Englebert était le premier adversaire d'Iniesta à ses grands débuts: "Je regrette de ne pas avoir échangé mon maillot..."
Alors qu’il va disputer son dernier match avec le Barça, Andres Iniesta avait effectué ses débuts en 2002 lors d’une victoire au Club Bruges (0-1) avec, face à lui, Gaëtan Englebert
- Publié le 20-05-2018 à 12h31
Alors qu’il va disputer son dernier match avec le Barça, Andres Iniesta avait effectué ses débuts en 2002 lors d’une victoire au Club Bruges (0-1) avec, face à lui, Gaëtan Englebert
“J’ai eu le privilège de mener une belle carrière, le bonheur de vivre des moments magiques. Mais il est une date que je n’ai jamais oubliée, un stade qui reste gravé dans ma mémoire. Car c’est ce soir-là que mon rêve est devenu réalité…”
Dans la salle de presse comble de la Ciutat Esportiva, le complexe d’entraînement du CF Barcelone, les gorges se sont serrées : une icône catalane va tirer sa révérence. La voix d’Andres Iniesta a chevroté, ses yeux se sont embués : l’émotion a submergé ce géant d’1 m71 qui annonce qu’au terme de la saison il se dépouillera d’un habit de lumière qu’il a fait scintiller pendant seize saisons. L’enceinte à laquelle il a fait référence est le stade Breydel de Bruges. La date qu’il a toujours retenue est celle du 29 octobre 2002, celle de ses grands débuts au plus haut niveau.
Ce soir-là, le Barça était venu défier le Club Bruges dans le match retour de la phase des poules de la Ligue des Champions. L’équipe catalane étant déjà qualifiée, le match était dénué de réel enjeu. Louis van Gaal, son entraîneur, avait laissé souffler quelques-unes de ses stars et titularisé plusieurs éléments du Barça B. Frank De Boer, Cocu, Kluivert et Overmars, notamment, avaient glissé sur le banc ou étaient restés en Catalogne. L’Argentin Juan Riquelme, qui avait débarqué à Barcelone un peu contre son gré, pour renflouer les caisses du Boca Juniors, allait inscrire l’unique but d’une victoire qui n’ajouta rien à la gloire du Barça.
Le stade Breydel ignorait à l’époque qu’il avait vécu un authentique événement : l’éclosion, à 18 ans, d’une future star mondiale du ballon rond. Gaëtan Englebert, un des acteurs de la rencontre, déplore de ne avoir eu une prémonition. “Le hasard a voulu que je fusse l’adversaire direct d’Iniesta. Je regrette aujourd’hui de ne pas lui avoir proposé d’échanger nos maillots. Nous étions plus soucieux d’acquérir ceux des vedettes confirmées. Avec le Club Bruges, j’ai affronté le Barça à quatre reprises. Ma collection de maillots s’est enrichie de ceux de Riquelme, de Javier Saviola et de Philipp Cocu. J’échangerais volontiers ces trois-là contre celui qu’avait enfilé Andres Iniesta ce soir-là.”
Le médian liégeois du Club Bruges avait 26 ans. Les qualités innées de son tout jeune adversaire l’avaient déjà impressionné. “Iniesta disputait son tout premier match mais il s’était déjà hissé à un certain niveau. Sa maîtrise technique et sa conduite du ballon paraissaient naturelles. Elles se révélaient déjà supérieures à celles de certains de ses partenaires. Ce qui fait la différence entre un bon et un grand joueur est la faculté dont jouissent certains de débloquer n’importe quelle situation par une action individuelle, pas forcément spectaculaire. Iniesta exprimait déjà ce talent-là. On m’a assuré qu’il avait passé une partie du match à courir à ma poursuite. Moi, à certains moments, je me serais volontiers arrêté de jouer pour le regarder évoluer. Il portait déjà en germes les qualités qu’on a longtemps admirées chez lui et qui l’ont érigé en un des meilleurs médians offensifs que le football offensif ait révélés. Il se déplaçait comme il l’a toujours fait dans la suite de sa carrière : la tête levée et le ballon collé à ses pieds. Rares étaient les Brugeois capables de lui lui arracher quand il amorçait une action. En se comportant de la sorte, Iniesta offrait à ses partenaires de belles possibilités d’animer davantage encore les offensives des siens. Par son positionnement, par ses déplacements permanents, il recelait déjà l’art de débloquer n’importe quelle situation. La manière dont il sentait le foot était exceptionnelle.”
Gaëtan Englebert voue toujours une énorme admiration à Andres Iniesta. “Il restera comme l’un des plus grands médians offensifs de l’histoire. Il n’a certes jamais inscrit une quinzaine de buts par saison mais, année après année, il s’est directement impliqué dans plus de 70 % des réussites du Barça .”
"Iniesta pense en trois dimensions"
T2 brugeois, Chris Van Puyvelde était tombé sous le charme du milieu.
Adjoint, à l’époque, de Trond Sollied, un entraîneur à succès du Club Bruges, Chris Van Puyvelde s’extasie aujourd’hui encore quand on l’invite à évoquer les tout débuts au plus haut niveau international d’Andres Iniesta.
“Sous l’égide de Sollied, le Club Bruges n’adaptait jamais sa manière de jouer à celle de son opposant. Il évoluait toujours de la même manière. Le coach communiquait d’ailleurs rarement sur les caractéristiques de l’adversaire. Chez nous, certains rôles étaient bien définis et presque immuables. Timmy Simons était le contrôleur, Nastja Ceh et Alin Stoica les éléments créatifs de l’équipe et Gaëtan Englebert le marathonien, dans notre sacro-saint 4-4-2.”
La présence , dans les rangs du Barça, du néophyte Andres Iniesta n’avait donc pas alarmé l’entraîneur norvégien du Club.
Le match avait à peine débuté que Chris Van Puyvelde était tombé sous le charme du médian catalan. “Iniesta était agréable à voir jouer car son bagage était, déjà, presque complet. Sa vista et sa technique, ballon aux pieds, m’avaient d’emblée impressionné”, se souvient le Lokerenois, aujourd’hui cheville ouvrière de l’Union belge. Iniesta avait toujours une idée d’avance sur tout le monde. “Il initiait des actions inouïes. On comprenait très vite qu’il sentait le football comme personne. Il raisonnait comme dans une troisième dimension. Toutes ses premières touches de balle, à droite ou à gauche, étaient justes. Il n’avait pas encore reçu le ballon qu’il savait déjà avec précision comment le redistribuer, soit après un ou deux dribbles, soit directement. Il avait acquis cette faculté en s’étant exercé, dans sa prime jeunesse, au football en salle. C’est un enseignement que je prône avec vigueur. Iniesta en constitue le meilleur exemple : le futsal se révèle très important dans l’éducation footballistique de nos “têtes blondes.”