Abraham, prophète en son pays
En quelques mois, le jeune attaquant anglais s’est imposé comme LA révélation de cette Premier League 2019/2020. Retour sur la trajectoire supersonique du nouveau buteur de Chelsea…
- Publié le 22-11-2019 à 17h16
- Mis à jour le 23-11-2019 à 15h02
En quelques mois, le jeune attaquant anglais s’est imposé comme LA révélation de cette Premier League 2019/2020. Retour sur la trajectoire supersonique du nouveau buteur de Chelsea…
Et si Chelsea avait un peu mieux géré sa politique de transferts de joueurs mineurs ? Et si les Blues avaient été autorisés à transférer un attaquant de pointe chevronné cet été ? Eh bien peut-être que le club n’en serait pas aujourd’hui à développer l’un des foots les plus attrayants d’Angleterre. Avec déjà vingt-sept buts marqués en douze matches, Chelsea affiche le quatrième meilleur total de Premier League. Les Londoniens sont même la deuxième équipe à tenter le plus souvent sa chance au but, derrière l’armada de Manchester City. Pareil au niveau des tirs cadrés par match. Bref, offensivement, le travail de Frank Lampard tient plutôt bien la route.
Ce boulot est sublimé par un joueur, symbole de cette classe biberon qui joue sans complexe : Tammy Abraham. Âgé de vingt-deux ans, l’avant-centre fait merveille grâce à son sens du but et du placement. Mieux, le gamin a déjà relégué Michy Batshuayi et Olivier Giroud sur le banc, soit deux internationaux actifs au sein des deux meilleures sélections mondiales. Chouchou de Frankie, Tammy ? Même pas. Impossible pour le jeune coach de se passer de son numéro 9, tant sa faim de buts paraît insatiable. Une qualité que le natif de Londres (il y voit le jour le 2 octobre 1997) partage avec Didier Drogba.
"J’ai tellement d’histoires de moi plus jeune, grandissant en regardant cet attaquant si talentueux", explique le principal intéressé au Mirror. "J’ai toujours voulu être comme lui. Rien qu’à le regarder, il avait cette apparence. J’ai toujours voulu ajouter cela à mon jeu."
Championship’s champion
Hériter de l’Ivoirien comme idole apparaît comme une évidence pour un joueur arrivé à Stamford Bridge chez les U8 et ce dès 2004, soit la même année que le transfert de Drogba à Chelsea en provenance de Marseille. Difficile de faire filiation plus symbolique. Petit à petit, Tammy gravit les échelons. Premier trophée en UEFA Youth League à dix-sept ans, premières minutes en Premier League grattées un an plus tard sous Guus Hiddik : sur le terrain comme dans la vie, Abraham va vite. Et il ne lui reste rapidement plus qu’une barrière à franchir pour atteindre une place durable au sein de l’équipe première. Une chimère, pense-t-on, tant Chelsea s’est fait une spécialité de refourguer ses jeunes à gauche, à droite, sans jamais leur accorder la moindre chance.
Cela ne rate d’ailleurs pas. Si l’Anglais évite le prêt à Vitesse Arnhem, il recule d’une division pour atterrir à Bristol, en Championship, et ce dès la saison 2016/2017. Autant dire que cette division au football rugueux est le lieu idéal d’apprentissage pour cet élément élancé (1m91), mais encore un peu léger physiquement. Là encore, tout s’accélère très vite. Dès sa première titularisation, il claque un doublé. Les matches s’enchaînent en même temps que les pions.
Au bout d’une saison où seule une petite blessure musculaire l’empêche de prendre part à tous les matches, il totalise vingt-six buts et quatre passes décisives en quarante-huit rencontres. Un bilan plus que solide pour un gamin de même pas vingt ans qui découvre le monde professionnel en évitant la relégation aux Robins. Logiquement, il glane les titres de meilleur jeune, meilleur joueur et meilleur buteur du club la même année, une première dans l’histoire de cette vénérable entité fondée en 1894. Seule ombre au tableau, cet accident de voiture dans lequel il se retrouve impliqué alors qu’il conduisait sans permis la voiture d’un équipier. Il n’y aura heureusement que de la tôle froissée.
Le chant du cygne ?
Logiquement, il monte d’un cran. Mais toujours pas à Chelsea, qui possède en ses rangs un avant du calibre d’Álvaro Morata et déjà Batshuayi. Même s’il signe un contrat longue durée, c’est donc reparti pour un prêt, au sein de l’élite cette fois. Et ça sera direction Swansea, où les choses ne se passent pas aussi bien. Barré par les frères Jordan et André Ayew, il perd confiance au sein d’une équipe qui terminera pire attaque du championnat. Lui-même marque (nettement) moins (8 buts à peine et une période de disette de 825 minutes entre 2017 et 2018 !).
Pire, les Swans font la culbute au bout de cette année cauchemardesque, où la seule éclaircie vient de sa première sélection en équipe nationale, pour des amicaux face à l’Allemagne et le Brésil. Un choix de Gareth Southgate qui sonne plus comme une façon de lui faire comprendre que l’Angleterre compte sur lui alors que le Nigeria de ses ancêtres lui fait également de l’œil. Malgré cela, le retour au bercail fait du bien, même s’il signifie un nouveau prêt en D2.
Cette fois, c’est Aston Villa qui accueille ce diamant brut. Et contrairement à Bristol City, l’idée n’est pas de se maintenir, mais bien de remonter fissa en Premier League. Coup de bol, Tammy retrouve ses sensations de buteur à Birmingham et plante joliment vingt-six roses dans les jardins anglais de deuxième division. Une grosse présence devant qui confirme que l’année précédente n’était qu’un accident de parcours et permet aux Villans de retrouver l’élite… au détriment du Derby County coaché par Frank Lampard.
Un neuf avec du neuf
Beau joueur, celui-ci lui fait très vite confiance une fois débarqué sur le banc de Chelsea. Il faut dire que le club a forcément besoin de cet élément, faute de pouvoir pêcher dans les noyaux concurrents pour renforcer son effectif. Plus symbolique encore, il récupère le numéro 9 porté naguère par des gars de la trempe de Gianluca Vialli, Hernán Crespo ou encore Fernando Torres.
"C’est une année importante, c’est maintenant ou jamais", explique d’ailleurs le joueur au Guardian en juin dernier. "Il ne se présentera jamais une meilleure opportunité pour les jeunes de se montrer. En plus, un nouveau manager est arrivé, donc c’est le moment de tout donner pour se mettre en évidence."
En plus d’être bourré de talent, Abraham est un mec de parole. Aussitôt après avoir parlé au quotidien britannique, il enquille les pions, dont ce triplé signé contre Wolverhampton, qui fait de lui le plus jeune Blue à réaliser cet exploit (il sera battu quelques jours plus tard par Christian Pulisic !).
"J’ai confiance en lui et je suis prêt à lui redonner sa chance, mais je serai désormais plus dur avec lui parce qu’il a montré ce qu’il est capable de faire", répond Lampard à cet exploit.
Pas de souci pour le jeune Anglais, qui claque quatre autres buts et trois passes décisives après cela.
Autre preuve que le jeune homme possède un mental d’acier, il ne s’effondre pas au moment d’être attaqué de façon assez dégueulasse après avoir loupé le tir au but décisif lors de la Supercoupe d’Europe, perdue contre Liverpool. Insulté pour sa couleur de peau, le jeune attaquant poursuit sa route au sommet du 4-2-3-1 bleu. Le signe d’une vraie force de caractère et d’une facilité devant le but déconcertantes. Logique, finalement, pour un Lion.