Tottenham, un pilier de la sagesse
Contrairement à Liverpool, leur adversaire ce samedi dans le choc de la 5e journée de Premier League, les Spurs se distinguent grâce à une politique de transferts plutôt stable. Décryptage...
- Publié le 14-09-2018 à 18h24
- Mis à jour le 15-09-2018 à 09h03
Contrairement à Liverpool, leur adversaire ce samedi dans le choc de la 5e journée de Premier League, les Spurs se distinguent grâce à une politique de transferts plutôt stable. Décryptage...
"Débrouillez-vous pour vendre le gars aux Anglais, histoire d’en tirer un max" . On imagine ce genre de punchlines lâchées dans les bureaux de dirigeants de club durant les semaines de mercato. Il faut dire que les équipes de Premier League ne brillent guère par leur avarice (ou leur bon sens, c’est selon) au moment de recruter. Mais un membre du Big Six semble faire preuve de plus de calme au moment de claquer des millions : Tottenham.
Cet été, les Spurs n’ont tout simplement rien dépensé, une première dans l’histoire du championnat anglais. Mais les Londoniens ont réussi à conserver Son Heung-min, et surtout Harry Kane sur du long terme.
"Peut-être que c’est mal vu de ne signer personne à cause de l’histoire du football, mais c’est notre décision : conserver les meilleurs joueurs et l’équipe telle quelle" , avait expliqué Mauricio Pochettino lors de la fermeture du marché britton. "C’est une décision courageuse."
Et aussi nécessaire, étant donné l’investissement majeur auquel le club a consenti pour bâtir un nouveau stade (Pochettino évoque un chiffre de plus d’un milliard d’euros !), voire le Brexit, une autre raison qui explique cette absence de recrutement, selon le technicien argentin.
Mais stade ou pas, rarement Tottenham se sera livré à des achats compulsifs ces dernières années. Depuis 2014 et l’arrivée du Sud-Américain à la tête du vestiaire, le club londonien s’est presque systématiquement montré le membre du top six le moins dépensier. Le tout en terminant toujours sur le podium, sauf en 2014-2015, à l’issue de la première saison de l’ancien défenseur sur le banc des Spurs.
Les leçons de Bale
Lorsqu’on analyse la composition de l’équipe, on remarque qu’excepté Davinson Sanchez, la dernière folie de Tottenham (payé 40 millions en 2017), et Lucas Moura (qui a profité de l’absence de Son aux Jeux Asiatiques), les titulaires les plus récemment arrivés à Londres sont le Sud-Coréen, Toby Alderweireld et Kieran Trippier. Trois joueurs débarqués en 2015 contre moins de 51 millions d’euros. Une paille quand on voit l’importance qu’ils ont prise en trois saisons…
Si on reprend les treize joueurs les plus utilisés par l’entraîneur, le total des dépenses effectuées pour les recruter est de 201,3 millions d’euros. Pas énorme, surtout comparé aux 384,6 millions d’euros qu’a coûté le 11 de base des Reds, que Tottenham accueillera ce samedi en championnat.
Mais le board du club a parfois craqué, comme au lendemain de la vente de Gareth Bale au Real Madrid. Un transfert qui avait rendu les Spurs plus riches de 100 millions d’euros en 2013.
Christian Eriksen, recruté dans la foulée, se souvient. "Quand je suis arrivé à Tottenham, on était sept nouveaux joueurs et vous savez comment cela s’est terminé", explique-t-il au Daily Mail.
Cela s’est en effet soldé par les échecs cuisants de Roberto Soldado, Paulinho, Étienne Capoue, Vlad Chiriches, Erik Lamela (le seul à être resté, avec le Danois) et Nacer Chadli.
"Ces dernières saisons, on a moins acheté et cela a changé. Évidemment, pour cela, il faut avoir une philosophie et un plan. On les possède" , ajoute Eriksen.
Au-delà de sa sagesse, la direction a su faire preuve d’intelligence en de commettant pas les erreurs du passé.
Pochettino le bâtisseur
Mais sur le banc aussi, on joue la carte de la stabilité, car Pochettino est le coach à la plus grande longévité des grands d’Angleterre. Arsenal vient de subir une véritable révolution avec le retrait d’Arsène Wenger au profit d’Unai Emery, Chelsea vient d’engager Maurizio Sarri afin d’opérer un sacré changement de style, Manchester City et United entament leur troisième saison avec respectivement Pep Guardiola et José Mourinho et Liverpool fait confiance à Jürgen Klopp depuis 2015. Du côté de Pochettino, cela fera maintenant cinq ans qu’il dirige Tottenham.
Selon Eriksen, c’est principalement le coach qu’il faut remercier pour le calme qu’il insuffle à son noyau.
"C’est la chose la plus importante pour un joueur", expliquait-il en 2017 à Sky Sports. "Vous êtes à l’aise, vous avez conscience de tout ce qu’il se passe autour de vous, sans penser à autre chose qu’au football. Les joueurs ont tous des contrats sur le long terme. Ils se sentent en sécurité ici. C’est pourquoi vous avez envie de vous projeter dans le futur."
Tottenham évite donc de sombrer dans la folie qui peut parfois s’emparer de ses concurrents. Problème : le club va devoir négocier avec trois de ses meilleurs éléments, dont le contrat prend fin en mai 2019. Leur nom ? Toby Alderweireld, Mousa Dembélé et Jan Vertonghen.
Les deux premiers ont retrouvé leur place au cœur de l’effectif et le troisième a déclaré s’attendre à ce que le club lève l’option de prolongation d’un an prévue dans son contrat. Les chances de voir le trio de Diables rester à Londres sont donc importantes. Un titre (qui échappe au club depuis la Coupe de la Ligue 2008) maximiserait sans doute les chances de Pochettino de pouvoir compter sur ses Belges la saison prochaine.
Tottenham sait ce qu’il lui fait accomplir pour continuer à se stabiliser…
>> 28,4 >>
En 2018, Tottenham n’a déboursé que 28,4 millions € en transferts, pour un seul joueur, l’ancien Parisien Lucas Moura, acheté lors du mercato hivernal de janvier. Et qui, après six mois d’acclimatation, flambe en ce début de saison. Les dirigeants se sont surtout attelés à blinder les contrats de leurs meilleurs éléments, comme le très courtisé Harry Kane, qui a prolongé en juin pour six saisons, avec un salaire doublé, qui approcherait désormais les 15 millions de livres (17 M €) la saison, hors bonus…
Tottenham, en bon père de famille
L’Observatoire du football (CIES), en Suisse, a récemment publié un rapport dans lequel il a recensé les clubs ayant investi le plus en indemnités de transfert depuis 2010. Ce classement montre clairement que Tottenham est le plus prudent des clubs du Big Six. 7 clubs ont claqué plus d’1 milliard € depuis 8 ans, et parmi ceux-ci 4 membres de Premier League : ManCity (1er), Chelsea (2e), Man United (5e) et Liverpool (7e). Avec 589 millions dépensés depuis 2010, les Spurs ne figurent qu’au 16e rang du classement, derrière Arsenal (14e) et même Everton (15e) ! Les Toffees ont, il est vrai, été très actifs en 2018, achetant pour 166 millions en deux mercati (54 en hiver, 112 cet été). Seul, en Angleterre, Liverpool a été plus dépensier : 29 millions € (86 + 212). Avec la seule opération effectuée en 2018, l’achat de Lucas Moura au PSG pour 28,4 millions € lors du mercato hivernal, Tottenham a été l’un des plus sages de l’année, alors que des clubs comme Fulham (140 M €), Southampton (112 M €) ou Brighton & Hove (103 M €) ouvraient grand leur porte-feuille, allégrement alimenté par les colossaux droits télés de la Premier League…
Wembley, terre d’accueil
Ce choc contre Liverpool devait être le premier match disputé par Tottenham dans le nouveau White Hart Lane, mais l‘accouchement de l’enceinte, qui accumule nombre de retards, a encore été reporté : le stade n’est toujours pas prêt. Et on ne sait toujours pas quand il sera livré !
Depuis 2017, les Spurs doivent jouer leurs matches à domicile à Wembley, et Tottenham aurait étendu son bail de location jusqu’au 15 décembre (pour le match contre Burnley) avec la Fédération anglaise : c’est là qu’il disputera aussi ses matches de Ligue des Champions. Le choc de Premier League face à Manchester City, prévu le 28 octobre, a même dû être décalé au 29 car Wembley est occupé la veille par un match de NFL. Et Vertonghen et les siens vont même devoir jouer leur rencontre de League Cup contre Watford à Milton Keynes, le 26 septembre.
D’aucuns prédisent que Tottenham ne pourra pas prendre possession de son nouveau stade cette saison. Officiellement, les Spurs n’ont pas encore pu fouler leur nouvelle pelouse en compétition officielle en raison de soucis concernant des "systèmes critiques de sécurité", selon un communiqué diffusé par le club qui a présenté ses confuses excuses à ses supporters…