Ritchie De Laet: "J’ai pris trois amendes pour aller fêter le titre avec Leicester"
Le plus Anglais des Belges se nomme Ritchie De Laet. L’Anversois est de retour au bercail douze ans après son départ pour Stoke City en août 2007. Avec comme résultat une carrière folle, deux titres en PL et une longue liste d’anecdotes. Voici les carnets d’un bourlingueur de Premier League et de Championship…
- Publié le 09-08-2019 à 16h06
- Mis à jour le 09-08-2019 à 16h07
Le plus Anglais des Belges se nomme Ritchie De Laet. L’Anversois est de retour au bercail douze ans après son départ pour Stoke City en août 2007. Avec comme résultat une carrière folle, deux titres en PL et une longue liste d’anecdotes. Voici les carnets d’un bourlingueur de Premier League et de Championship…
"Regarde la tribune. Avant, il y avait des trous dans les murs." Ritchie De Laet est posé dans les salons VIP de l’Antwerp et se souvient de son premier passage au club. Une époque où il fallait parfois improviser car les lessives n’étaient pas faites à temps ou parce qu’il n’y avait plus de tape dans la besace des kinés.
L’Anversois avait envie de revenir au bercail. Dans sa ville et son club. "Et enfin être près de mes parents et mes proches."
L’année dernière, c’est en Australie qu’il a posé ses bagages. "Une expérience dingue", dit-il, dont il a eu marre après une année. "Le niveau footballistique était un cran en-dessous de la Belgique au point que j’ai dû dépanner à tous les postes, même en attaque. Puis, on jouait parfois devant 5.000 personnes alors que le stade pouvait en accueillir plus de 50.000. On aurait dit des matches de la réserve."
Il y a toutefois vécu de belles aventures avec un climax : le réveillon de Noël. "Nous étions sur la Gold Coast en vacances. Tout le monde était sur la plage avec des bonnets de Père Noël, des barbecues et de la bière. On a fait pareil. C’était incroyable."
Un mode de vie en décalage qui n’a pas fait peur à De Laet. Le trentenaire a vécu aventure sur aventure depuis qu’il a quitté la Belgique en août 2007. Il avait alors 17 ans.
Ritchie, quand vous tirez le bilan, êtes-vous satisfait de votre carrière ?
"Mis à part mon passage à Aston Villa, où une blessure au genou m’a coupé dans mon élan, je ne garde que de grands souvenirs. J’ai prouvé pas mal de choses, j’ai gagné des trophées et vécu de belles expériences. Je ne regrette pas d’être parti si tôt. À l’époque, je n’aurais jamais imaginé gagner la Premier League ou connaître de tels clubs. Je me suis juste dit ‘tente ta chance et si ça ne fonctionne pas, tu reviens en Belgique’, et je n’ai pas dû le faire."
N’était-ce pas plus simple de gravir les échelons depuis la Belgique ?
"Ce n’était pas aussi bien structuré que maintenant. Signer à Stoke City puis à Manchester United m’a aidé pour la suite. Les clubs savent que travailler au quotidien à United avec de grands joueurs, ça compte."
Vous sentiez la différence quand votre agent devait vous trouver un employeur ?
"Je n’ai jamais dû me vendre en mettant en avant mon passé à Manchester. Les clubs sont toujours venus d’eux-mêmes. Je suis un client facile (rires)."
N’avez-vous pas hésité lorsque Stoke City vous a proposé un contrat ?
"Je n’avais que 18 ans, j’en ai donc parlé directement à mes parents. Mon père m’a dit que c’était la chance d’une vie et il m’a soutenu. J’ai saisi cette opportunité et tout s’est bien déroulé."
Vous êtes directement arrivé en équipe A…
"J’ai débarqué dans un autre monde. C’était bien plus pro que l’Antwerp. J’étais maigrichon et tous les autres étaient de vraies bêtes. Quand j’ai enlevé mon t-shirt, je me suis dis ‘remets le vite fait’ tellement j’étais ridicule à côté des mes équipiers."
Le Championship (la D2 anglaise) est-il le championnat le plus fou au monde ?
"De loin ! Tout le monde peut battre tout le monde. Tu ne peux jamais aligner ton meilleur onze tant il y a de matches. C’est pour cela qu’aller en Premier League est un exploit."
C’est aussi le championnat des vrais fans, des puristes…
"Tout le monde est ultra respectueux. Ce sont de vrais fans qui suivent le club à fond, pas des touristes qui veulent juste leur autographe et voir un match lors de leur passage en ville. Ce n’est pas la même chose dans les plus grands clubs et on ne peut pas leur en vouloir, il faut savoir remplir les stades et financer les équipes. Mais il ne faut pas s’étonner si les meilleures ambiances, même en Premier League, sont celles des plus petites équipes. J’adore la philosophie anglaise qui consiste à toujours encourager son équipe. Je la retrouve un peu à l’Antwerp."
Vous avez rapidement découvert le système de prêts courts…
"C’était d’abord Wrexham. Je n’ai pas pu rester car j’avais une hernie et j’avais dû me faire opérer. Je devais y retourner mais j’ai finalement signé à Manchester United. À Sheffield United, Gary Speed est parti pour coacher le pays de Galles et Sir Alex Ferguson m’a dit que je ne pouvais pas y retourner après le mois que j’y avais passé. Puis, à Preston, le fils Ferguson, qui était le coach, a été viré après un mois. Et à nouveau, Sir Alex a appelé pour dire que je devais revenir."
Vous avez finalement pu poser vos valises à Portsmouth durant six mois.
"Il y a une belle anecdote à ce sujet. Nous avons fini la saison contre Norwich. Ils devaient gagner pour aller en Premier League. Juste avant le match, mon agent m’a appelé pour me dire que j’allais être prêté à... Norwich l’année suivante. Je fais quoi, moi ? Ils nous ont battus. À la fin du match j’étais déçu du match, mais, en même temps, je savais que j’allais jouer en Premier League. Quelques jours après, je signais là-bas. J’ai dû rentrer après six mois. J’ai eu un souci au dos et personne ne savait ce que c’était. Ils ont préféré me renvoyer à Man United pour me soigner."
À quel point ces prêts courts sont-ils difficiles à gérer ?
"Ton objectif est toujours de rester plus d’un mois car sinon tu as à peine le temps de connaître les gars et le système que tu es déjà parti (rires)."
Entre-temps, fin mai 2009, vous avez joué votre premier match pour Manchester United, déjà champion. racontez…
“On savait que certains jeunes allaient être dans le groupe. Nous étions à l’hôtel avec les autres à nous dire ‘Toi tu vas jouer’, ‘Non, toi’. C’était marrant. Et une heure avant le match, le coach est venu me voir pour me dire que je jouais back gauche. J’ai juste fait ‘Ouf’. Je ne m’attendais pas à jouer. J’étais super fier. Je n’ai même pas pu prévenir mes proches que j’étais titulaire. Après le match, mon téléphone a explosé. C’était incroyable.”
Vous rendiez-vous compte que vous avez réalisé le rêve de tous les gamins qui ont un jour tapé dans un ballon ?
“Je ne me rendais pas compte que je réalisais quelque chose de grand. On en discute là, et ça me fait un truc. Mais sur le moment, je pensais juste à faire mon job. J’ai bien joué vu que le club m’a directement prolongé.”
Et dans la foulée, vous partez avec les diables à la Kirin Cup…
“En six mois, j’ai signé à United, joué mon premier match, gagné un premier titre et reçu ma convocation avec les Diables. Tout est arrivé si vite.”
Comment avez-vous vécu ce premier titre ?
“Nous avons été au restaurant de Rio Ferdinand. C’était vraiment dingue. Et, à nouveau, je trouvais ça normal sur le moment. Je n’ai toutefois pas reçu de trophée ou de médaille car je n’ai pas joué 12 matches. Ce sont les règles de la Premier League. Mais je me suis senti champion.”
Vous avez travaillé sous les ordres de Sir Alex Ferguson. Comment pouvez-vous le décrire ?
“C’est un gars super sympa. La première fois que j’ai dû aller dans son bureau, mes mains tremblaient. Il m’a directement mis à l’aise. Il comprenait comment gérer un joueur. Il avait une approche super humaine et connaissait la vie de tout le monde au club. C’est le meilleur people manager. Prends Ji-sung Park. Il ne jouait jamais… sauf contre les grands. Et n’était pas frustré de ne jouer aucun autre match car Ferguson trouvait les mots justes.”
Et tactiquement ?
“Il avait des assistants sur le terrain pour les entraînements. Il ne gérait pas du tout le terrain. Il analysait avec les adjoints, les ordinateurs, etc. C’était incroyable comme manière de travailler.”
Ne vous êtes-vous pas parfois senti tout petit dans ce vestiaire ?
“Il y avait des gars comme Neville, Scholes ou Giggs. La première semaine, je n’ai parlé que quand on m’adressait la parole. Je gardais la tête basse. J’ai appris à les connaître.”
Qu’avez-vous retiré de ces grands joueurs ?
“Leur professionnalisme. Ils étaient, par exemple, toujours à l’heure. Et ils prenaient un peu de temps pour les jeunes. Ils venaient donner des conseils. Sans tomber dans l’agressivité mais en pointant ce qui aurait dû être fait. Ils savent comment tirer le maximum d’un joueur.”
À Leicester, vous avez obtenu votre médaille de champion… après une saison dingue !
“À l’image de ma carrière, hein ! Claudio Ranieri est arrivé. J’ai joué les sept premiers matches. On ne perdait rien. C’était fou. On était parfois menés 2-0 et on remontait. On a perdu contre Arsenal et à partir de là, j’ai été mis sur le banc. Je suis allé frapper à la porte du coach pour lui demander ce qu’il y avait. Il m’a dit d’être patient, que je devais bosser dur. Moi, ça m’allait. J’ai eu droit à quelques montées au jeu. Rien de plus. Ranieri m’a dit en janvier de rester au club.”
Mais vous êtes quand même parti…
“À la base, je pensais vraiment rester. Le 31 janvier, je reçois un appel de Middlesbrough qui me dit que Leicester est d’accord de me prêter pour six mois. Le coach m’a confirmé que c’était vrai mais qu’il préférait que je reste. Je suis parti à Middlesbrough pour jouer le titre en Championship.”
Avec une promotion à la clé…
“Oui, j’ai fait un bon choix. J’ai joué et connu de bons moments mais c’était difficile au niveau personnel. Ma famille n’est pas venue car ma femme était enceinte et voulait rester à la maison, près de son docteur. Puis, nous avions déjà un de nos enfants à l’école. J’ai pris sur moi et parfois je faisais trois heures de route après l’entraînement, je dormais chez moi et je repartais à cinq heures du matin.”
Le jour où vous assurez la montée avec Middlesbrough, vous avez également fêté le titre avec Leicester. Comment avez-vous fait ?
“Je jouais mon match contre Brighton à 13 h et Leicester jouait trois heures plus tard à domicile. Le club m’avait appelé en disant que je devais être là car j’avais joué assez de matches pour recevoir ma médaille de champion. J’avais trois heures de trajet pour atteindre Leicester.”
C’était mission impossible…
“Après le match avec Middlesbrough, j’ai reçu ma médaille de promu et j’ai filé à la douche. J’étais à peine lavé quand je suis parti. J’ai dû m’arrêter sur le chemin pour mettre mon costume de Leicester. J’ai roulé tellement vite que j’ai été flashé trois fois. Tu ne veux pas savoir à combien étaient les amendes. Je suis arrivé pour la dernière demi-heure du match et la célébration.”
Comment avez-vous fêté ça ?
“Je me suis posé à la maison avec mes enfants autour de moi et mes deux médailles autour du cou. J’ai allumé Match of the day et la vie était belle.”
C’est sérieux ?
“Je n’avais plus vu ma femme depuis un moment et elle venait d’accoucher. Il s’était passé tellement de choses ce jour-là que j’étais cuit. Les gars de Leicester et de Middlesbrough m’appelaient pour faire la fête mais j’ai refusé.”
Même votre grand pote jamie vardy n’a pas su vous convaincre ?
“Non, impossible de me faire changer d’avis. “
Expliquez-nous votre relation avec lui…
“C’est vraiment devenu un ami. On partageait la chambre en déplacement et on reste encore en contact. Après, il est complètement fou. Genre vraiment dingue. Il fait du boucan dans le vestiaire. Il est toujours occupé à faire des blagues. Dans le cadre privé, c’est un mec très calme. Un bon gars qui prend beaucoup de temps pour sa famille et ses amis. Je suis aussi très pote avec Marcin Wasilewski. Lui aussi, sur le terrain, tu te dis : ‘Je préfère m’écarter et le laisser passer.’ Mais à l’entraînement, le gars ne fait que rigoler. C’est un mec très sympa.”