Josef Martinez, le serial buteur d'Atlanta: "Jeune, j'ai parfois dû choisir entre prendre un bus... ou manger"
34 goals en 38 matchs cette saison: Atlanta compte sur sa star en MLS Cup, ce samedi, face à Portland !
- Publié le 06-12-2018 à 15h31
- Mis à jour le 26-02-2019 à 15h02
C’est le tube de l’année en Major League Soccer. Celui qui fait danser les défenseurs sur un air qui n’appartient qu’à lui et à cause de qui les gardiens ne savent plus sur quel pied (ou main, c’est selon) danser. Lui, c’est Josef Alexander Martinez Mencia, plus communément appelé Josef Martinez.
Le Vénézuélien, récemment élu joueur de l'année en MLS devant un certain Zlatan Ibrahimovic, est un empêcheur de danser en rond pour ceux qui sont amenés à affronter Atlanta United. Ils sont peu nombreux ceux qui ont pu résister à son déhanché sur les terrains outre-Atlantique. La preuve en chiffres ? L’attaquant, qui marque aussi bien de la tête que des deux pieds, a ainsi inscrit 34 goals cette saison en 38 matches, record qui peut encore être amélioré ce samedi lors de la finale du championnat nord-américain, la MLS Cup. Le tout vient se rajouter aux 19 goals en 21 matches la saison dernière. Soit, pour le compte d’Atlanta, un ratio ahurissant de 0,89 but par match. Excusez du peu.
C’est en tout cas la belle trouvaille de Gerardo Daniel “Tata” Martino, l’entraîneur argentin passé par le FC Barcelone lors de la saison 2013-2014. Pourtant, peu de connaisseurs du ballon rond auraient osé miser un dollar sur celui qui s’enlisait dans la Botte et traînait son ennui sur le banc des Granata. Mais Josef Martinez, c’est un caractère forgé dans les épreuves de la vie, un parcours qui l’a poussé à se priver d’alimentation afin de pouvoir vivre sa passion, comme il l’a raconté sur The Players’Tribune. Même si le ballon semble enfin rouler dans le bon sens pour le Vénézuélien, le gamin de Valencia, capitale de l’État de Carabobo, sait qu’il n’est pas arrivé au sommet, qu’il n’en est qu’au début de l’écriture d’une partition qu’il espère bien voir devenir une symphonie.
Mais avant de se projeter sur son avenir, Josef Martinez ne pense qu’à une chose : remporter la MLS Cup ce samedi face au Portland de l’ancien Anderlechtois Samuel Armenteros. Il écrirait ainsi l’histoire d’Atlanta United qui n’en est qu’à sa deuxième saison au sein d’un championnat regroupant, mine de rien, 23 franchises. Le tout dans une couverture qu’il connaît bien puisque c’est à Atlanta, dans l’État de Géorgie, dans son stade fétiche que la finale se disputera : le Mercedes-Benz Stadium, dont la construction aura coûté 1,6 milliard de dollars.
Josef Martinez pourra non seulement compter sur le soutien de tous ses supporters amassés dans un stade qui peut contenir plus de 72.000 places. Mais des yeux bienveillants le surveilleront certainement, histoire de le corriger par après et de lui remettre les idées en place, si le besoin s’en faisait sentir. José, son grand-père, puisque c’est de lui qu’il s’agit, s’est occupé de Josef depuis sa plus tendre enfance en compagnie de sa femme. Les parents du futur goleador étaient en effet absorbés par leur travail. “Ma mère travaillait dans une épicerie de proximité : La Bodega de la Señora Andrea”, s’est souvenu Martinez pour The Players’Tribune. “Tout le quartier passait par là. Je me souviens encore de la musique, sortant de la radio, qui assurait l’ambiance en fond sonore.”
Martinez a baigné dans le monde du ballon rond depuis sa tendre enfance. L’influence de José, le grand-père, là encore, qui reste souvent à Atlanta, maintenant, avec son petit-fils. “Mon grand-père était maçon. Il travaillait sur des maisons, des magasins ou des buildings à Valencia. Lorsqu’il rentrait à la maison, il voulait regarder du football à la télévision, pas du base-ball qui est pourtant un sport majeur au Venezuela. Mes grands-parents ont vu les conséquences de la guerre et des problèmes en Colombie, dont ils sont originaires. Cela m’a fait réaliser qu’il faut beaucoup travailler pour obtenir ce que l’on veut.”
Josef Martinez se tourne donc tout naturellement vers le ballon rond à l’heure de choisir un sport. “À 9 ans, j’ai intégré un programme de football : ‘Centro Italo’, assez loin de la maison. Je devais parfois prendre le bus. Quand il y avait moins de monde qui passait au magasin, que les affaires marchaient moins bien, je devais parfois choisir entre un ticket de bus et m’acheter de quoi manger. Si je m’achetais à manger, j’en avais pour trois à quatre heures de marche. Ou j’allais dormir l’estomac vide, tout le monde étant couché quand je rentrais.”
Josef Martinez ne raconte pas cela pour qu’on s’apitoie sur son sort. Ce n’est pas le genre de la maison. Le Vénézuélien est fier de son parcours. “Certes, ce n’était pas facile mais tout cela crée des battants, des guerriers.”
Josef Martinez poursuit son ascension vers les sommets, tout en gardant en tête l’idée de remettre l’ouvrage sur le métier. Continuellement. Il se retrouve alors au Caracas FC, fréquenté par un certain Ronald Vargas (ex-Club Bruges et Anderlecht) mais quitté par celui-ci avant que Martinez n’arrive en équipe première. C’est à dix-sept ans que ce fan du Real Madrid, qui prend pour modèle le Brésilien Ronaldo mais aussi Iker Casillas, effectue ses débuts en équipe première.
En une saison et 43 matches, il inscrit 9 buts. Loin de son ratio actuel donc, mais assez pour taper dans l’oeil des recruteurs des Young Boys de Berne. Il débarque donc en Suisse en 2012, à 19 ans, en plein hiver. “Young Boys m’a fait signer un contrat à la Noël avec mon ami Alexander Gonzalez (NdlR : maintenant défenseur au club espagnol d’Elche)”, se souvient Martinez sur The Players’Tribune. “Je n’ai pas eu peur quand Berne m’a contacté. Je m’intéressais plus à ma carrière que je n’avais peur de l’inconnu ou d’un long vol. Je savais que ce serait ma chance d’être footballeur pro. Mais bon, on connaît l’histoire : il fait froid, on ne parle pas la langue, le football est différent. La nourriture me semblait bizarre mais certains ne réalisent pas l’avantage de l’opportunité qui leur est offerte.”
Pas encore totalement acclimaté au football à l’européenne, Josef Martinez part s’aguerrir à Thoune, où il laisse entrevoir des capacités intéressantes. En 18 matches, il inscrit ainsi 8 buts et devient alors meilleur buteur de la compétition helvétique. Berne veut alors récupérer sa mise. “Nous aurions aimé terminer la saison avec Josef Martinez”, déplorait à l’époque le directeur sportif du FC Thun, Andres Gerber.
Josef Martinez inscrira encore trois autres buts pour le compte des Yong Boys avant de taper dans l’oeil d’un club de l’élite transalpine. “En Suisse, j’ai appris l’allemand et me suis acclimaté au jeu à l’européenne”, se félicitera toujours Martinez.
Torino débourse donc plus de trois millions d’euros pour s’attacher ses services. Sa première saison se passe plus ou moins bien en Italie avec 7 goals en 40 matchs, dont trois en Europa League, mais pas face au Club Bruges qu’il retrouvait en phase de poules. Toutefois, Martinez glisse doucement mais inexorablement vers le banc. “Torino, c’est un club fantastique ; j’y ai vécu trois belles années”, se souvient Martinez, sans amertume, sur The Players’Tribune. “J’ai rencontré des gars comme Gastón Silva, Matteo Darmian et Bruno Peres. J’ai appris l’italien, j’ai marqué en Europa League et je vivais dans une maison proche des Alpes. J’aimais vraiment le club. Lors des derniers mois, j’ai senti que l’amour à mon égard s’en était allé. Il n’y avait pas la même marge de manœuvre pour les Vénézuéliens que pour les Argentins ou les Brésiliens. Ce n’est pas juste ; cela fait mal.”
C’est là qu’Atlanta, dont l’arrivée en MLS est prévue, vient frapper à sa porte. Avec un ambassadeur de choc pour plaider sa cause : “Tata” Martino. “Lorsqu’il y a eu l’intérêt d’un club américain, j’ai écouté. Je ne connaissais pas le pays. Je n’avais jamais entendu parler d’Atlanta. On m’a dit que Tata Martino, un grand nom en Amérique du Sud, serait le coach. Jouer pour lui serait un honneur. Il m’a parlé du projet quelques mois plus tard. Ce qui m’a le plus plu était sa fierté de bâtir quelque chose de nouveau. Je suis là depuis deux saisons ; je sais que la passion de Martinez était vraie et il avait raison.”
Le rêve américain, expression éculée il est vrai, mais tellement pleine de sens pour le gamin de Valencia, pouvait commencer. D’abord prêté par Torino, Martinez met tout le monde d’accord dès ses premières foulées au pays de l’Oncle Sam : 5 goals pour ses 3 premiers matches dans la Ligue et un titre de joueur du mois. Atlanta active aussi vite la clause rendant le séjour de Martinez permanent. Dans la foulée, Martinez se blesse en équipe nationale et revient à l’été pour claquer sa spécialité : un triplé de derrière les fagots (il détient d’ailleurs le record de triplés - 6 - en MLS, et de temps passé dans la Ligue pour y parvenir). Et d’empocher un nouveau titre de joueur du mois, qui s’empilent sur son armoire autant que les ballons dans les filets adverses.
Le succès arrive enfin, les buts tombent et son contrat est revalorisé à quelque 1,4 million de dollars la saison. Mais en raison de son enfance et de son éducation, Josef Martinez ne se prend pas la tête. Papy José veille au grain. D’abord un triplé ce samedi face à Portland, pour commencer. Ensuite une MLS Cup qui portera son empreinte. Puis des vacances bien méritées. Avant un retour en Europe, des clubs français, anglais et espagnols s’intéressant à lui ?
Un élément pouvant influencer l’avenir de l’international vénézuélien : son mentor à Atlanta, “Tata” Martino, quittera le club après la MLS Cup et devrait prendre la tête du Mexique. “Nous avons appris à nous connaître sur un plan personnel”, déclarait dans la presse Martino au sujet de son goleador. “Il y a eu des désaccords, mais le respect est toujours présent. Je suis là pour l’aider à retourner en Europe, ce que je lui ai dit la première fois que je lui ai parlé au téléphone.”
Avant de partir à la conquête du monde, après celle de l’Ouest, Martinez a une échéance en tête : la MLS Cup. Avec l’envie de marquer face à Portland, ce qu’il n’a pas fait (encore ?) cette saison. “C’est un énorme compétiteur”, analyse son compatriote Giovanni Savarese, l’entraîneur des Timbers, qui doit échafauder un plan pour contrecarrer Martinez. “Bien sûr, c’est un joueur de qualité, un formidable attaquant. Je suis juste très fier de ce qu’il a accompli en tant que Vénézuélien.”
Mais ne comptez pas sur Martinez pour lui faire de cadeaux. Le redoutable attaquant compte bien mener la danse d’Atlanta vers un succès historique en MLS…