Londres, royaume désuni à cause du foot
Tottenham – Chelsea, ce samedi, ouvre une semaine de Lomdon derbies, avant Arsenal – Tottenham et Fulham – Chelsea le week-end prochain. Dans la capitale anglaise, plus qu’ailleurs, on évite de parler foot à la fête des voisins…
- Publié le 23-11-2018 à 19h14
- Mis à jour le 24-11-2018 à 14h41
Tottenham – Chelsea, ce samedi, ouvre une semaine de Lomdon derbies, avant Arsenal – Tottenham et Fulham – Chelsea le week-end prochain. Dans la capitale anglaise, plus qu’ailleurs, on évite de parler foot à la fête des voisins…
Londres. Capitale de l’Angleterre et du Royaume-Uni. Siège du Commonwealth. La ville idéale pour les amoureux de culture et de foot. À chaque corner, une occasion… de se régaler.
Pour le plaisir des yeux. Big Ben, les palais de Westminster et de Buckingham, le Tower Bridge, la tour de Londres, l’abbaye de Westminster, le British Museum, la National Gallery, Piccadilly Circus, Madame Tussauds…
Pour le plaisir du jeu. Wembley, Emirates Stadium, Stamford Bridge, Selhurst Park, White Hart Lane, Loftus Road, Craven Cottage, Griffin Park…
Au berceau du foot, la seule ville au monde à avoir organisé trois fois les Jeux Olympiques (1908, 1948 et 2012) respire le cuir. Cette saison, onze clubs londoniens évoluent dans les quatre divisions professionnelles anglaises, dont six en Premier League. Chaque week-end, des London derbies font couler salive et bière dans les pubs de la capitale anglaise.
Ce samedi, c’est au temple que les fidèles se donnent rendez-vous : à Wembley, pour Tottenham - Chelsea. Les Spurs auraient aimé accueillir les Blues dans leur nouvel écrin de White Hart Lane, au Nord, mais sans stade terminal, c’est à l’Ouest que convergeront les fans londoniens des deux rivaux.
Au fil des ans, la rivalité entre les deux clubs n’a cessé de croître, surtout depuis que les Blues ont privé les Lilywhites du titre 2016. Mais leur antagonisme n’égale pas encore la détestation qui rassemble fans de Tottenham et d’Arsenal. Le North London Derby, c’est pour le week-end prochain, à l’Emirates Stadium. Les Gunners promettent un bel accueil aux Spurs, comme chaque année.
Comme Tottenham, Chelsea se coltinera un deuxième derby en une semaine, le plus riverain en accueillant leur voisin de Craven Cottage, situé à un peu plus de 2 km de Stamford Bride, le long de la Tamise. Le West London derby n’est pourtant pas le plus chaud, car Fulham et Chelsea n’ambitionnent pas souvent les mêmes objectifs. Mais il est néanmoins mal venu de perdre la bataille du quartier, sous peine de provoquer la colère des fans…
"Je lâcherais tout, même la proie, pour Londres", disait Alphonse Allais. Mais dans un London derby, il faut avant tout ne rien lâcher, surtout pas sa proie…
Ici Londres
11 clubs londoniens évoluent dans les 4 divisions professionnelles anglaises – Premier League (D1), The Championship (D2), Football League One (D3) et Football League Two (D4) – et dans 12 stades de la capitale...
- Tottenham (Premier League) > Wembley Stadium (90.000 places) & White Hart Lane* (62.062)
- Arsenal (Premier League) > Emirates Stadium (60.000)
- West Ham (Premier League) > London Stadium (60.000)
- Chelsea (Premier League) > Stamford Bridge (41.837)
- Charlton Athletic (League One) > The Valley (27.111)
- Crystal Palace (Premier League) > Selhurst Park (26.225)
- Fulham (Premier League) > Craven Cottage (25.700)
- Millwall (Championship) > The Den (19.734)
- Queens Park Rangers (Championship) > Loftus Road (18.439)
- Brentford (Championship) > Griffin Park (12.736)
- AFC Wimbledon (League One) > Kingsmeadow (5.339)
Big ten
10 London Derbies very hot…
- 1. Tottenham – Arsenal
La rivalité entre les deux clubs du Nord de Londres commence en 1913, lorsqu’Arsenal déménage du sud pour se retrouver à proximité de White Hart Lane, le stade des Spurs. Le North London derby est le plus acharné de la capitale anglaise. Les supporters des deux clubs se détestent…
- 2. West Ham – Millwall
L’origine de ce Dockers derby ou East London derby est industrielle. Le club de Millwall a été créé en 1885 par les ouvriers d’une usine de l’Ile aux Chiens. Tandis que West Ham a été fondé, 10 ans plus tard, par un contremaître d’une usine rivale. Les supporters des deux clubs se vouent une véritable haine. Lorsqu’ils s’affrontent, la sécurité autour du stade est maximale.
- 3. Chelsea – Arsenal
Même si les deux clubs existent depuis très longtemps, leur rivalité s’est accentuée seulement depuis le début des années 2000 et le retour de Chelsea dans le top du foot anglais.
- 4. Tottenham – Chelsea
Leur rivalité prend véritablement naissance lors de finale de la FA Cup en 1967. C’était la première finale de cette compétition entre deux clubs londoniens. Tottenham l’a emporté 2-1. Un gros coup dur pour les supporters des Blues qui ont vu deux de leurs glorieux anciens joueurs, Jimmy Greaves et Terry Venables, soulever la Cup avec les Spurs.
- 5. Chelsea – West Ham
Le District Line derby tire son nom de la ligne de métro qui transportait les supporters entre les stades des deux clubs, entre Fulham Broadway et West Ham, mais les Hammers évoluent désormais au Stade olympique près de la station Stratford, sur la ligne Jubilee…
- 6. Tottenham – West Ham
Pour les fans des Hammers, ce derby est comme une finale de Cup. Ils détestent plus les fans de Tottenham que le club en lui-même.
- 7. Fulham – Chelsea
Le West London Derby : la rivalité date de 1904. Un homme d’affaires, Gus Mears, propose au président de Fulham, Henry Norris, de s’installer à Stamford Bridge, récemment acquis par Mears. Norris refuse l’offre car il ne veut pas partir de Craven Cottage. Ce refus motive Mears à fonder le club de… Chelsea.
- 8. Queens Park Rangers – Chelsea
C’est dans les années 70 que ce derby londonien a gagné en intensité, quand QPR, vice-champion 1976, jouait les premiers rôles…
- 9. Fulham – Queens Park Rangers
La plus vieille rivalité. En 1892, ils se sont affrontés dans la finale de la West London Cup. Les Rangers ont remporté le match 3-2. Chelsea n’existait pas encore…
- 10. Millwall – Crystal Palace
Le South London Derby, le derby du sud, prend véritablement son sens le 31 octobre 1910, après que Millwall a déménagé au sud de la Tamise. Avant cela, ce dernier appartenait à l’Est de Londres. Palace est désormais le seul représentant de cette rive en Premier League…
Interdiction de perdre le Nord
La toute première rencontre entre Arsenal et Tottenham eut lieu le 4 décembre 1909, avec un succès des Gunners sur un score… Arsenal (1-0, but de Walter Lawrence). Mais ce ne fut par le premier North London Derby puisqu’Arsenal jouait à cette époque au Manor Ground, à Plumstead, dans le sud-est de la capitale anglaise.
La rivalité entre les deux clubs a débuté lorsque les Gunners ont déménagé à Highbury, en 1913, à quelque 4 miles (6,5 km) de la maison des Spurs, White Hart Lane. De ce rapprochement géographique naquit une inimitié naturelle, cultivée depuis par les supporters des deux camps.
Si les fans de Tottenham furent les premiers à célébrer un titre (la Cup 1901), les sympathisants d’Arsenal ont davantage fêté des lauriers nationaux, deux fois plus : 28 (13 titres, 13 Cups et 2 League Cups) pour 14 aux Spurs (2 titres, 8 Cups et 4 LC).
Les statistiques s’inversent pourtant sur la scène européenne : Tottenham a remporté 3 Coupes d’Europe (2 Coupes de l’Uefa et 1 Coupe des Coupes) pour 1 à Arsenal (1 Coupe des Coupes, plus la Coupe des Villes de Foire 1970).
Chaque saison depuis le début des années 2000, les supporters des Gunners décrètent un jour férié fictif, qu’ils ont appelé le St Totteringham’s Day et qui est décrété le jour où il est mathématiquement impossible que les Spurs terminent devant Arsenal au championnat. Ils ne l’ont plus fêté depuis 2016 : ces deux dernières saisons, c’est Tottenham qui a devancé les Gunners…
Une réponse aux fans des Spurs qui boivent un coup le 14 avril à la santé du St Hotspur Day, jour bénit depuis la victoire en demi-finale de la FA Cup sur Arsenal en 1991. Pas uniquement parce que Tottenham filait en finale (remportée d’ailleurs, 2-1 contre Nottingham Forest) mais aussi, et surtout, car il empêchait les Gunners de réaliser le doublé…
Une lasagne toujours pas digérée
Pour comprendre la rivalité qui oppose Spurs et Gunners, remontons douze ans en arrière, et un affrontement épique, à distance…
Nous sommes en mai 2006. La Premier League va livrer ses derniers verdicts. Les deux rivaux londoniens se disputent la 4e place, et le dernier ticket pour la Ligue des Champions. Tottenham (4e) a l’avantage sur Arsenal (5e) avant l’ultime journée. Les Spurs, invités à un déplacement à West Ham, seront donc assurés de la C1 s’ils font le même résultat que les Gunners, qui reçoivent Wigan. Le plus simple est encore de gagner le derby de Upton Park, dans l’East London. Alors, pour bien préparer ses joueurs, Martin Jol décrète une mise au vert, au London Marriott Hotel, la veille du match. Au menu, lasagnes du chef. Le repas se passe bien… Pourtant, aux douze coups de minuit, de nombreux joueurs se sentent mal. Edgar Davids, Teemu Tainio, Michael Dawson, Aaron Lennon ou Radek Cerny, tous commencent à avoir la nausée, et passent une partie de la nuit aux toilettes. C’est la panique. Au petit matin, Daniel Levy, président des Spurs, demande à la Premier League un report du match : impossible ! Le coach néerlandais n’est pourtant pas certain de pouvoir aligner onze joueurs valides. "Je n’ai jamais vécu ça durant toute ma carrière dans le football", expliqua Martin Jol. "On aurait aimé jouer un jour plus tard mais ce n’était pas possible…"
À Upton Park, quelques heures plus tard, certains Spurs sont blêmes mais doivent tenir leur place. Comme Michael Carrick. "J’ai vraiment beaucoup de respect pour des gars comme Michael", confiera Jermain Defoe. "Il est sorti du vestiaire et a joué, même s’il lui fallait lutter."
Le début du match est un cauchemar, mais West Ham n’en profite qu’à moitié : Carl Fletcher fait 1-0 à la 10e minute. Au courage, Tottenham revient à 1-1, grâce à Jermain Defoe. La seconde période est un calvaire, les joueurs de Jol sont épuisés, et sont crucifiés dans les arrêts de jeu, par Benayoun. À quelques kilomètres de là, Arsenal ne flanche pas : 4-2 contre Wigan, aux Gunners la Ligue des Champions…
Difficile à digérer pour les Spurs qui évoquent un complot, avec un coupable tout désigné : les lasagnes du chef, supposé fan des Gunners évidemment. Une enquête est diligentée, mais l’hôtel est lavé de tout soupçon. On ne connaît toujours pas, douze ans plus tard, la cause de cette indigestion collective, qui reste sur l’estomac des fans…
Eden, bourreau des Spurs
En 314 matches avec Chelsea, dont 219 de Premier League, Eden Hazard, arrivé dans la capitale anglaise en juillet 2012, en a disputé des derbies de Londres. Mais c’est sans doute parmi les supporters de Tottenham que la cote du capitaine des Diables est la plus basse. Pourtant, avant de choisir Stamford Bridge comme port d’attache anglais, le Brainois a longtemps hésité avec… Tottenham. Quand il a décidé de quitter Lille à l’été 2012, et que son choix s’est porté sur la Premier League, il aurait pu filer chez les Spurs. Harry Redknapp, le manager de l’époque, voulait faire de lui le successeur de Luka Modric.
"C’est vrai, Tottenham m’a tenté", a avoué à l’époque Eden. "C’était une jeune équipe qui luttait alors pour le podium. Malheureusement, en fin de la saison, elle a raté de peu la Ligue des Champions (Tottenham a fini 4e en 2012, devancé d’un point par Arsenal). C’est ce qui a fait pencher la balance vers Chelsea (qui venait de remporter la C1)."
Les fans des Lilywhites auraient adoré aduler Eden, mais il est aujourd’hui l’une de leurs cibles préférées. En cause, un match de fin de saison, en 2015/2016, alors que Tottenham espérait encore rattraper Leicester et décrocher la couronne d’Angleterre. Eden avait déjà provoqué l’ire des Spurs en sous-entendant qu’il préférait que Ranieri et ses Foxes prennent la succession des Blues sur le trône britannique. Mais, en plus, il ajouta le geste à ses paroles lors du derby. Mené 0-2 par Tottenham à la mi-temps (buts d’Harry Kane et Son Heung-min), Chelsea se métamorphosa en seconde période grâce à la montée au jeu d’Eden Hazard. Et si Gary Cahill réduisit l’écart à la 58e minute, le but de l’égalisation fut signé Hazard à la 83e minute. Un magnifique but, lourd de conséquences pour Tottenham : à deux journées de la fin du championnat, avec 7 points d’avance, Leicester était assuré du titre, le premier de son histoire…