Rencontre avec Guillaume Gillet qui a fêté ses 35 ans: "Je veux jouer en pro jusqu’à 40 ans puis devenir coach"
Guillaume Gillet a fêté ses 35 ans samedi passé. On l’a suivi lors du match Lens-Auxerre puis à sa fête d’anniversaire improvisée à l’ombre du Louvre.
- Publié le 15-03-2019 à 05h45
- Mis à jour le 15-03-2019 à 06h49
Guillaume Gillet a fêté ses 35 ans samedi passé. On l’a suivi lors du match Lens-Auxerre puis à sa fête d’anniversaire improvisée à l’ombre du Louvre. Samedi dernier, le 9 mars 2019. Guillaume Gillet fête ses 35 ans. Un anniversaire qui coïncide avec une affiche qui fleure bon les nineties : Lens-Auxerre à Bollaert. L’occasion parfaite pour aller rendre visite à l’ancien Anderlechtois, en lutte pour la montée en Ligue 1 avec les Sang et Or.
Titulaire dans un rôle de box-to-box, il fait un très bon match. "Il est vraiment très important pour Lens. On voit la différence quand il est là. Sa longue absence pour blessure a été un coup dur pour l’équipe", nous glisse un journaliste local.
Gillet passe trois fois près d’un but mais ce n’était finalement pas nécessaire : Lens s’impose facilement 2-0 face à un Auxerre bien loin de la glorieuse époque des Scifo, Boli et Cantona. Les 30 126 supporters (plus que dans n’importe quel stade de Pro League) font la fête sur le refrain des Corons de Pierre Bachelet.
Après un bain de glace et un passage en zone mixte, Gillet nous emmène vers la salle VIP du stade. "On sera à l’aise pour faire l’interview", nous annonce-t-il. En rentrant dans cette sorte de gigantesque loge avec vue sur la pelouse, les enceintes se mettent à vibrer : Patrick Sébastien hurle son tube "Joyeux anniversaire". La famille et les amis du Liégeois étaient là pour le surprendre : "On a réduit les vacances au ski d’une journée pour faire une surprise à Guillaume. On est parti d’Avoriaz à 4 h du matin", nous explique Marie, son épouse.
Le temps que le jubilaire fasse la bise à toute la table, les vigiles annoncent que la salle VIP va fermer. "Pas grave, on va aller faire l’interview dans un hôtel à 500 mètres du stade."
Direction l’établissement situé pile en face du magnifique Louvre-Lens avec toute la bande. Une bande vite rejointe par Jean-Louis Leca, gardien du Racing et grand ami de Gillet depuis leur passage commun à Bastia. Il salue tout le monde avant de forcer son accent corse en voyant Vittoria-Blake, la petite dernière des Gillet née sur l’île de Beauté. "Elle, c’est une Corse comme moi !"
Avant de s’isoler avec nous pour l’interview promise, Gillet déballe son cadeau : un snowboard. "On a demandé un modèle qui sera encore à la mode dans cinq-six ans pour que tu puisses l’utiliser après ta carrière de joueur", rigole Marie.
Vous avez 35 ans. Vous allez vraiment encore jouer cinq ou six ans ?
"Oui, j’aimerais bien jouer jusqu’à au moins 40 ans dans le football professionnel. Puis après, je finirai au FC Liège mais avec la volonté d’encore être performant. Il faut se donner des objectifs à long terme. Mais je resterai lucide : si ça ne va plus, j’arrêterai. Enfin, le coach m’aura sans doute arrêté avant (sourire)."
C’est rare les joueurs de champ qui arrivent jusqu’à 40 ans.
"Timmy (Simons) l’a fait. Et en France, Hilton tient la défense de Montpellier à 41 ans. Ce sont des exemples pour moi. Ils me donnent envie d’y arriver aussi."
Sur sa fin de carrière, Simons jouait en défense ; vous êtes milieu de terrain. Est-ce possible de jouer si longtemps à un poste aussi exigeant physiquement ?
"Quand je suis sur le terrain, il faut que je sois carbonisé. Ça fait partie de mon style. Si je dois sortir à la 70e parce que je suis grillé, je le ferai. Mais pour le moment, ça tient bien."
Craignez-vous le moment où vous n’aurez plus les jambes ?
"Oui, ça me trotte dans la tête. J’ai peur d’arriver au jour où je devrai voir la réalité en face. Oui, j’y pense beaucoup. Je ne suis vraiment pas pressé d’arrêter. J’adore encore ce que je fais. Tant que j’ai les jambes, je continue."
Cette saison, vous avez connu la première grosse blessure de votre carrière : une déchirure importante et quatre mois d’absence. C’est lié à votre âge ?
"En partie, oui. Je sais pourquoi je me suis blessé et je sais comment l’éviter à l’avenir. J’ai terminé la saison passée le 5 mai à l’Olympiacos et j’ai signé à Lens le 8 août. Trois mois sans entraînement collectif, c’est beaucoup. J’ai travaillé individuellement mais c’est dur de trouver les ressources pour bosser seul tous les jours. J’ai d’abord eu du mal à retrouver le rythme puis je me suis blessé en septembre. Il n’y a pas de hasard. Pendant la trêve hivernale, j’ai pris un coach personnel à Dubai pour être prêt et être bon en 2019."
Si les blessures s’enchaînaient, vous tenteriez aussi de continuer ?
"Non, je ne m’obstinerai pas. Maintenant que j’ai vu l’envers du décor d’une longue absence des terrains, je comprends qu’il ne m’aurait pas fallu beaucoup de grosses blessures pour me déstabiliser. C’est très dur. J’ai pensé à Vincent (Kompany) qui est blessé depuis des années sur de longues périodes. Et chaque fois, il revient au top. Il faut une force de caractère énorme."
Vous voulez continuer jusqu’à 40 ans mais il faut aussi que les clubs vous prennent. Or ils font rarement de la place pour les "vétérans".
"Oui, il y a clairement une réticence avec l’âge. Les clubs préfèrent bosser avec des jeunes, à part peut-être en Italie. En quittant l’Olympiacos après avoir fait une saison moyenne, je dois le reconnaître, je m’attendais quand même à avoir des propositions en Ligue 1 vu mes passages à Bastia et Nantes. Mais non, rien. L’âge joue dans la tête des dirigeants."
Vous arrivez en fin de contrat à Lens mais il y a une clause de prolongation si vous montez en Ligue 1 en jouant un nombre minimum de matchs.
"Cette clause tombe à l’eau car je n’atteindrai pas le total de matchs à cause de mes quatre mois d’absence. Mais ça ne me stresse pas. J’ai une très bonne relation avec le club. C’est ce que je vais montrer sur le terrain en fin de saison qui décidera de mon avenir ici."
Vous espérez rester ?
"Je me sens bien ici. Jouer devant 30 000 personnes à mon âge, c’est fabuleux. J’ai senti que le club désirait m’engager l’été dernier et on verra bien si l’envie est toujours là en fin de saison."
Jouer aux États-Unis, ce n’est plus dans vos projets ?
"Ce sera très compliqué. Les clubs ont changé de philosophie au niveau des transferts. J’aurais pu signer aux Los Angeles Galaxy au printemps 2017 mais ce n’était pas le bon moment. Et le contrat n’était pas attractif. J’ai parlé plusieurs fois avec Sacha Kljestan (NdlR : qui joue à Orlando) mais il n’y a jamais eu d’opportunité. Mon profil n’intéresse donc pas et je ne vais pas forcer les choses."
Lors de la prochaine négociation de contrat, Mogi Bayat sera-t-il toujours votre agent ?
"Oui, il n’y a aucune raison qu’il ne fasse plus partie de ma carrière de joueur. Tout ce qui s’est passé avec les affaires, c’est pour lui que c’était difficile. Pour ses joueurs, ça ne change rien. Il n’y en a d’ailleurs pas beaucoup qui l’ont quitté depuis."
Même si vous espérez encore jouer plusieurs années, vous pensez aussi à votre reconversion ?
"Oui car tout peut s’arrêter brutalement et il faut pouvoir retomber sur ses pattes. Des joueurs qui ont arrêté leur carrière sans préparer l’après ont connu des moments difficiles. Ma reconversion se fera dans le football, c’est mon dada. Je pense pouvoir apporter quelque chose."
Comme entraîneur ?
"Oui, j’ai envie de passer mes diplômes. Je me suis déjà renseigné, en France et en Belgique. C’est mieux de les passer en Belgique. J’aimerais commencer le cursus pendant que je joue encore, pour prendre de l’avance. C’est possible de combiner les deux. Un parcours comme Besnik (Hasi), ça me plairait bien. D’abord apprendre dans l’ombre, si possible dans un grand club. Quand tu es adjoint à Anderlecht, tu peux emmagasiner beaucoup d’expérience. Jusqu’au moment où tu sens que tu es prêt à voler de tes propres ailes."
Vous êtes plus attentif aux séances de vos entraîneurs ?
"Oui, j’essaie de noter et de me remémorer les séances qui m’ont bien plu. J’ai changé beaucoup d’entraîneurs ces dernières années et ça permet d’apprendre, que ça se passe bien ou pas. Ce sera un bon bagage."
Quel entraîneur vous a le plus plu dans votre carrière ?
"Je les remercie tous car je me suis toujours bien entendu avec eux. On disait toujours partout où j’allais que j’étais le fils du coach. C’est un peu péjoratif. Ça veut dire : ‘T’es mauvais mais le coach t’aime bien et tu joues quand même.’ Mais c’est pas grave. C’est plus la preuve que je suis parvenu à m’acclimater à chacun de mes entraîneurs."
Et qui fut votre préféré ?
"Avec John van den Brom et Sergio Conceição, j’avais quasi une relation fusionnelle. Sergio, je ne l’ai eu que cinq mois à Nantes mais il m’a ouvert les yeux sur le métier. Comme John avait déjà commencé à le faire avant. Quand je les voyais entraîner, ça me donnait envie. Leur façon de diriger me plaît. Le contact facile avec les joueurs et les séances avec ballon. J’ai aussi vu à quel point il est important de se constituer un bon staff. Bon, je suis déjà limite en train de choisir mes adjoints, on n’en est pas encore là, hein (rires). En plus, la carrière de joueur n’assure rien. J’ai fait une carrière de joueur correcte mais je serai peut-être un mauvais entraîneur. Il y a une grande différence."
Vous suivez encore le championnat de Belgique ?
"Oui, Canal + montre les matchs importants. J’ai suivi le Clasico et le Topper dernièrement. De toute manière, les choses sérieuses vont seulement commencer. Genk a perdu du rythme et l’écart n’est plus insurmontable. Les playoffs vont être ouverts."
Qui sera champion ?
"J’espère que ce sera Genk. Ça joue un foot offensif et attractif. Et puis quand tu gagnes la phase classique, tu mérites le titre. En tant qu’ancien joueur et supporter, je pourrais dire Anderlecht mais je n’y crois pas."
En 2014, vous y étiez parvenu à déjouer les pronostics avec Anderlecht.
"Oui, c’était avec Besnik mais il y a une différence de talent entre l’effectif de 2014 et celui de cette année. Mais on ne sait jamais non plus. Qui pensait que l’Ajax irait se promener à Madrid et que Manchester se qualifierait à Paris ? Il faudra en tout cas de grosses ressources mentales à Anderlecht."
La saison difficile d’Anderlecht vous surprend ?
"Pas vraiment. C’est difficile de succéder à Roger (Vanden Stock) et Herman (Van Holsbeeck). Tout était carré et clair avec eux. Reprendre le RSCA, ce n’est pas simple. De l’extérieur, on dirait que l’âme du club a disparu. Je comprends l’inquiétude des supporters."
Dernière question avant de vous laisser fêter votre anniversaire : vous aviez un jour déclaré vouloir courir un marathon après votre carrière. C’est toujours d’actualité ?
"Oui, je veux essayer un marathon une fois. En match, je cours un quart de marathon et j’ai envie de voir ce que ça donne en vrai. J’aimerais aussi faire un triathlon. J’ai un cousin qui en fait. Il se lève tous les jours à 6 heures pour aller en piscine avant son boulot. Mais ce dont je rêve le plus, c’est de faire des courses de voitures. Je vais peut-être bientôt m’y mettre. J’ai des amis qui sont dans ce monde-là et qui vont me donner les contacts. J’ai déjà fait des essais sur circuit et j’adore ça. Thierry Neuville, c’est mon idole. Jérôme D’Ambrosio aussi. Si un jour, je pouvais faire les 24 Heures du Mans ou un truc comme ça, je serais au paradis."