Gareth Southgate sort par la grande porte
Le parcours des Anglais lors de cette Coupe du Monde restera comme la réussite du sélectionneur. Qui à chaque fois sut se relever pour finir par se révéler aux yeux de son pays et du monde.
- Publié le 12-07-2018 à 19h36
Le parcours des Anglais lors de cette Coupe du Monde restera comme la réussite du sélectionneur. Qui à chaque fois sut se relever pour finir par se révéler aux yeux de son pays et du monde.
Une image qui en chasse une autre. Mercredi 11 juillet 2018. Stade Loujniki. Alors que les Croates courent partout pour célébrer leur qualification pour la finale, la silhouette de Gareth Southgate traverse le terrain. Alors que le sol vient de se dérober sous les pieds de ses hommes, le sélectionneur les rassure. Les console. Mieux que quiconque, lui sait à quel point échouer en demi-finale peut être traumatisant.
Si cet échec marque le début d’une nouvelle aventure pour la jeune génération anglaise, il renvoie aussi inévitablement à la précédente défaite en demi-finale. Au rêve de cet Euro 96 envolé dans la nuit du 26 juin à Wembley. Southgate apparaît comme le trait d’union évident entre ces deux désillusions. Mais aussi comme le symbole de ce renouveau.
Pour comprendre le sélectionneur anglais, un voyage dans le temps s’impose. Retour donc à cette soirée londonienne. À son tir au but repoussé par Andreas Köpke. À cet intense moment de détresse quand la perspective d’un nouveau sacre à la maison 30 ans après 1966 s’est fracassée sur le gardien allemand. Southgate a 26 ans à l’époque. Il y aura un "avant" et un "après". Forcément. "Sans cette épreuve, je n’aurais probablement pas survécu à la pression que doit encaisser un entraîneur", a-t-il récemment rappelé.
L’ancien défenseur central élégant sans forcément être le plus doué a été l’homme de trois clubs. Modestes : Crystal Palace (1988-1995), Aston Villa (1995-2001) puis Middlesbrough (2001-2006). Où sa carrière d’entraîneur aurait pu mourir avant de naître.
Lui qui dispute son dernier match pro un soir de désillusion quand Boro s’écroule en finale de la défunte Coupe de l’Uefa contre Séville (4-0) se voit propulser manager à 36 ans.
Parce que Steve McLaren est appelé au chevet de la sélection. Parce que Martin O’Neil et Terry Venables refusent le poste que son président de l’époque lui confie. Southgate l’occupera jusqu’en octobre 2009 : après une 12e place lors de sa première saison, la deuxième est marquée par une relégation et la troisième par un limogeage. Et surtout par sa gestion de Gaizka Mendieta qui lui vaut encore aujourd’hui d’être brouillé avec l’Espagnol qu’il avait écarté.
Dans Inside Football, l’Anglais évoquera avec beaucoup d’honnêteté "une erreur fondatrice". "Quand je repense à ce point de départ, c’est ridicule, y explique-t-il. J’ai d’ailleurs dit à Scott Parker, Frank Lampard et Steven Gerrard de ne pas suivre mon chemin parce que j’aurais pu disparaître à jamais. Je n’avais aucune idée de comment on gère un staff, de comment préparer une équipe et je n’avais pas d’idée claire sur la façon dont je voulais faire jouer mes joueurs."
Après son licenciement, Southgate s’est recentré sur ses proches. Sa femme Alison qu’il a mis deux ans à aborder parce que trop complexé par son nez, ses enfants Mia et Flynn. Sur ses activités de consultant aussi, sur ITV tout en prenant le temps de passer sa licence Pro et d’impressionner le jury grâce à son étude comparative avec les sports américains. Et d’intégrer donc la FA en 2011 en tant que responsable du développement de la performance ou plus concrètement guide de la révolution anglaise. Avec un succès chez les jeunes et qui s’est propagé chez les grands. Le tout grâce à une ligne de conduite claire. Propre à l’Angleterre qui à force de vouloir copier les autres s’est perdue.
"Durant des années, ce pays a surtout avancé avec le rêve de gagner, sans penser à la façon de gagner, à l’approche tactique, à la manière d’intégrer les jeunes via un projet global et commun. Nous y voilà", avait lancé ce fils d’un coach amateur qui, adolescent, se rêvait journaliste et qui est resté vivre chez ses parents jusqu’à 21 ans. Et quand il a fallu trouver dans l’urgence un successeur à l’éphémère Allardyce, viré après 67 jours, Southgate s’est retrouvé propulsé en première ligne. Un peu par défaut, finissant par décoller cette étiquette d’intérimaire mais aussi de gentil.
"Tout le monde sait que c’est quelqu’un de bien mais les gens ont l’air de penser qu’il est lisse, ce qui est totalement faux", a expliqué son ancien coéquipier à Palace Bobby Bowry, dans le Guardian. "Il n’a pas peur de prendre des décisions difficiles, de laisser Jack Wilshere ou Joe Hart ou de remettre Wayne Rooney à sa place. Il a dû se battre pour arriver là où il en est."
Capitalisant aussi sur ce qui avait été la faiblesse de sa carrière de joueur, honorable, mais accomplie dans des clubs loin d’être majeurs, ce qui lui a permis de bénéficier d’un large consensus dans un pays fait de clivages. Et d’avancer avec ses certitudes, choisissant des joueurs capables de s’imbriquer dans son projet plutôt que de moduler son équipe en fonction des profils, à l’image de cette défense à trois où Harry Maguire a relégué sur le banc Gary Cahill et à la maison Chris Smalling. Le tout en faisant de son groupe une famille comme il l’avait fait chez les Espoirs.
"La ligne est très fine entre les entraîneurs qui sont de vrais cerveaux du jeu et ceux qui savent quand nous avons besoin d’être tranquilles. Gareth incarne cet équilibre mieux que personne", a salué John Stones pour qui "Gareth a apporté de nouvelles idées il y a deux ans et nous le voyons, cette solidarité, cette faim pour le jeu, le mérite lui en revient. Cela a pris du temps mais c’est un merveilleux manager et quelqu’un de bien". Revenu par la très grande porte.
S’habiller comme lui ? 486 euros
Gareth Southgate est définitivement tendance. Au point d’avoir lancé une nouvelle mode. Depuis le début de la compétition, le sélectionneur arbore la tenue officielle fournie par Mark’s and Spencer qui habille les Three Lions. Avec notamment un gilet qui fait fureur et qui s’arrache en Angleterre à 75 euros pièce. Avec en plus la veste (130 euros), la chemise (50), le pantalon (95), les chaussures (90), la cravate (29) et la pochette (17), la panoplie complète s’élève à 486 euros.
Bientôt une statue à sa gloire ?
Bientôt une statue à sa gloire. La pétition est lancée et a déjà été signée par de très nombreuses personnes. Crawley, la commune au sud de Londres où Southgate est né, entend mettre à l’honneur son plus célèbre enfant. Comment ? En érigeant une statue à sa gloire et en émettant plusieurs pistes pour sa localisation. Le conseil communal de la ville s’est dit à l’écoute. "Nous n’écartons rien", a expliqué le bourgmestre local, Peter Lamb.