Ligue 1: Andy Delort, le pigiste de Montpellier
À vingt-sept ans, l'attaquant franco-algérien a enfin sorti une saison digne des espoirs placés en lui.
- Publié le 26-05-2019 à 19h49
- Mis à jour le 27-05-2019 à 08h20
À vingt-sept ans, l'attaquant franco-algérien a enfin sorti une saison digne des espoirs placés en lui.
Neuf clubs, trois pays, dix saisons chez les pros, une naturalisation algérienne express. À vingt-sept ans, Andy Delort en a vu du pays ! Sans oublier cette arrestation pour outrages à agent en août 2018, après avoir insulté les policiers qui l'avaient arrêté en plein course-poursuite dans le sud de la France. Ni cette interpellation au volant avec deux grammes dans le sang en février de la même année (qu'il mettra sur le compte d'un baby-blues). Ni cette suspension pour avoir participé à une bagarre générale à Ajaccio en 2011. Ni ce début de saison zappé avec Caen en 2016, quand il tente de forcer son transfert en séchant purement et simplement les entraînements. Un coup de force qui l'emmène aux Tigres de Monterrey (Mexique). Oui, vraiment, Andy Delort est difficile à suivre.
"Je ne suis pas un ange", reconnaît-il dans un entretien accordé à France Football. "C'est sur le terrain qu'il faut me juger. Je pense être humble, très gentil. Parfois, je m'énerve un peu vite, mais c'est ce qui m'a permis d'être professionnel. Cette hargne, on la voit sur le terrain." Notamment lorsqu'il arme ces patates de dingo, à transpercer les filets les plus solides.
Ne à Sète le 9 octobre 1991, la paire de mollets la plus impressionnante d'Europe possède la gueule de l'emploi : beau mec, larme tatouée sous l’œil droit, corps massif (1,81 mètre pour 83 kilos), il ne passe pas inaperçu. C'est d'ailleurs parfois plus grâce à son physique de bûcheron et ses frasques que par ses stats maradonesques qu'il a frappé les esprits.
Formé entre sa ville natale et Ajaccio, le garçon découvre le monde pro en Ligue 2 avec le Nîmes Olympique, avant de revenir en Corse, pour y disputer trois saisons plutôt anonymes (entrecoupées par un prêt peu convaincant à Metz). Cinquante-cinq matches, sept buts, quatre assists, entre la L1 et la L2, pas de quoi fouetter un chat.
Détail piquant, à dix-sept ans, le joueur avait réussi ses tests au... Borussia Dortmund avant de filer à Nîmes. "Ça s’est bien passé sur le terrain, mais je ne me sentais pas prêt", se souvient-il dans 20Minutes. "La langue, le pays, il y avait trop de choses qui n’allaient pas le faire. J’étais prêt à intégrer un club professionnel, à quitter ma maison, mais pas non plus prêt à changer complètement de vie. Là-bas, ils voulaient me faire dormir dans une famille d’accueil, comme c’est le cas pour tous les jeunes qui arrivent. Ça, ça m’a stoppé direct." Ça sera donc une pige chez les Crocodiles.
Montée dans les tours avant la chute
Puis c'est l'explosion. Sans prévenir. Transféré gratos à Tours, il décide de se réveiller et de claquer quatre doublés, un triplé, pour un total de vingt-quatre buts (plus huit passes dé') au cours d'un championnat dont il fait partie de l'équipe-type.
On se dit que le joueur, vingt-deux ans à l'époque, est enfin lancé. Sauf que non. Car un transfert en last minute à Wigan n'est vraiment pas la meilleure façon de confirmer ces chiffres plus qu'intéressants. C'est même la meilleure manière de flinguer une carrière à peine naissante. Aucun but, un coach (Malky MacKay) qui ne l'aime guère, onze matches disputés, cette escapade dans le nord de l'Angleterre est un véritable échec (le club fera même la culbute une League One en fin de saison). "Tours n’était pas très bien financièrement et il fallait que je parte pour le club aille mieux. Mais je le sentais mal dès le départ…", se rappelle-t-il plus tard, dans 20Minutes.
Le retour au bercail lui fait du bien. Il file à Caen, où il réalise un début de saison canon et marque à douze reprises, dont une sublime frappe au Vélodrome pour son premier match. La clé pour permettre aux Normands de finir sur une très jolie septième place et se faire adorer par le public. Il ne met que quelques mois à se faire détester, quand il y va au forcing pour arracher son billet pour le Mexique, alors que les Tigres et son club ne parviennent pas à se mettre d'accord.
Tout ça pour finir sur le banc du club dont la star est André-Pierre Gignac et revenir quelques mois plus tard dans l'Hexagone, toujours au Stade Malherbe (cinq buts en quinze matches). Difficile de se planter plus. "Il a pris la mauvaise route, il est en train de se foutre en l'air", se lamente Xavier Gravelaine, alors directeur sportif du SM Caen. Un club qui récupère quand même huit millions d'euros dans la transaction.
Retour à Caen, puis à Toulouse, donc. Où Delort débarque avec une sale réputation, forcément. "Je ne me vois absolument pas comme un mercenaire", jure-t-il dans L'Équipe. "Les gens croient que l’on ne pense qu’à l’argent, mais si c’était le cas je n’aurais pas signé à Toulouse, où je gagnerai beaucoup moins." On veut bien le croire. Mais même s'il n'aime pas le pognon, Delort n'en reste moins pas un mec au caractère parfois difficilement gérable, même si Mickaël Debève, son coach au Téfécé le considère comme "irréprochable". C'est malgré tout un nouvel échec (cinq buts à peine, alors qu'il est titulaire).
Le retour en grâce
Nouveau prêt, nouveau club : Montpellier. À la Paillade, Delort se rappelle qu'avant d'afficher les stats d'un mec un peu à l'ouest, il est surtout un bon joueur de foot. À tel point qu'avec les Héraultais, il claque un total de quatorze pions et emmène le club aux portes de l'Europe. Mieux, il devient international algérien (lui qui avait déjà tâté de l'Équipe de France en... beach-soccer, aux côtés d'Eric Cantona). "Ma mère est Algérienne, mes ancêtres aussi", dit-il sur RMC, pour justifier cette décision. "Parfois dans la vie, on apprend des choses, on se découvre un peu plus tard. Cela s’est passé comme ça et j’ai pris ma décision. C’est une décision personnelle, personne ne m’a appelé. C’est moi qui ait décidé de faire les démarches pour y aller." Encore une fois, il prend tout le monde à contre-pied.
Un nouveau passeport en poche, une superbe saison derrière lui, une Coupe d'Afrique des Nations qui pourrait se disputer avec lui dans les rangs de Djamel Belmadi (le sélectionneur des Fennecs), une hygiène de vie "irréprochable" après des années à déconner entre nuits blanches et malbouffe, tout roule pour le bad-boy au grand cœur de Montpellier. "Je suis heureux d'être ici où je vis un rêve de gosse", explique-t-il en début de saison. "Je suis fait pour jouer à Montpellier."
Toutefois, après dix ans à écumer les routes de France, d'Angleterre et du Mexique, on ne serait pas surpris de voir Andy Delort switcher d'ici quelques mois (il était prêté par le TFC avec une option d'achat obligatoire) en direction d'un dixième club.
Fidèle à lui-même, mais pas à ses équipes, en voilà un qui a du mal à se poser...