Les Belges du bout du monde (6/10): "On peut gagner 10 000€ par mois en Lituanie"
À 24 ans, le Carolo Omar Diarra veut absolument réussir dans le football pro. Il est prêt à beaucoup de sacrifices pour ça, même jouer en D4 allemande puis en Lituanie.
- Publié le 07-01-2019 à 06h50
- Mis à jour le 09-01-2019 à 09h10
À 24 ans, le Carolo Omar Diarra veut absolument réussir dans le football pro. Il est prêt à beaucoup de sacrifices pour ça, même jouer en D4 allemande puis en Lituanie. Le nom rappellera quelque chose aux supporters de l’Olympic de Charleroi. Dans les années 90, l’attaquant sénégalais Mamadou Diarra était l’une des têtes d’affiche en D2. "Il a aussi joué trois Coupes d’Afrique et il devait même partir à Mouscron en D1 mais une rupture des ligaments croisés a mis fin à son rêve", raconte Omar, le fiston, né à Dakar il y a 24 ans mais qui a grandi en Belgique.
Le rêve d’Omar, lui, tient toujours. Comme son papa, il veut réussir dans le football professionnel. Malgré une formation faite, en partie, au Sporting de Charleroi qui n’a pas débouché sur un contrat, pas question pour lui d’aller risquer de se faire oublier dans le foot amateur. Alors, il est prêt à voyager. Là, il rentre tout juste d’une aventure de six mois en… Lituanie.
Comment un Belge se retrouve-t-il à jouer en Lituanie ?
"Par un agent, tout simplement."
Un agent lituanien ?
"Non, un Belge d’origine portugaise (rires). Pendant ses vacances l’été passé, il a rencontré par hasard le fils du vice-président de l’Atlantas Klaipeda. Il lui a expliqué que le club cherchait un milieu offensif. L’agent lui a parlé de moi et voilà."
Vous avez accepté directement ?
"Oui, c’était un beau projet. L’Atlantas est en D1 lituanienne et visait une qualification en Ligue Europa."
Mais ça ne s’est pas passé comme prévu.
"Non, la saison a été compliquée. On a fini 6e, assez loin des places européennes."
C’est comment la D1 lituanienne ?
"Je ne vais pas vous mentir : je suis parti en ne connaissant rien du tout du foot dans ce pays. J’ai été agréablement surpris. C’est un bon niveau, surtout les deux grosses équipes du pays, Suduva et Zalgiris."
Vous avez beaucoup joué au début puis plus du tout à la fin. Que s’est-il passé ?
"J’étais performant. Je devais juste sortir dans les dernières minutes car je manquais de rythme au départ. Mais la saison du club était difficile. On perdait beaucoup de matchs et les soucis financiers ont commencé. Beaucoup de joueurs sont partis en cours de saison. J’ai suivi avant la fin du championnat (NdlR : la saison en Lituanie se déroule sur l’année civile). Officiellement, je suis toujours sous contrat là-bas mais je ne suis pas du tout sûr de revenir pour la saison prochaine. J’espère retrouver autre chose rapidement."
Quel souvenir allez-vous garder de la Lituanie ?
"Un bon souvenir. Je vivais à Klaipeda, une ville universitaire au bord de la mer. Un chouette endroit."
Il paraît que les filles sont très jolies en Lituanie.
"Je ne sais pas (rires). Je suis fiancé et j’ai un projet de mariage. Pour réussir dans le football, il faut avoir une certaine structure autour de soi. Les femmes, c’est une distraction pour les footballeurs et je veux rester concentré sur ma carrière. Ma fiancée est, avec ma mère, ma première supportrice et c’est important pour moi."
Avez-vous été confronté au racisme en Lituanie ?
"Pas du tout. J’étais juste une curiosité. Il n’y a pas beaucoup de Noirs en Lituanie et quand il y en a, les gens regardent un peu surpris. Pendant mes quelques mois à Klaipeda, j’ai dû croiser cinq autres Noirs. Quand ça arrivait, on se regardait et on se marrait, même sans se connaître (rires)."
C’est possible de gagner sa vie en jouant en Lituanie ?
"Oui, clairement. Certains salaires pouvaient monter jusqu’à 10 000€ net par mois là-bas. C’était encore plus qu’en D4 allemande où je jouais avant. Là, ça tournait entre 5 000 et 7 000 €. Aussi bien en D1 lituanienne qu’en D4 allemande, c’est professionnel."
Vous avez joué toute la saison 2017-2018 au SC Wiedenbrück après avoir quitté les jeunes de Charleroi.
"Oui, c’est bien ça. Quand j’ai quitté Charleroi, je me suis retrouvé sans club. Je me suis entraîné dans l’académie de Seth Ngaku à Bruxelles. Puis je devais signer au Paris FC. Je suis allé là-bas mais, au dernier moment, il y a eu un souci sur l’aspect financier. Tout a capoté. Via un ami qui connaissait un joueur australien de Düsseldorf, je suis entré en contact avec un agent qui me parlait de l’Allemagne. Je suis d’abord parti faire un test à l’Alemannia Aachen, un club qui est retombé en D4. J’ai réussi à les convaincre mais avant de signer, l’agent m’a proposé d’aller à Wiedenbrück, aussi en D4. J’ai à nouveau réussi le test et on m’a proposé un contrat au bout de trois jours."
Mais vous n’avez pratiquement pas joué de toute la saison.
"Le coach qui m’avait fait signer est vite parti. Et ça n’a pas collé avec son remplaçant. Je bossais pourtant beaucoup et je montrais de bonnes choses dans les amicaux mais ça ne changeait rien à ses yeux. C’était assez injuste et c’est pour ça que j’ai rapidement accepté l’offre en Lituanie quand elle s’est présentée."
Ces galères, ça ne vous donne pas parfois envie d’arrêter le foot professionnel ?
"Non, je crois en mes qualités et je n’abandonne pas. J’ai besoin de trouver un bon environnement où je pourrai me montrer."
C’est impossible de le trouver en Belgique ?
"En Belgique, c’est très dur d’entrer dans certains clubs si tu n’as pas le bon agent. Il y a beaucoup de bons jeunes bloqués à cause de ça. Ce ne sont pas toujours les meilleurs qui jouent, ce sont ceux avec les meilleurs contacts…"
Ce n’est pas compliqué d’attendre un nouveau défi en sachant que ça risque à nouveau d’être dans un pays exotique ?
"Non, ça fait partie des sacrifices qu’il faut faire. Même Cristiano Ronaldo en fait pour sa carrière. C’est un métier que j’adore et je m’y accroche. J’encourage d’ailleurs toutes les jeunes footballeurs comme moi à oser tenter leur chance à l’étranger si la porte est bloquée en Belgique. C’est mieux de jouer en D1 lituanienne que de se retrouver en P1 sans espoir de revoir le professionnalisme. Ton pain, il faut aller le chercher."