La Tunisie, l’autre équipe de France
Les Aigles de Carthage se sont ouverts au binationaux : 9 des 23 joueurs présents en Russie sont nés dans l’Hexagone. Analyse d’une nouvelle tendance.
- Publié le 22-06-2018 à 12h16
- Mis à jour le 22-06-2018 à 16h34
Les Aigles de Carthage se sont ouverts au binationaux : 9 des 23 joueurs présents en Russie sont nés dans l’Hexagone. Analyse d’une nouvelle tendance.
Contre l’Angleterre ce lundi, ils étaient 9 à débuter la rencontre. Mouez Hassen avait pris place dans les buts, la moitié droite de la défense était constituée de Dylan Bronn et Syam Ben Youssef. Ellyes Skhiri était positionné en sentinelle à proximité d’Anice Badri et de Naim Sliti, chargés de soutenir Wahbi Khazri en pointe. Avec Yohan Benalouane et Saîf-Eddine Khaoui sur le banc, neuf Tunisiens présentent la particularité d’être nés en France. Le contingent des binationaux appelés par Nabil Maâloul n’atteint pas les sommets de celui du Maroc (20 sur 23) de cette année ou de l’Algérie version 2014 (17 joueurs nés en France), mais il apparaît comme le deuxième plus épais parmi les 32 mondialistes. Il traduit aussi une nouvelle réalité : longtemps centré sur son championnat d’un niveau plus relevé qu’ailleurs en Afrique, la Tunisie a fini par imiter ses voisins maghrébins en s’ouvrant à sa diaspora issue de la deuxième ou de la troisième génération de l’immigration.
Ce choix a valu à Nabil Maâloul d’essuyer de nombreuses critiques vu l’attachement des Tunisiens à leurs équipes locales. Le sélectionneur n’a pas dévié d’une ligne de conduite mûrement réfléchie.
"Il y a eu des discussions, des rencontres. Il fallait prendre le temps de se parler. Les binationaux ont rejoint le groupe en mars. Je ne voulais pas le faire avant, pour ne pas perturber l’équilibre du groupe qui disputait les éliminatoires, a-t-il expliqué dans Jeune Afrique. À chaque fois, on fait venir de nouveaux joueurs et il n’y a jamais de problème, qu’ils viennent du championnat local ou de l’étranger. Ils jouent en Ligue 1, en Ligue 2 et en Premier League. Je pense, et tout le monde le pense, qu’ils vont hausser le niveau de l’équipe nationale. Il faut avoir les deux : des joueurs qui connaissent la mentalité locale et des joueurs qui connaissent le haut niveau européen. Tout est question de mélange et de cohésion." Se défendant de faire du social, Maâloul n’a pas hésité à poser des choix forts en laissant par exemple à la maison Aymen Abdennour et ses 57 sélections pour convoquer Yohan Benalouane. Une décision plus facilement acceptée par la délicate saison du premier à Marseille même si le second a encore moins joué à Leicester.
Avant de se blesser et de voir son tournoi probablement terminé, Mouez Hassen avait lui été installé comme titulaire d’Aymen Mathlouthi, capitaine depuis 2015 et qui semblait indéboulonnable. Dragué depuis 2016, le gardien a pris son temps.
"J’étais forcément intéressé à l’idée d’évoluer avec la Tunisie mais je voulais d’abord jouer dans un club, a expliqué celui qui a été prêté cette saison à Châteauroux par Nice. Il fallait faire les choses dans l’ordre. J’aurais accepté, même s’il n’y avait pas eu de Coupe du Monde cette année. C’est un choix du cœur, mes parents sont d’ici, c’était une évidence de signer ici (sic). Après, c’est sûr que j’ai joué en équipe de France jeune, j’ai fait toutes les catégories mais c’est le processus qui est mieux en France dans les centres de formation, c’est la meilleure formation qui puisse y avoir chez les jeunes. Je suis content d’avoir fait cette formation avec l’équipe de France et venir m’affirmer en Tunisie, représente un grand bonheur."
Souvent taxés d’opportunistes, les nouveaux venus se retrouvent placés dans l’obligation d’être encore plus performants. Ellyes Skhiri, le talentueux milieu de Montpellier, s’est par exemple vite imposé dans l’entrejeu alors que son rapport à la Tunisie, au-delà de son ascendance, se limitait à des vacances passées à Monastir.
À la différence de l’attaquant de Séville Wissam Ben Yedder, suppléant chez les Bleus, lui s’est montré plus sensible aux arguments exposés en décembre dernier par le président de la fédération et le sélectionneur. Et fait tout pour se fondre dans le groupe malgré la barrière de la langue.
"Tout le monde m’a bien accueilli, j’espère vite apprendre la langue, tous les joueurs comprennent le français, donc il n’y a pas de soucis de communication", a-t-il expliqué dans Le Monde, précisant ensuite : "Il peut y avoir des différences culturelles mais c’est à moi de m’acclimater."
Et de suivre l’exemple du précurseur Wahbi Khazri qui a opté pour la Tunisie depuis décembre 2012 et qui s’est imposé comme un cadre.
"Tout le monde a été intégré, surtout les nouveaux. Ils nous aident énormément, a précisé l’attaquant dans le journal L’Équipe. Du moment que tu apportes sur le terrain, tu es accepté sans qu’il y ait de souci. Et leur comportement est irréprochable."