Hugo Broos: "Ma carrière ne peut pas s’être terminée ainsi..."
Hugo Broos ne comprend pas qu’avec le palmarès qui est le sien, il ne soit pas davantage sollicité par un club belge à la recherche d’un nouvel entraîneur. Entretien avec notre ancien du dimanche.
- Publié le 26-09-2015 à 22h05
- Mis à jour le 27-09-2015 à 16h02
Hugo Broos ne comprend pas qu’avec le palmarès qui est le sien, il ne soit pas davantage sollicité par un club belge à la recherche d’un nouvel entraîneur. Hugo Broos guette l’arrivée des premiers frimas avec appréhension : "Pour l’entraîneur au chômage que je suis, les mauvais mois se profilent. J’ai rentré la bêche : le jardin hiberne. Quand il pleut, je ne sors pas mon vélo : les routes mouillées m’ont déjà fait tomber à deux reprises. Et si j’adore mes six petits-enfants, l’art d’être grand-père ne meuble pas toutes mes journées. Ma femme risque fort de me reprocher de nouveau d’être redevenu insupportable..."
Hugo Broos peut s’enorgueillir d’un des plus beaux palmarès de la corporation. Il a remporté trois titres nationaux avec deux formations différentes, le Club Bruges et Anderlecht, il a brandi deux coupes nationales et a été élu entraîneur de l’année à quatre reprises. Pourtant, depuis février dernier, le microcosme l’ignore superbement, une fois encore : délaissé comme entraîneur, il n’officie même pas comme consultant. "On dirait que ma carrière s’est arrêtée quand Genk m’a remercié, en février 2008. Si je n’avais pas obtenu des résultats, j’aurais pu le comprendre. Mais ce n’est pas le cas. Avec Genk, j’ai terminé deuxième et quand j’ai été viré, nous étions cinquièmes."
Le Brabançon s’est longtemps interrogé sur l’ostracisme dont il fait l’objet. "Ai-je mauvaise presse ? Suis-je trop cher ? Je n’ai jamais demandé 500.000 euros par an. Pendant l’entre-saison, le Cercle Bruges est le seul club belge qui m’ait contacté. J’étais un de ses deux candidats. L’autre était Van Der Biest. Le Cercle a opté pour Fred, qui connaît mieux la D2 que moi. Je peux le comprendre. J’en ai d’autant moins pris ombrage que le Cercle s’est montré très réglo avec moi."
Aujourd’hui, Hugo Broos a dépassé le stade de l’amertume : "Je ne veux absolument pas que ma carrière s’achève de la sorte. Quelques mauvaises expériences ne peuvent pas gommer un brillant parcours antérieur. Je recèle une grande expérience. Je peux encore rendre de précieux services à un club. Si pas comme entraîneur, du moins comme directeur technique ou même chef du scouting. Mais on ne veut apparemment pas de moi en Belgique. Si je reçois de temps à autre un coup de fil ou un mail, c’est toujours de l’étranger. Récemment, on m’a proposé un club égyptien mais aussi le poste d’entraîneur national irakien. J’ai décliné. Qu’irais-je faire là-bas, même la sélection s’entraîne dans le nord, plus calme que Bagdad ?"
Alors, Hugo Broos a pris une résolution : "Un de mes grands défauts est de n’avoir jamais su me vendre. Désormais, je sollicite. Quand un entraîneur est limogé, je pose ma candidature. J’ai ainsi téléphoné à Deinze, un club de D2 qui a conçu un vrai projet : il a choisi van Wijk. J’ai contacté Waasland-Beveren. Et même le Standard, quand le club de Sclessin a remercié Slavo Muslin. Ni l’un ni l’autre club ne m’ont même fait l’aumône d’une réponse…"
"Ferrera ne pouvait pas refuser une aussi belle opportunité"
"Marc Coucke sait ce qu’il veut, à l’instar de Constant Vanden Stock, naguère. Mais ce dernier n’aurait jamais dansé sur une table"
Le temps d’une interview, Hugo Broos a endossé le rôle du consultant…
Quelle équipe vous plaît-elle le plus ?
"La Gantoise. Elle produit du bon football, articulé sur un système de jeu clair. Vanhaezebrouck fait ce qu’on attendait de lui. Le club travaille bien. Le binôme De Witte-Louwagie me rappelle le duo Constant Vanden Stock - Michel Verschueren."
Quel entraîneur retire le maximum de son équipe ?
"Vanhaezebrouck mais aussi Peter Maes. Ce dernier pousse ses joueurs à leur plafond. Il l’a fait à Malines et à Lokeren et commence à le faire à Genk."
Comprenez-vous le départ de Yannick Ferrera de Saint-Trond au Standard ?
"Oui. Ferrera a réalisé un super boulot à Saint-Trond. Le club limbourgeois devait s’attendre à ce qu’un club plus huppé sollicitât son coach. Il a anticipé son départ en partant du principe que Yannick ne pouvait refuser une aussi belle opportunité."
L’entraîneur qui vous étonne le plus ?
"Felice Mazzù, encore inconnu en D1 à l’aube de la saison dernière. Avec lui aux fourneaux, la mayonnaise a bien pris à Charleroi, un club naguère réputé difficile."
Yves Vanderhaeghe est-il le leader de la jeune génération des entraîneurs ?
"Pour le moment, oui. Mais le statut est fragile. Glen De Boeck n’a-t-il pas été proclamé naguère le prince des entraîneurs ? Si Yves est happé par un plus grand club, ses résultats à Ostende pèseront d’un grand poids sur ses épaules."
Auriez-vous aimé être dirigé par des présidents comme Marc Coucke ou Bart Verhaeghe ?
"Ces deux dirigeants savent ce qu’ils veulent. Ils ont une vision et un projet. Mais, à mes yeux, Constant Vanden Stock demeure inégalable. Très compétent mais modeste dans son comportement, il était un seigneur. Il n’aurait jamais dansé sur une table, lui..."
Les consultants sont-ils utiles ?
"Ils sont le produit d’une nouvelle mode. Naguère, les journalistes assénaient un avis péremptoire. Aujourd’hui, les journaux préfèrent que les analystes s’en chargent. Leurs avis attisent parfois une certaine ambiance dans les clubs..."
Lequel préférez-vous ?
"Gert Verheyen, même s’il a été un peu cru après Naples. Mais il connaît le foot et dit toujours la vérité, sans périphrase. Il dit ce qu’il voit, sans chercher la sensation."
Vazquez et Vanaken peuvent-ils jouer ensemble ?
"Non. Sauf quand Bruges domine outrageusement, soit pendant 25% du temps de jeu. Sinon, ils courent dans les pieds l’un de l’autre et affectent l’équilibre de l’équipe."
Anderlecht aurait-il dû faire davantage encore pour attirer Boussoufa ?
"Non. Comment est le joueur, autant de temps après son départ du Sporting ? Le public aurait trop attendu de lui. Anderlecht s’était fixé une limite : c’est la marque d’une bonne gestion."
La paire Okaka-Ezekiel va-t-elle rappeler le duo Koller-Radzinski ?
"Non. Les deux ne sont pas complémentaires. Je préfère le duo Suarez - Okaka."
Praet aurait-il dû partir dès ce mercato ?
"Non. Il n’est pas prêt à rallier un tout grand club. Je comprends qu’un club n’ait pas voulu débourser 10 millions pour lui. Même chose pour Oulare : qu’est-il allé foutre en Angleterre ? Lui non plus n’est pas prêt."
"J’aurais toujours dû partir sur un succès"
Hugo Broos plaide coupable : il n’a jamais su se vendre et il s’en veut toujours de ne pas avoir quitté plus tôt Anderlecht
Après son départ précipité de Genk, Hugo Broos est resté inactif neuf mois : "J’ai alors répondu à l’appel de Panserraikos, une toute petite équipe grecque dénuée d’installations. J’y suis resté six mois avant d’être happé par Trabzonspor. Après quinze jours et alors que nous étions en stage, un journaliste turc qui parlait flamand m’a demandé combien de temps je comptais rester dans ce club. Il m’a affirmé que je serais viré au nouvel An car Senol Gunes, qui avait déjà signé pour Trabzon, ne pouvait se libérer de Corée du Sud qu’à la fin du mois de novembre. Il a raison : j’ai été dupé…"
Hugo Broos est ensuite rentré en Belgique : "J’ai eu la chance de rebondir à Zulte Waregem, en 2010-2011. Le président Naessens et Vincent Mannaert, alors manager de ce club, s’étaient presque mis à genoux pour me supplier de relever le défi : maintenir le club en D1, en dépit des mauvais transferts et d’un vestiaire exécrable. J’ai rempli ma mission : j’ai nettoyé le vestiaire. Si j’ai été viré, c’est notamment parce qu’on m’a reproché d’avoir versé dans le noyau B le fauteur de trouble Maréval et ainsi d’avoir fait perdre au club un capital revente."
Le Brabançon a alors suivi Francky Vercauteren à Al Jazira : "On y a bien travaillé, tous les deux, mais être adjoint n’est pas mon truc, même si je n’étais assistant que de nom."
Hugo Broos se fait caustique : "J’ai commis une grosse erreur tout au long de ma carrière : je suis toujours resté dans un club jusqu’au moment où celui-ci en a eu marre de moi. Il n’y a que Bruges que j’ai quitté, après six ans, quand je l’avais décidé, à la grande fureur du manager Antoine Van Hove. Si j’ai abandonné Mouscron, c’est parce qu’Anderlecht, le club que j’avais fidèlement servi pendant douze ans comme joueur, me voulait. Les autres fois, j’aurais dû faire comme Leekens l’a toujours fait : prendre congé sur un bon résultat. Quand j’ai remporté le titre avec Anderlecht, je n’aurais pas dû prolonger. C’est le licenciement qui m’a le plus affecté. J’ai mis un bon mois à m’en remettre. Le club ne me soutenait plus. Il m’a laissé me vider de mon sang avant de m’écarter. Ce limogeage, je l’avais senti venir. Après un nul à Gand, les supporters nous attendaient sur le parking. J’ai dit à Vercauteren, mon adjoint, que cela sentait le roussi. Le lendemain, c’est un journaliste de Het Nieuwsblad qui, alors que je regagnais mon domicile, m’a appris que j’allais être évincé. J’en ai obtenu la confirmation quand j’ai appelé Herman Van Holsbeek."
A son retour d’Al Jazira, Hugo Broos est demeuré inactif un an. Il a refusé une offre d’Azerbaïdjan et d’Inde avant de tenter l’aventure algérienne à la JS Kabyle, un grand club qu’il a quitté quand le président a voulu lui imposer la composition de l’équipe. Il a fui Hussein Day après le meurtre de son joueur Ebossé. "J’ai bonne réputation en Algérie. Si le président de la JS Kabyle n’avait pas posé ce geste, je serais peut-être encore là aujourd’hui..."
"A Mouscron, j’ai toujours obtenu tout ce j’avais demandé"
Hugo Broos l’avoue sans ambage : si, les résultats faisant foi, il a vécu à Bruges la meilleure période de sa carrière, l’Excelsior Mouscron est le club dans lequel il s’est le plus épanoui : "J’y a vécu au septième ciel. Tout ce que je voulais, je l’obtenais si le président Detremmerie estimait que ma sollicitation était raisonnable. Je rédigeais les contrats, que je soumettais au président, pour approbation. Certains ont prétendu qu’en m’étant révélé dispendieux, j’avais précipité la mort du club. C’est faux. Je n’ai jamais géré le budget, à Mouscron, entre 1997 et 2002. Je peux même affirmer, en citant les chiffres, que les transferts sortants ont rapporté au club 450 millions de francs belges (11.155.208 euros) . Jestrovic a été cédé pour 100 millions de FB (2.478.935 €) , Vanderhaeghe pour 75 millions (1.859.201 €) , Blondel pour 56 millions (1.388.203 €), Tanghe et Ban pour 40 millions (991.574 €), Frédéric Pierre pour 32 millions (793.259 €) . La fête était permanente, il n’y avait pas de pression mais on n’a jamais été menacé de relégation. J’ai même survécu à un 0 sur 15. Je n’ai quitté l’Excelsior que parce qu’Anderlecht m’avait sollicité"