Mauricio Pochettino, plus qu’un entraîneur: "Le projet de Tottenham, c'est son projet"
En cinq ans et demi à Tottenham, Mauricio Pochettino s’est imposé comme un formidable manager et un vrai bâtisseur.
- Publié le 09-04-2019 à 07h06
- Mis à jour le 09-04-2019 à 11h23
En cinq ans et demi à Tottenham, Mauricio Pochettino s’est imposé comme un formidable manager et un vrai bâtisseur. À quoi pensera-t-il au moment où retentira pour la première l’hymne de la Ligue des champions dans ce nouveau stade qu’il attendait tant ? Peut-être que durant un instant, son esprit sera traversé par des séquences fugaces de ces matchs vécus à White Hart Lane ou à Wembley où son équipe s’est exilée trop longtemps à son goût.
Mais très vite, Mauricio Pochettino va se replonger dans une réalité aux allures d’Everest à gravir face à Manchester City. Si, aux yeux du formidable compétiteur qu’est l’Argentin, ce quart de finale ne doit pas être considéré comme une finalité mais bien comme une étape, retrouver Tottenham pour la deuxième fois de son histoire après la saison 2010/2011 dans le grand huit européen reste un événement historique. Qui porte aussi sa signature. Celle d’un technicien qui accompagne la progression d’un club jusqu’à l’incarner.
"Le projet de Tottenham, c’est le projet de Mauricio Pochettino. Il est là depuis des années, il a fait un travail extraordinaire et s’il n’est pas encore récompensé par des trophées, c’est du très, très haut niveau", a témoigné récemment dans L’Équipe son capitaine Hugo Lloris, séduit dès le premier coup de fil de son coach durant la Coupe du monde 2014. Invité à évoquer la nature de leur rapport, le Français l’a avoué : "Je ne vais pas le cacher, c’est plus qu’une relation capitaine-entraîneur classique. On sait faire la part des choses, il y a beaucoup de respect entre nous."
Le gardien a été la première recrue majeure de son entraîneur lors de l’intersaison 2014. Il se dresse aussi comme un symbole de ce que Pochettino a construit. Avec minutie et méthodologie.
"Deux semaines après son arrivée, Lloris se demandait ce qu’il faisait là. Certains n’ont pas partagé nos idées et ont essayé de s’adapter, d’autres les ont rejetées dès le départ", a décrit Pochettino dans Brave New World, la biographie écrite par Guillem Ballague qui l’a accompagné durant toute la saison 2016/2017. "Certains ne nous ont pas respectés. Le vestiaire était rempli d’éléments qui étaient considérés comme des stars mais n’étaient plus au niveau. L’équipe ne passait pas avant tout." Ce qui, à ses yeux, reste inconcevable.
Parce que Pochettino ne transige pas avec ce principe très simple qu’il édicte lui-même : "Si un joueur ne travaille pas pour l’équipe, il ne joue pas."
Mais la différence avec ses nombreux homologues qui résonne de la même manière reste que lui parvient à parfaitement faire appliquer cette règle Comment ? Par son sens aigu de la psychologie. Cette manière de cerner les profils qui le différencie des autres.
Les grandes lignes de sa méthodologie n’ont rien de révolutionnaire : Pochettino protège ses joueurs comme il l’a montré en préférant parler de la qualité de Van Dijk plutôt que du manque de lucidité de Sissoko après l’énorme occasion ratée par le Français lors de la défaite à Liverpool. Il renforce la cohésion du groupe avec des sorties, s’entretient individuellement avec ses joueurs quand ils sont dans le dur et travaille énormément pour acquérir la confiance de son groupe. Mais il possède aussi une sorte de sixième sens qui lui permet de cerner les profils.
Lui qui arrive généralement au complexe d’entraînement à 7 h 30 avec son staff aime accueillir ses hommes pour le petit-déjeuner commun 1 h 30 plus tard et décrypter leur attitude. "J’ai besoin des données scientifiques et physiques mais ce qui influence le plus mes décisions, c’est ma capacité à sentir l’énergie des joueurs."
D’autant plus importante pour régénérer un groupe qui n’a plus accueilli de recrue depuis Lucas Moura en janvier 2018. Avec un équilibre à trouver entre proximité nécessaire et distance impérative.
"Tomber amoureux de ses joueurs, c’est dangereux", explique encore le technicien dans sa biographie. "Le problème, c’est que la psychologie d’un joueur se rapproche de l’autodéfense. Un joueur ne veut pas être proche d’un entraîneur parce qu’il ne veut pas se mettre dans une situation où il pourrait être blessé. Peut-être qu’il pense que quelqu’un qui le prend dans ses bras un jour peut le sortir de l’équipe le lendemain. Mais cela peut être atténué par une discussion ou une deuxième accolade. L’idéal, c’est de trouver l’équilibre entre les besoins du joueur et ce que je demande. La manière dont nous choisissons de travailler avec les joueurs est de les toucher au cœur. Si vous touchez un joueur, vous créez automatiquement la place pour le faire progresser."
Ce qu’illustre parfaitement Harry Kane. À son arrivée, Pochettino a trouvé un homme "résigné" par ses prêts multiples et "un joueur des années 30" auquel il reproche son hygiène de vie. Les mots sont durs à entendre pour l’Anglais. Qui va vite les assimiler. "Il m’a dit que mon taux de graisse était élevé. Je ne m’entraînais pas assez dur, il avait raison", a expliqué celui qui, désormais, est le premier à arriver et le dernier à quitter le centre d’entraînement à proximité duquel il a déménagé.
Devenu sous la houlette de son entraîneur l’un des meilleurs joueurs de la planète, Kane reste aussi son sauveur. Celui qui, en novembre 2014 alors que Tottenham n’avait pris que 14 points en 10 journées, avait inscrit le jour de sa première titularisation le but vainqueur à Aston Villa dans les arrêts de jeu (1-2). Un coup franc détourné sans quoi rien n’aurait été possible. Et surtout pas ce quart de finale de Ligue des champions.