personnes ont été auditionnées au sujet de Malines - Waasland-Beveren et d’Eupen - Mouscron. Depuis quelque temps, nous avons obtenu des éléments de l’enquête pénale. Maintenant, ça ne prendra plus trop de temps pour arriver aux conclusions. Ce sera ensuite au parquet fédéral de voir si l’on transmet cela. La Commission des litiges d’appel pour le football professionnel sera la première instance. S’il y a des recours, ça se ferait au CBAS. Tout cela devrait être finalisé avant fin juin. Je pense qu’on sera dans les temps."
Ne craignez-vous pas qu’un club sanctionné aille au tribunal civil ?
"On ne peut jamais exclure ce scénario. Mais ça n’aurait pas d’impact sur le déroulement de nos compétitions. Ici, on s’occupe du droit du football, pas de l’aspect pénal."
Pour le public, ce serait un mauvais signal que Malines soit en D1A la saison prochaine…
"La procédure devra tout d’abord démontrer s’il y a des coupables. Nous allons être à 100 % transparents dans le procès. On veillera à notre communication, pour que tout le monde comprenne bien ce qu’il s’est passé et les décisions qui seront prises."
Combien de temps faudra-t-il ensuite pour que le football belge se remette de tout ça ?
"Réinstaller l’image d’une marque, c’est bien de ça dont on parle, ça prend du temps pour regagner la confiance du public. D’après mon expérience, j’estime qu’il faudra au moins deux ans."
L’Union belge a pris une décision très forte : après le déclenchement de l’Opération mains propres, elle a très vite suspendu ses arbitres Sébastien Delferière et Bart Vertenten, alors qu’ils restent présumés innocents.
"Pour moi, le premier critère d’un arbitre, c’est qu’on doit lui faire confiance. L’enquête fera ensuite la lumière sur leurs actes."
Comment réinstaurer cette confiance, notamment dans l’arbitrage ?
"L’arbitrage est une priorité. C’est notre devoir d’avoir des arbitres très bien préparés, à toutes les situations. Exemple avec les playoffs 1 : les arbitres assistants et les membres du VAR ont adapté leur préparation et partent ensemble pour Tubize en mise au vert la veille du match. Ils sont ravis de faire cette expérience. Cela demande un investissement supplémentaire de notre part mais ça le vaut. Il y a une meilleure approche physique et tactique. Cela n’est qu’une première étape. Fin mai, nous allons lancer un plan pour encore améliorer le niveau de l’arbitrage belge. Évidemment, l’ambition est un jour de retrouver un arbitre international du niveau de Frank De Bleeckere. C’est aussi ce que l’UEFA et la Fifa nous demandent. Mais on ne doit pas se fixer d’échéance trop courte, nous devons d’abord bien travailler et les résultats suivront."
Dernière question : quel est votre plus grand défi actuellement ?
"C’est une question difficile, tant ils sont nombreux. Sportivement, notre vraie ambition est de devenir champions d’Europe en 2020. Cette génération est tellement exceptionnelle qu’on se doit, à un moment donné, de remporter un titre. Mais nous sommes aussi très ambitieux en dehors du terrain. Les missions sont nombreuses : la mise en place d’une nouvelle structure, le déménagement de toute la fédération à Tubize, la nouvelle approche de l’arbitrage, le développement du football féminin dans lequel je crois beaucoup, la rénovation du stade. Tous ces projets doivent nous mener vers une fédération plus ambitieuse et plus professionnelle."