Premier League: Rúben Neves, le jeune Loup aux dents longues
Le milieu de terrain de Wolverhampton poursuit son ascension en Angleterre, après avoir éclaté à Porto.
- Publié le 14-01-2019 à 15h36
- Mis à jour le 18-01-2019 à 21h55
Le milieu de terrain de Wolverhampton poursuit son ascension en Angleterre, après avoir éclaté à Porto.
Le 8 juillet 2017, le G20 est réuni à Hambourg, l'ancien ministre de l'Intérieur kényan Joseph Ole Nkaissery décède d'une crise cardiaque et Wolverhampton dépose dix-huit millions d'euros sur la table d'un FC Porto aux abois financièrement pour arracher Rúben Neves aux Dragões. Record pour un transfert entrant battu en Championship.
Le transfert du joueur de vingt ans (il est né le 13 mars 1997) n'étonne qu'à moitié quand on connaît les liens étroits qu'entretiennent les Wolves avec Jorge Mendes, pape des agents et quasi démiurge de bien des carrières footballistiques au Portugal, dont celle de Neves. Il n'empêche, on s'interroge quand même un peu sur ce qu'est venu faire cet élément fin et racé dans un club certes ambitieux, mais qui doit encore se coltiner une saison en D2 anglaise.
On se demande même si Neves, né dans une famille portista pur jus à Santa Maria de Feira, une ville située à trente bornes au sud de la grande cité du nord, n'est pas tout bonnement en train de flinguer sa carrière, après avoir battu des records de précocité.
La trouvaille de Lopetegui
Plus jeune capitaine européen et buteur du club, plus jeune Portugais à évoluer en Ligue des Champions (adeus, Cristiano Ronaldo), il effectue ses débuts pros à dix-sept ans seulement, au milieu des Casemiro, Hector Herrera et autres Ricardo Quaresma. "Quand il évoluait en U16 et en U17, il faisait déjà preuve d'une attitude très professionnelle", dit de lui José Guilherme, son coach chez les jeunes Dragons. "On savait déjà qu'il ne se perdrait pas en chemin." Bien vu, car pour sa première saison chez les grands, il prend part à trente-sept rencontres (la moitié en tant que titulaire) au poste de médian défensif ou de relayeur dans le 4-3-3 de Julen Lopetegui.
Si son talent saute aux yeux dès son arrivée au centre de formation en 2005 (il a huit ans), c'est bien l'ex-entraîneur de Thibaut Courtois qui lui offre sa première chance en équipe A. "Un risque calculé", explique l'Espagnol, à l'issue d'un match où son poulain marque le premier but de sa carrière. "C’est un garçon que nous avons repéré lors de la préparation, il a commencé à s’entraîner avec nous et il est resté. Mais il a dix-sept ans et doit continuer à travailler tranquillement pour continuer à franchir les étapes. Il est vrai qu’il les brûle rapidement", se réjouit-il, avant d'ajouter qu'"être jeune est une caractéristique, pas une tare".
Très vite, les comparaisons fleurissent avec João Moutinho, parti à Monaco. Même physique élancé, même élégance balle au pied, même précision dans la passe, belle vista, les deux joueurs affichent un style similaire. Et si Rúben parle plutôt d'une filiation avec Andrea Pirlo, difficile de ne pas voir en son éclosion express une passation de pouvoir avec celui qui est aujourd'hui son équipier au Molineux Stadium.
Qu'importe de qui Neves est l'héritier, il lui suffit d'une seule saison pour devenir le symbole de Porto, qui veille jalousement sur un joyau déjà pisté par la Juventus ou encore Liverpool.
Le petit prince sans titre
La saison suivante repart sur les mêmes bases, avec en prime un brassard de capitaine glissé le long du bras de temps en temps. À dix-huit ans seulement... Titulaire deux fois sur trois, il continue son apprentissage au plus haut niveau aux côtés d'Herrera et décroche dans la foulée sa première sélection internationale. Il lui faudra un petit moment pour s'installer définitivement au milieu, après un Mondial 2018 auquel il ne participe pas, mais il réussit sa Ligue des Nations. Avec les deux Silva, Bernardo et André, c'est bien lui qui représente l'avenir d'une Seleção qui va bientôt devoir digérer l'après-Ronaldo.
Mais ces éloges en club et en équipe nationale ne suffisent plus et Neves commence à en vouloir plus en termes de temps de jeu, qui lui fait défaut lors de la saison 2016-2017. Blessé ou sur le banc, cette année marque un petit coup d'arrêt dans sa progression. Une situation d'autant plus frustrante qu'à cette époque, Benfica truste les titres en championnat et réduit Porto aux seconds rôles.
Cela tombe bien, à 2250 kilomètres de là, un club anglais sans relief apparent est en train de bâtir un projet plein d'audace, mâtiné d'un accent portugais qui ne demande qu'à accueillir Rúben.
Une étonnante tanière
Au milieu de l'été 2017, il quitte donc son cocon, direction la froide et pluvieuse Angleterre. Le choix est difficile pour ce jeune homme de vingt ans, qui part de Porto avec la devise du club tatouée sur son bras gauche. Mais il est posé sans regret. "C'était la bonne décision pour ma carrière", affirme-t-il au Guardian. "Je serai toujours un fan acharné de Porto, mais une carrière est courte et ici, j'avais l'occasion d'obtenir plus de temps de jeu, ce qui n'était pas le cas à Porto. C'était une décision professionnelle."
Ironie du sort, en rejoignant l'Angleterre, il se retrouve sous les ordres de Nuno Espírito Santo, qui ne l'avait guère utilisé lors de son mandat au Dragão. Pas de mauvaise surprise cette fois. Le plan est clair pour le ténébreux Nuno, qui fait reposer son football sur les épaules de son compatriote, la clé de voûte d'un milieu de terrain dense et dominateur.
Cette unique saison en Championship est l'occasion pour lui de se frotter au rythme plus physique et agressif du foot anglais. Mais aussi de figurer dans l'équipe-type de la saison et d'être nommé au titre d'espoir de l'année. Bref, c'est la rampe de lancement idéale pour un baptême du feu en Premier League, histoire de prouver que l'option britannique n'était pas uniquement dictée par l'appât du gain de Mendes ou les difficultés financières de son club formateur.
Danse avec les Loups
Son niveau de jeu ne faiblit pas au sein de l'élite. Au contraire, il impressionne par sa justesse, notamment dans la distribution du jeu long. Un exercice dans lequel il avait déjà dominé la concurrence la saison dernière (362 longs ballons réussis, soit 71 de plus que ses adversaires). Une facilité qui lui permet de continuer d'endosser le rôle de plaque tournante des Wolves, malgré l'arrivée de Moutinho cet été. Des Loups sans complexe, qui continuent de se faire craindre du gratin anglais et sont actuellement onzièmes.
Mais Rúben ne se contente pas de balancer des caviars: Il s'implique plus dans le jeu que lors de sa dernière saison à Porto (soixante passes par match, contre trente-cinq en Liga NOS, 84% de réussite) et a bien appris les bases de l'intensité anglaise en n'hésitant pas à mettre le pied quand il le faut (2,3 tacles et deux interceptions par rencontre en Angleterre), tout en prenant deux fois plus sa chance au but, notamment à distance grâce à sa superbe frappe de balle.
Des état de service et des qualités qui auraient excité l'intérêt de Manchester City. S'il n'hésite pas à mettre ses mains dans le cambouis, difficile de renier sa nature princière...